TF 5A_90/2012 (f) du 28 juin 2012

Divorce ; entretien ; revenu hypothétique, maladie d’un époux ; art. 125 CC

Principe. L'art. 125 al. 1 CC concrétise le principe de l'indépendance économique des époux après le divorce qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins. Il concrétise également le principe de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage, mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien. L'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (consid. 3.1.1).

Droit à une contribution d’entretien. Une contribution est due en vertu du principe de la solidarité si le mariage a eu une influence concrète sur les conditions d'existence de l'époux (« lebensprägende Ehe »), en d'autres termes si le mariage a créé pour cet époux – par quelque motif que ce soit – une position de confiance qui ne saurait être déçue même en cas de divorce. La confiance placée par cet époux dans la continuité du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles, convenue librement entre les époux durant le mariage, mérite objectivement d'être protégée et le crédirentier a par conséquent en principe un droit au maintien du niveau de vie des conjoints durant le mariage. Un mariage peut notamment avoir une influence concrète sur la situation de l'époux crédirentier s'il a duré au moins dix ans jusqu'à la date de la séparation des époux ou encore, indépendamment de sa durée, si les époux ont eu des enfants communs. Une position de confiance digne de protection créée par le mariage peut toutefois être retenue pour d'autres motifs également. Lorsque l'un des conjoints souffrait, avant le mariage déjà, de maladie ou d'invalidité et qu'en connaissance de cet état de fait, les parties ont décidé de se marier, on doit admettre qu'elles ont, au moins implicitement, choisi et accepté d'assumer ensemble ce destin. Partant, il doit être tenu compte de la maladie ou de l'invalidité dudit conjoint dans l'appréciation de l'influence concrète du mariage, malgré le fait qu'elles soient survenues antérieurement à sa célébration, ce d'autant plus que l'art. 125 al. 2 ch. 4 CC fait expressément mention de l'état de santé des époux dans les critères qu'il faut prendre en considération pour déterminer si une contribution d'entretien se justifie (consid. 3.1.2).

Application au cas d’espèce. Compte tenu de la différence de revenus des conjoints, de l'absence d'avoir de prévoyance professionnelle de l'épouse – hormis la rente viagère de 100 fr. par mois au titre d'indemnité équitable selon l'art. 124 CC – et eu égard au fait qu'elle est analphabète, ne bénéficie d'aucune formation professionnelle et a toujours voué ses soins au ménage ainsi qu'à l'éducation des enfants pendant la vie commune, qui a duré environ vingt ans, ainsi que des chances de réinsertion professionnelle relativement faibles de l'intéressée, l'autorité cantonale considère qu'il se justifie de condamner le mari à verser à l'épouse une contribution d'entretien après divorce d'un montant de 500 fr. par mois jusqu'à ce que celle-ci atteigne l'âge de la retraite. Le mariage doit être considéré comme ayant eu une influence concrète sur la situation de l'intimée, compte tenu non seulement de sa durée, mais aussi de la naissance de trois enfants communs. Dans la mesure où l’épouse s’est consacrée durant près de vingt ans à la tenue du ménage et à l'éducation des enfants, la situation a pu faire naître chez l'intimée une confiance fondée et digne de protection dans le fait que son époux continuerait de lui apporter son soutien, eu égard notamment à son absence de scolarisation. Le droit à une contribution d'entretien pour l'épouse doit par conséquent être admis dans son principe (consid. 3.1.2).

Divorce

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Entretien

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Revenu hypothétique

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