TF 5A_244/2018 - ATF 145 III 393 (d) du 26 août 2019
Couple non marié; garde des enfants; entretien; procédure; art. 301, 306 CC; 299 CPC
Représentation de l’enfant dans la procédure en entretien. La conduite d’une procédure en entretien ne constitue pas une affaire courante ou urgente, qui permettrait au père ou à la mère de se fonder sur l’art. 301 al. 1bis ch. 1 CC pour intenter seul·e l’action. Lorsque le père ou la mère détient seul·e l’autorité parentale, il ou elle peut agir dans une procédure d’entretien contre l’autre parent, au nom de l’enfant, en application de l’art. 304 CC. En l’espèce, depuis le 6 septembre 2016, les deux parents détiennent l’autorité parentale conjointe. Il convient d’examiner si une curatelle de représentation aurait dû être ordonnée pour l’enfant depuis cette date (consid. 2.2 à 2.4).
Examen du conflit d’intérêts dans une procédure d’entretien. Le conflit d’intérêts entre l’enfant et le parent contre lequel ou laquelle une action en paiement de l’entretien est ouverte est évident ; dans ce cas, son pouvoir de représentation tombe (art. 306 al. 3 CC), ce qui conduit en principe au droit de représentation exclusif de l’autre parent. Lorsque l’entretien après le divorce entre en concurrence avec l’entretien de l’enfant ou lorsqu’un entretien de prise en charge est exigé, la doctrine considère qu’il existe un conflit d’intérêts. En revanche, un conflit d’intérêts n’est pas présumé, puisqu’il n’est pas manifeste, lorsqu’il s’agit simplement d’une question d’entretien en espèces de l’enfant. En outre, aucun conflit d’intérêts n’est présumé dans l’intérêt du parent demandeur de devoir prester moins d’entretien en argent, car dans ce cas, les intérêts de l’enfant et ceux du parent demandeur sont sur un pied d’égalité (consid. 2.7.1). Ces constellations de la doctrine qui donnent lieu à une présomption de conflits d’intérêts peuvent se produire non seulement en cas de parents mariés ou divorcés (entretien durant le mariage ou après le divorce), mais également et de la même manière pour les parents non mariés (entretien de prise en charge) (consid. 2.7.2).
Idem – Conflits d’intérêts dans le cadre d’une procédure matrimoniale. Dans les procédures matrimoniales, l’autorité judiciaire doit examiner la nécessité d’ordonner la représentation de l’enfant si nécessaire (art. 299 CPC). Par conséquent, le législateur n’a normalement pas reconnu, pour la procédure matrimoniale en matière d’entretien de l’enfant, de conflit d’intérêts en soi, entre le père ou la mère qui est représentant·e et l’enfant représenté·e – ou il l’a du moins accepté – sinon, il aurait réglé la représentation de l’enfant au travers d’une curatelle (consid. 2.7.2).
Idem – Conflits d’intérêts dans le cadre d’une procédure indépendante. Dans la procédure indépendante relative à l’entretien, l’enfant est une partie à la procédure et sa position procédurale est plus forte que dans une procédure matrimoniale. Toutefois, si, conformément à la volonté du législateur, l’enfant n’a pas besoin d’être représenté·e dans tous les cas dans une procédure matrimoniale alors que le risque de conflit d’intérêts est non seulement équivalent ou encore plus important, ce principe doit valoir d’autant plus dans les procédures indépendantes relatives à l’entretien (consid. 2.7.2).
Portée des maximes inquisitoire et d’office. Dans ces procédures, la maxime inquisitoire oblige le tribunal à établir d’office les faits (art. 296 al. 1 CPC). En outre, l’application de la maxime d’office implique que le tribunal n’est pas lié par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC). Comme le jugement du tribunal ne dépend ni des allégations sur les faits des parties ni de leurs conclusions et que le tribunal peut réagir face à des conclusions ou requêtes inappropriées, les intérêts de l’enfant sont en principe suffisamment protégés ; les conflits d’intérêts sont manifestes et reconnaissables par tous (consid. 2.7.3).
Priorité de la contribution d’entretien de l’enfant mineur·e. L’obligation d’entretien envers un·e enfant mineur·e prime les autres obligations d’entretien du droit de la famille. La concurrence entre l’entretien entre époux et l’entretien de l’enfant est hiérarchisée dans la loi. Comme, en outre, la contribution en espèces prime sur la contribution de prise en charge, la couverture des coûts de la vie du parent qui a la charge n’entre pas en concurrence avec le financement des besoins de l’enfant. De plus, l’entretien de prise en charge n’a pas pour but d’assurer un niveau de vie élevé au parent qui en a la charge (consid. 2.7.3).
Entretien de l’enfant. Rappel de principes (consid. 3.6.2).