TF 5A_881/2018 (f) du 19 juin 2019

Divorce; liquidation du régime matrimonial; art. 206 CC; 18 et 530 CO

Société simple entre époux (art. 530 CO). La société simple se présente comme un contrat de durée dont les éléments caractéristiques sont, d’une part, le but commun qui rassemble les efforts des associés et, d’autre part, l’existence d’un apport, c’est-à-dire une prestation que chaque associé doit faire au profit de la société. Acheter en propriété commune un immeuble ou construire un bâtiment en commun constitue typiquement un but de société simple. Il n’est pas nécessaire que la société tende à réaliser un bénéfice ou qu’elle soit conçue pour durer de manière illimitée (consid. 3.1.1.1 et 3.1.1.2).

L’apport de chaque associé peut être opéré en pleine propriété. Dans ce cas, tous les associés deviennent propriétaires en main commune. L’apport peut également être effectué en destination, ce qui signifie que l’associé garde la propriété du bien, mais accepte de l’affecter à un usage déterminé. Enfin, l’apport peut être fait d’usage, lorsque les associés ne bénéficient que de l’usage de la chose. Il n’est pas nécessaire que les apports soient égaux. Lorsque l’apport consiste dans l’usage ou la mise à disposition d’une chose, il est repris à la dissolution de la société par l’associé resté propriétaire, qui participe en principe seul à une éventuelle plus-value conjoncturelle. En revanche, si la valeur de l’apport a augmenté grâce à l’activité de la société simple, la plus-value est considérée comme gain à partager entre les associés. Par ailleurs, en cas d’apport en usage, toute plus-value, même conjoncturelle, entre dans le bénéfice de la société, à répartir entre les associés, lorsque ceux-ci ont traité l’apport, dans les rapports internes, comme s’ils en étaient propriétaires collectifs, même s’ils ne pouvaient pas en disposer (consid. 3.1.1.2).

Le contrat de société simple ne requiert l’observation d’aucune forme spéciale pour sa validité ; il peut donc se créer par actes concluants. Cela étant, l’apport de certains biens en propriété, en particulier les biens immobiliers, implique le respect des règles qui lui sont propres, à savoir acte authentique et inscription au registre foncier (art. 657 al. 1 CC ; 90 al. 1 let. c et 96 al. 3 ORF) (consid. 3.1.1.3). Il n’est pas décisif que l’associé n’ait pas été codébiteur des différents prêts hypothécaires ayant permis l’acquisition de la parcelle et la construction de la maison pour admettre son apport (consid. 3.4.3).

Les règles d’interprétations de conclusion du contrat (art. 18 CO). Dans le cas d’espèce, la conclusion d’un contrat de société simple permettant d’obtenir une maison familiale a été admise, bien que l’époux soit mentionné comme seul propriétaire et débiteur des prêts constitués pour acquérir la maison. Il a été admis, sur la base du dossier, que l’épouse ne s’était pas constituée copropriétaire en raison des limitations administratives qui s’imposaient eu égard à sa nationalité suédoise (art. 4 al. 2 de l’arrêté fédéral du 21 mars 1973 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes domiciliées à l’étranger, dans sa teneur en 1983, avant l’adoption de la LFAIE) et que celle-ci a fourni son apport par un investissement essentiel tant dans le projet immobilier que dans le temps consacré à sa construction et son aménagement, ainsi que par sa contribution à l’entretien de la famille (consid. 3.4.1 et 3.4.2 ; cf. également faits A.d.b).

Distinction entre liquidation de la société simple et liquidation du régime matrimonial (art. 206 CC). Le fait que les parties, alors en concubinage, se soient finalement mariées par la suite sous le régime de la participation aux acquêts ne met pas un terme au contrat de société simple, étant précisé qu’un tel contrat peut parfaitement être conclu entre deux conjoints. La liquidation de la société simple se distingue de la liquidation du régime matrimonial. La première précède celle du régime matrimonial et son résultat doit y être intégré. L’articulation entre l’art. 206 CC et la société simple, à savoir l’éventuelle application de cette dernière disposition après liquidation de la société et intégration de son produit sans les masses matrimoniales, est controversée en doctrine et le Tribunal fédéral laisse la question ouverte en l’espèce (consid. 3.5.3).

Divorce

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Liquidation du régime matrimonial

Liquidation du régime matrimonial