Analyse de l'arrêt TF 5A_375/2023 - ATF 150 III 49 (d)

Gaëlle Droz-Sauthier, Dre en droit, Maître-assistante à l’Institut de la famille, Université de Fribourg, Avocate au barreau

Autorité parentale, autodétermination de l’enfant et intervention de l’Etat : quelle juste mesure ?

I. Objet de l’arrêt

A l’occasion de l’examen des conditions des art. 273 al. 2 CC et 307 al. 3 CC, le Tribunal fédéral analyse en réalité le délicat équilibre entre les droits parentaux, l’autodétermination de l’enfant et l’intervention de l’Etat dans la sphère privée et familiale.

II. Résumé de l’arrêt

A. Les faits

C., né en 2012, est l’enfant de A. (la mère) et de B. (le père). La mère est titulaire de la garde et de l’autorité parentale exclusive. B. purge une peine privative de liberté (exécution de peine depuis 2015) suite à sa condamnation pénale pour actes d’ordre sexuel graves, notamment le viol de M., née en 2001, demi-sœur de C.

Pour donner suite à une requête de B. déposée en 2016, l’autorité de protection de l’enfant (APE) lui a octroyé le droit d’entretenir des relations personnelles surveillées avec C. en 2017 et a désigné un curateur à cet effet. A. a fait recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne. B. a renoncé à son droit et le recours est devenu sans objet.

En 2021, B. a derechef saisi l’APE en faisant part de sa volonté de reprendre contact avec son enfant. Invitée à se déterminer, A. s’y est opposée fermement. B. a maintenu sa demande. L’APE a informé les parties qu’elle envisageait d’ordonner un accompagnement thérapeutique de C. afin de le confronter à la réalité concernant son père (aufklären zu lassen). B. a accepté tandis que A. a maintenu son refus catégorique tout en arguant qu’il lui appartenait à elle seule de décider ce que son fils devait savoir de son père.

Par décision de 2022, l’APE a ordonné, sur la base de l’art. 273 al. 2 CC et dans l’intérêt de C., que A. le présente au service de psychiatrie pour enfant et adolescent (SPEA) pour lui permettre d’être confronté à son père en ce sens que les faits le concernant lui soient expliqués pour éventuellement accorder un droit aux relations personnelles au père de l’enfant ultérieurement. Un délai a été imparti à A. pour prendre contact avec le SPEA et ordre a été donné à ce service d’aviser l’APE si A. devait ne pas s’exécuter.

A. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne (TC), puis auprès du Tribunal fédéral. Dans le cadre de son recours au TC, la recourante a produit une lettre rédigée par C. expliquant de sa main ne pas vouloir entendre parler de son père.

B. Le droit

3.

3.1

Le Tribunal fédéral résume ici l’argumentation développée par l’autorité intimée, rejetant le recours déposé par A.

En substance, le TC considère que le droit aux relations personnelles du parent non-gardien avec son enfant doit servir son intérêt supérieur. En l’occurrence, et dès lors que la relation d’un enfant avec ses deux parents est essentielle et joue un rôle décisif dans la construction de son identité, le TC parvient à la conclusion qu’informer C. au sujet de son père est une étape préalable nécessaire au prononcé ultérieur d’un éventuel droit de visite et à l’examen de la mise en danger du bien de l’enfant.

Le TC ajoute qu’âgé de 10 ans au moment du prononcé de la décision, C. n’est pas capable de discernement pour se prononcer sur cette question. Il n’est, d’après cette autorité, pas en mesure de comprendre les conséquences sur le long terme d’éviter une confrontation avec son père, pourtant inéluctable dans son histoire de vie, sur le développement de son identité et de sa personnalité.

Le fait de communiquer des informations à C. au sujet de son père doit être distingué de l’organisation concrète des relations personnelles et que, dans cette perspective, l’appréciation du bien de l’enfant doit se faire sur la base d’autres critères et qu’une mise en danger de l’enfant ne doit être admise qu’avec beaucoup de retenue.

Tout bien pesé, le TC considère ainsi que la communication d’informations relatives à B. à son enfant par des professionnel-le-s est dans son intérêt et qu’en décider autrement cimenterait dans son esprit l’image d’un père « psychopathe handicapé ».

3.3.1

Le Tribunal fédéral énonce ici les art. 273 al. 2 et 307 al. 3 CC. Dans le premier cas, l’APE peut rappeler notamment les père et mère à leurs devoirs ou leur donner des instructions lorsque l’exercice ou le défaut d’exercice du droit aux relations personnelles est préjudiciable à l’enfant, ou lorsque d’autres motifs l’exigent. Dans le second cas, l’APE peut, lors de mise en danger du développement de l’enfant, rappeler les père et mère à leurs devoirs, leur donner des indications ou des instructions relatives au soin, à l’éducation et à la formation de l’enfant et désigner une personne ou un office qualifiés qui aura un droit de regard et d’information.


3.3.2 et 3.3.3

Le Tribunal fédéral présente la casuistique des mesures qui peuvent être prises par l’autorité sur la base de l’art. 273 al. 2 CC pour démontrer que cette norme s’applique à l’aménagement de relations personnelles autorisées uniquement :

  • Interdiction est faite au parent titulaire du droit de visite de s’approcher de l’enfant en dehors des moments prévus à cet effet1,
  • Interdiction est faite au parent titulaire du droit de visite de voir l’enfant sans la présence d’une personne de confiance2,
  • Ordre est donné au parent titulaire du droit de garde de participer à un suivi thérapeutique pour faciliter l’exercice du droit de visite de l’autre parent3,
  • Ordre est donné aux parents de participer à un suivi pour améliorer leur communication et leur coparentalité4,
  • Interdiction est faite au parent titulaire du droit de visite de quitter le territoire avec l’enfant5,
  • Ordre est donné au parent titulaire du droit de visite de déposer ses documents d’identité à l’office désigné à cet effet ou à l’autorité lors de l’exercice du droit6.

Le Tribunal fédéral rappelle les principes qui guident l’application de l’art. 273 al. 2 CC et les interprète. En substance, il retient que les mesures prévues par cette norme, liées à l’exercice du droit de visite, supposent une mise en danger du bien de l’enfant et doivent être proportionnées au but visé7. Selon la jurisprudence constante, la mise en danger ne peut être déterminée que dans chaque cas individuel, en prenant en considération toutes les circonstances du cas d’espèce. Le risque (objectivement déterminable) d’une atteinte doit être assez concret, alors même qu’il faut régulièrement tenir compte d’éléments relevant de pronostics. Il n’est pas nécessaire que le risque se soit déjà réalisé. En ce sens, les mesures de protection de l’enfant sont des mesures préventives, soumises au principe « in dubio pro infante ». Les causes de la mise en péril importent peu à cet égard. Il peut s’agir de prédispositions ou d’un comportement inapproprié de l’enfant, des parents ou de l’environnement au sens large. Il importe également peu de savoir si les parents ont commis une faute par rapport à la mise en péril.

En outre, le principe de proportionnalité exige que la mesure ordonnée soit appropriée et nécessaire pour écarter la mise en danger du bien de l’enfant (cf. art. 389 al. 2 en relation avec l’art. 440 al. 3 CC). Ainsi, le danger ne doit notamment pas pouvoir être prévenu par une mesure moins incisive. L’examen de la proportionnalité comprend en outre l’exigibilité : il convient d’évaluer si le but et l’effet d’une mesure sont dans un rapport raisonnable, c’est-à-dire d’examiner quelles sont les conséquences de l’intervention et si elles sont appropriées et nécessaires pour la personne concernée et si l’on peut exiger d’elle qu’elle tolère cette intervention. Enfin, il s’agit de vérifier que les mesures prises par les autorités ne remplacent pas les efforts des parents, mais les complètent8.

3.4.1

C’est le considérant topique de cette décision. Le Tribunal fédéral exclut d’emblée l’application de l’art. 273 al. 2 CC au cas d’espèce, étant donné que les instructions qui peuvent être données à l’un des parents sur cette base concernent l’aménagement des relations personnelles dans l’intérêt de l’enfant en tenant compte des circonstances particulières concrètes. Ce droit est donc lié à la réglementation des relations personnelles. Lorsque, comme c’est le cas ici, il n’y a pas de décision relative aux relations personnelles, c’est le parent titulaire de l’autorité parentale qui décide de l’exercice et de l’étendue de ce droit conformément à l’art. 275 al. 3 CC.

Comme l’a rappelé à plusieurs reprises l’autorité intimée, la communication d’informations concernant B. à C. n’est qu’une « simple étape préliminaire à un éventuel droit de visite (accompagné ultérieur) ». Ainsi, en fondant sa décision sur l’art. 273 al. 2 CC, l’autorité intimée a violé le droit.

3.4.2

D’après le Tribunal fédéral, la décision de l’autorité inférieure ne peut pas davantage être fondée sur l’art. 307 al. 3 CC. En effet, une mesure fondée sur cette norme (comme une instruction donnée à l’un des parents) n’est licite que lorsque le bien-être de l’enfant est menacé et que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes (art. 307 al. 1 CC). Sur ce point, le Tribunal fédéral retient que le raisonnement de l’autorité cantonale est erroné. Cette dernière a posé la question de savoir si le bien de l’enfant était menacé par la communication d’informations au sujet de son père prévue en tant qu’étape préliminaire d’un possible droit de visite accompagné ultérieur. En procédant ainsi, l’autorité intimée a violé le droit fédéral en confondant la conséquence juridique (la mesure par laquelle une autorité réagit à une situation de mise en danger) et l’état de fait (la mise en danger du bien de l’enfant en tant que condition légale pour une intervention de l’APE).

La véritable question de départ, qui reste en suspens, est la suivante : dans quelle mesure le bien de C. est-il mis en danger si on en reste au statu quo, c’est-à-dire s’il ignore la condition de son père et ses antécédents ? A cet égard, l’arrêt entrepris ne contient aucune constatation factuelle. Le Tribunal cantonal s’est contenté, pour l’essentiel, de craindre que C. ne puisse pas se faire sa propre opinion de son père et de décider, sur la base de ce constat, quel contact il voulait avoir avec lui et qu’il conserve une image d’« handicapé psychopathe ». Cette autorité n’a cherché à savoir quelle image avait concrètement C. de son père et en quoi il était essentiel qu’il soit mis au courant de ces informations maintenant.

Sur la question de la mise en danger du bien de l’enfant, le Tribunal fédéral retient qu’il aurait fallu, dans un premier temps, vérifier si C. avait la maturité nécessaire pour comprendre les raisons de l’incarcération de son père et mener ensuite une réflexion à ce propos. Tant que tel n’est pas le cas, le choix de taire ces éléments n’est pas propre à mettre son bien en danger. Les considérations abstraites du Tribunal cantonal, c’est-à-dire que tôt ou tard, C. serait confronté à cette réalité et que cette confrontation serait simplement reportée si l’on renonçait maintenant à l’en informer, ne peuvent à elles seules remplacer des constatations concrètes sur la situation de C. La recourante s’est plainte à juste titre que le Tribunal cantonal n’a pas établi correctement les faits puisqu’il a ignoré ses objections selon lesquelles C. était trop jeune et que compte tenu de sa situation actuelle, il n’était pas prêt à être éclairé. La cause pourrait être renvoyée à l’autorité précédente pour compléter l’état de fait et rendre une nouvelle décision. Cela étant, au vu de ce qui suit, le Tribunal fédéral y a renoncé.

3.4.3

Il a procédé à une analyse subsidiaire, en ce sens que même si l’on devait admettre que le fait de rester dans l’ignorance met en péril le bien de C., le principe de la proportionnalité empêche le prononcé de la décision entreprise. Il est reproché à l’autorité intimée de n’avoir même pas examiné si l’ingérence dans les droits parentaux (art. 301 al. 1 CC) était appropriée, nécessaire et raisonnablement exigible pour prévenir la mise en danger (présumée) de l’enfant.

Le Tribunal fédéral a délimité les obligations de l’autorité découlant de la maxime d’instruction et l’obligation de collaboration de la mère. Lorsque l’APE est saisie d’une demande de règlementation des relations personnelles, elle est tenue d’établir les faits de la cause d’office. Fait également partie de cette obligation le fait pour l’autorité d’ordonner, le cas échéant, l’information donnée à l’enfant par des professionnel-le-s ou une expertise en la matière9. Or cela n’a pas été le cas en l’espèce, seule la mère ayant reçu une injonction. Par ailleurs, les médecins et les psychologues sont soumis au secret professionnel et la décision entreprise ne fait nulle part mention d’une obligation de restituer à l’APE des informations sur le déroulement de la rencontre avec C. ou des résultats obtenus à la suite de celle-ci. L’APE ne peut ainsi pas se borner à déléguer à l’autre parent la charge de l’établissement des faits dans le cadre d’une requête en fixation des relations personnelles. C’est d’autant moins admissible que A. se trouve en grave conflit d’intérêt avec B. dans ce contexte, eu égard aux actes commis par ce dernier à l’encontre de la demi-sœur de C. Ainsi, l’ingérence de l’APE dans les droits parentaux de A. va au-delà de ce qu’on peut raisonnablement exiger de sa part.

III. Analyse

Le Tribunal fédéral rappelle les conditions des art. 273 al. 2 et 307 al. 3 CC et explique pourquoi ils ne s’appliquent pas en l’espèce. Pour l’essentiel, les instructions qui peuvent être données aux parents sur la base de l’art. 273 al. 2 CC doivent être liées à la mise en œuvre concrète de relations personnelles dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Sans décision formelle concernant ce droit, aucune autre mesure ne peut être prononcée sur la base de cette norme. S’agissant des instructions relevant de l’art. 307 al. 3 CC, une telle mesure ne peut être prononcée que lorsque le développement de l’enfant est menacé et que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes, condition non réalisée en l’espèce. Par ailleurs, toute mesure doit répondre aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, principes qui n’ont pas été examinés par l’autorité intimée et qui, de surcroît, ne sont pas respectés en l’espèce.

Préalablement, il convient de rappeler le caractère spécifique des droits de l’enfant qui sont non seulement intimement liés à l’enfant lui-même, mais également aux parents. L’enfant ne se trouve en général pas dans une relation bilatérale vis-à-vis de l’Etat, mais il s’inscrit dans une relation tripartite enfant, parent, Etat. Ces relations fonctionnent en vases communicants et impliquent la recherche d’un délicat équilibre pour respecter les droits et les obligations de chacune des parties.

En l’espèce, le droit qui est en jeu est celui de l’accès à l’information, respectivement le refus d’accès à l’information : le fait pour C. d’être informé du parcours de son père et des actes pour lesquels il a été pénalement condamné. Dans ce contexte, ce droit relève de la liberté personnelle et de la sphère privée et familiale de A. et de C., garantis par l’art. 10 Cst. et l’art. 8 CEDH.

Dans l’ordre, c’est A., la mère de C., titulaire de l’autorité parentale exclusive, qui peut décider quelles informations doivent être partagées avec son enfant. Ce pouvoir, c’est-à-dire le droit découlant de l’autorité parentale, peut être limité dans deux situations : lorsque C. devient capable de discernement et en cas de prononcé d’une décision judiciaire ou administrative. Le premier cas fait référence au caractère évolutif de l’enfant et de ses droits et au caractère strictement personnel du droit en jeu. L’enfant capable de discernement peut l’exercer de manière autonome une fois ce statut acquis. A 10 ans, C. a l’âge charnière où sa capacité de discernement – ou l’absence de celle-ci – ne peut pas être présumée et doit faire l’objet d’un examen concret10. Dans le second cas, une décision d’une autorité ne peut limiter un droit parental que lorsque le développement de l’enfant est en danger et que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes, ce qui implique que les faits soient dûment instruits.

En l’occurrence, le Tribunal fédéral a admis le recours, jugeant que les faits avaient été constatés de manière incomplète, l’autorité précédente les ayant insuffisamment instruits. Notamment en ce qui concerne la question de la capacité de discernement de C. et celle de son bien-être.

Pour notre part, nous considérons que l’autorité intimée a non seulement constaté les faits de manière incomplète, mais a violé le droit, celui de l’enfant de participer aux procédures qui le concernent, directement consacré à l’art. 12 CDE et déclaré directement exécutoire par le Tribunal fédéral11.

L’art. 12 CDE garantit à l’enfant le droit d’être entendu et de participer à toutes les procédures qui le concernent. Ce droit est en réalité un processus composé d’étapes qui débute dès la litispendance et perdure même après le prononcé de la décision.

Le droit de participer fonctionne en tandem avec l’art. 3 CDE consacrant l’intérêt supérieur de l’enfant. Il y a lieu de préciser à ce stade que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas synonyme de bien de l’enfant. En effet, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant est triple : c’est un droit de fond, un principe juridique interprétatif fondamental de la CDE et une règle de procédure12. Ce concept est ainsi bien plus large que le bien-être (et le développement) de l’enfant tel que prévu dans le Code civil suisse.

Ces deux normes (art. 3 et 12 CDE) ont un rôle complémentaire en ce sens que l’art. 3 CDE fixe pour objectif de réaliser l’intérêt supérieur de l’enfant et l’art. 12 CDE définit la méthode pour entendre l’opinion de l’enfant ou des enfants et la prendre en considération dans toutes les affaires qui les concernent, y compris pour l’évaluation de leur intérêt supérieur. Le par. 1 de l’art. 3 ne saurait être correctement appliqué si les prescriptions de l’art. 12 ne sont pas respectées. De même, l’art. 3 renforce la fonctionnalité de l’art. 12, en facilitant le rôle essentiel des enfants dans toutes les décisions intéressant leur vie13.

Pour évaluer et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant en vue de prendre une décision relative à une mesure précise, il convient d’établir quels sont les éléments à considérer pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant, en déterminer la teneur concrète et attribuer à chacun un poids relatif par rapport aux autres, eu égard au contexte factuel de la situation, et de suivre une procédure qui offre des garanties juridiques et permette la bonne mise en œuvre de ce droit14. L’expression « détermination de l’intérêt supérieur » désigne le processus formel, assorti de sauvegardes procédurales rigoureuses, ayant pour objet de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant15.

Concrètement, pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant – dont fait partie son bien-être – il convient de prendre en compte son opinion par le respect de son droit à participer à la procédure et en particulier son droit d’être entendu.

A cet égard, le Tribunal fédéral a reconnu que « l’audition découle de ses droits de la personnalité et sert à l’établissement des faits »16. Pour les enfants à partir d’un certain âge, l’aspect lié aux droits de la personnalité est prépondérant et l’enfant a donc un droit propre de participer à la procédure, alors que s’agissant des enfants plus jeunes, l’audition constitue avant tout un moyen de preuve, en ce sens qu’elle a pour but de permettre au juge de se faire une idée personnelle et de disposer d’une source de renseignements supplémentaires pour établir l’état de fait, raison pour laquelle les parents peuvent la requérir en leur qualité de parties à la procédure17. Ainsi, l’audition de l’enfant réalise plusieurs fonctions, dont celle de respecter les droits de la personnalité de l’enfant, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un enfant de 10 ans, et celle d’établir les faits de la cause.

En l’occurrence, il ne ressort pas de l’arrêt cantonal, ni du jugement du Tribunal fédéral, que C. aurait participé à la procédure qui le concerne directement, ni même qu’il aurait été entendu sur l’objet de la cause. Les autorités n’ont donc en outre pas pu évaluer son bien-être et son intérêt supérieur. Comme l’a confirmé le Tribunal fédéral, c’est une constatation incomplète des faits pertinents. Mais pire à notre avis, c’est une violation des droits de la personnalité de C., et donc de ses droits fondamentaux. Même si, finalement, l’autorité s’était écartée de l’opinion de l’enfant, elle devait procéder à l’évaluation rigoureuse de sa situation en respectant ses droits fondamentaux et procéduraux.

Si le résultat est similaire, nous regrettons néanmoins que l’accent n’ait pas été mis davantage sur les droits de l’enfant dans une affaire qui le concerne aussi intimement. Il est indispensable que le Tribunal fédéral relève de manière systématique les violations des droits de l’enfant pour permettre un changement de pratiques en Suisse parmi toutes les actrices et tous les acteurs actifs en droits de l’enfant. Par une jurisprudence précise, le Tribunal fédéral doit guider les praticiennes et les praticiens ainsi que les différentes autorités, judiciaires et administratives, dans une application du droit conforme aux droits de l’enfant.



  1. TF, 6.11.18, 5A_103/2018.
  2. TF, 23.9.15, 5C.209/2005.
  3. TF, 29.1.20, 5A_306/2019.
  4. TF, 4.5.20, 5A_723/2019.
  5. TF, 13.11.01, 5P.323/2001.
  6. TF, 30.3.11, 5A_830/2010.
  7. TF, 6.11.2018, 5A_103/2018, c. 4.2.2.
  8. Principe de la complémentarité ; voir par exemple TF, 12.3.12, 5A_701/2011, c. 4.2.1.
  9. Art. 275 al. 1 cum art. 314a al. 1 et 446 CC.
  10. ATF 134 II 235, c. 4.3.3.
  11. ATF 124 III 90.
  12. Observation Générale du Comité des droits de l’enfant de l’ONU n° 14, par. 6.
  13. Observation Générale (n. 11), par. 43. Voir, Droz-Sauthier Gaëlle/Zermatten Jean, L’enfant sujet de droit et droits des parents : conflits choisis, in : RMA 2023, 283 ss.
  14. Observation Générale (n. 11), par. 46.
  15. Observation Générale (n. 11), par. 47.
  16. TF, 10.9.2021, 5A_131/2021, c. 3.2.1 ; ATF 146 III 203, c. 3.3.2.
  17. Ibid.
Couple non marié

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Droit de visite

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Protection de l'enfant

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Procédure

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Destiné à la publication

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