ATF 145 III 169 - TF 5A_14/2019 (d) du 9 avril 2019

Divorce; entretien; partage prévoyance; procédure; art. 122, 125, 163 CC

Portée de la modification de l’art. 122 CC. Selon l’art. 122 CC, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, la date d’introduction de la requête en divorce est désormais déterminante pour calculer le montant de la prévoyance professionnelle à partager en cas de divorce (consid. 2).

Lacunes de prévoyance (Vorsorgeunterhalt) et mesures provisionnelles. Les prestations de prévoyance professionnelle acquises durant la procédure en divorce ne sont plus partagées (consid. 3.1). Or, ce n’est que pour la période post-divorce que le conjoint peut réclamer une contribution d’entretien permettant de couvrir les futures lacunes de prévoyance professionnelle au sens de l’art. 125 CC. Plusieurs voix dans la doctrine considèrent qu’il s’agit d’une lacune qui doit être comblée, non pas dans le cadre de l’entretien après le divorce, mais déjà pendant la durée de la procédure en divorce dans le cadre des mesures provisionnelles. D’autres possibilités de compensation sont envisageables, comme une répartition supérieure à la moitié des avoirs de prévoyance sur la base de l’art. 124b al. 3 CC ou un entretien post-marital rétroactif ou disproportionné sur la base de l’art. 125 f. CC (consid. 3.2). Les auteurs parlent d’une « lacune ». Or, il n’est pas clair de savoir s’il s’agit d’une lacune de cotisations, respectivement d’une lacune de prévoyance, ou d’une véritable lacune de la loi (consid. 3.3).

Processus législatif menant à la modification de l’art. 122 CC. Au moment de l’adoption de la loi, un débat approfondi a lieu au sujet de la coordination entre le moment du partage de la prévoyance professionnelle et la créance en entretien. Les inconvénients pour l’époux créancier ont été examinés (consid. 3.4).

Le parlement avait conscience qu’au travers de l’avancement du terme final déterminant pour le partage, les prestations de sortie à partager allaient être moins importantes. Cette conséquence a été voulue par la majorité du parlement. L’effet est le même qu’en matière de dissolution du régime matrimonial, qui intervient au moment de l’introduction de la procédure de divorce (cf. art. 204 al. 2 CC), et qui implique qu’on ne partage pas l’augmentation du patrimoine des acquêts réalisée pendant la durée de la procédure de divorce (consid. 3.5).

Compensation du déficit de prévoyance et mesures provisionnelles durant la procédure de divorce. La notion de « vorsorglicher Vorsorgeunterhalt » proposée par la doctrine permettrait d’harmoniser les différentes périodes de calcul, en couvrant la part de déficit de prévoyance accumulée durant la procédure de divorce par le biais d'une contribution d’entretien octroyée par des mesures provisionnelles. Il n’y aurait dès lors pas à financer cette période par la contribution d’entretien post matrimoniale (consid. 3.6).

Fondement de la créance. Pendant la procédure de divorce, la créance alimentaire demeure une créance matrimoniale, qui se fonde matériellement sur l’art. 163 CC, alors que la contribution d’entretien post matrimoniale se fonde matériellement sur l’art. 125 CC (consid. 3.6).

Selon l’art. 125 al. 1 CC, l’entretien dû entre époux comprend une prévoyance vieillesse appropriée. L’entretien dû au sens de l’art. 125 CC comprend la couverture des besoins culturels comme les vacances, les hobbies, etc., en sus des besoins fondamentaux tels que la nourriture, les vêtements, le logement et les soins personnels et de santé (ainsi que la charge fiscale en cas de ressources suffisantes), au regard du mode de vie précédent. A côté de cet entretien « de consommation », l’entretien de prévoyance compense les lacunes de prévoyance vieillesse qui peuvent en particulier apparaître lorsque la prise en charge de l’enfant empêche totalement ou partiellement un parent d’exercer une activité lucrative (consid. 3.6).

L’art. 163 CC n’a pas été modifié lors de l’entrée en vigueur de la révision partielle du droit de la prévoyance. Par conséquent, même si l’art. 163 CC exige que le conjoint subvenant aux besoins de la famille constitue une prévoyance vieillesse, la créance alimentaire résultant de l’art. 163 CC comprend exclusivement un entretien de « consommation ». Les art. 159 al. 3 et 164 al. 2 CC ne constituent pas une base légale suffisante permettant de fixer l’entretien en tenant compte du besoin de prévoyance (consid. 3.6).

Divorce

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Entretien

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Partage prévoyance

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Procédure

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ATF

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Arrêt analysé

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Analyse de l'arrêt ATF 145 III 169 - TF 5A_14/2019 (d)

Soizic Wavre

29 mai 2019

Portée de la modification de l’art. 122 CC et lacunes de prévoyance durant la procédure de divorce