TF 5A_98/2016 (d) du 25 juin 2018
Modification de jugement de divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 134 al. 2, 163 al. 2, 286 al. 2 CC; 285 aCC; 13cbis al. 2 Tit. fin. CC
Modification de l’entretien de l’enfant (art. 134 al. 2 et 286 al. 2 CC). Pour la modification des contributions d’entretien des enfants fixées dans le jugement de divorce, l’art. 134 al. 2 CC renvoie aux dispositions sur les effets de la filiation, à savoir à l’art. 286 al. 2 CC. La modification a pour but d’adapter le jugement à la nouvelle situation, sur la base de la comparaison entre la situation de fait au moment du divorce et au moment de la demande de modification. Il n’importe pas de savoir si les nouveaux faits étaient prévisibles : il faut examiner s’ils ont déjà été pris en compte dans la décision initiale pour la fixation de l’entretien (consid. 2.3).
Application de l’ancien droit de l’entretien de l’enfant (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC). En l’espèce, la décision attaquée a été rendue avant le 1er janvier 2017. En conséquence, le Tribunal fédéral applique l’ancien droit (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC) (consid. 3.4).
Entretien de l’enfant – formes de l’entretien et principe d’égalité entre les enfants. Il n’existe pas de hiérarchie entre les formes de contribution d’entretien. Selon les circonstances, un parent peut être tenu de fournir une contribution d’entretien en argent et en nature. Le principe d’égalité entre les enfants mineurs en ce qui concerne l’entretien n’est pas absolu ; les enfants doivent être traités de manière égale compte tenu de leurs besoins objectifs, non seulement par rapport au calcul de la contribution d’entretien en argent selon l’art. 285 aCC, mais également du point de vue du rapport entre l’entretien en argent et en nature. Une répartition inégale de l’entretien en argent et en nature en fonction des besoins objectifs des enfants n’est ainsi pas exclue, mais elle doit reposer sur un motif particulier (consid. 3.4).
Entretien de l’enfant — règle des 10/16 ans. La règle des 10/16 ans a été développée initialement en lien avec l’entretien après le divorce. La jurisprudence récente retient que cette règle se base à la fois sur le bien de l’enfant et sur la confiance dans la répartition des tâches choisie par les époux (art. 163 al. 2 CC) ainsi que dans la continuation du mariage. La question de savoir si ce point de vue peut être maintenu malgré l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant peut rester ouverte, car l’ancien droit s’applique au cas d’espèce. La règle des 10/16 ans connaît deux exceptions : premièrement, l’autonomie des parents, qui prime toujours : lorsque les deux parents travaillaient pendant la vie commune, le parent qui obtient la garde ne peut pas soudainement invoquer la règle des 10/16 ans. Autrement dit, le principe de continuité vaut aussi bien quand une répartition des rôles traditionnelle a été convenue (le principe de la confiance justifiant alors le maintien de cette répartition dans les limites de la règle des 10/16 ans) que lorsque les deux parents travaillaient (consid. 3.5). La deuxième exception concerne l’enfant né d’une autre relation après la séparation. En ce qui concerne le nouvel enfant non commun, les ex-époux n’ont pas convenu librement d’une répartition des tâches protégée par le principe de la confiance. Pour que l’enfant puisse développer sa confiance profonde, il faut qu’il puisse bénéficier, pendant sa première année de vie, d’une relation stable avec la personne qui le prend en charge. Dès la deuxième année, c’est d’abord la qualité des différentes possibilités de prise en charge qui est déterminante. Une répartition inégale de l’entretien en argent et en nature, compte tenu des besoins objectifs de l’enfant, peut donc se justifier durant sa première année, si bien qu’il n’est pas possible d’exiger de la mère qu’elle exerce une activité lucrative si elle s’occupe elle-même de l’enfant. La règle ne vaut en principe plus au-delà de la première année, car il n’existe pas un droit absolu à la prise en charge personnelle (consid. 3.5).
Enfants de différents lits et moyens financiers limités. Lorsque, comme en l’espèce, il y a des enfants issus de lits différents et que les moyens financiers sont limités, il faut examiner comment la force de travail du parent débiteur peut être répartie de manière appropriée entre les enfants créanciers d’entretien afin de respecter, dans la mesure du possible, l’égalité de traitement de tous les enfants (consid. 3.5).