TF 5A_990/2019 (f) du 21 janvier 2020
Divorce; DIP; enlèvement international; art. 1, 3, 5, 12 al. 1, 13 al. 1 let. b et al. 2 CLaH80; 5 LF-EEA
Illicéité du déplacement international d’enfant (art. 1, 3 et 5 CLaH80). Rappel des principes. Le déplacement ou le non-retour de l’enfant est considéré comme illicite au sens de la CLaH80 lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde (qui comprend, en matière internationale, le droit portant sur les soins de l’enfant et en particulier celui de décider de son lieu de résidence) attribué à une personne, institution ou tout autre organisme par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement, et que ce droit était exercé de façon effective (consid. 4.1).
Exceptions au retour immédiat (art 1 let. a, 3, 12 al. 1, 13 al. 1 let. b CLaH80 ; 5 LF-EEA). Les exceptions au retour prévues à l’art. 13 CLaH80 doivent être interprétées de manière restrictives. Les motifs liés aux capacités éducatives des parents ne sont pas pris en considération. Rappel de la teneur de l’art. 5 LF-EEA. Le critère du retour intolérable concerne l’enfant et non les parents. La séparation de l’enfant d’avec sa personne de référence ne constitue pas à elle seule une cause de refus du retour. Lorsque le parent ravisseur crée de son propre chef une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le ou la raccompagner, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l’enfant à titre d’exception au retour. Un retour du parent ravisseur avec l’enfant ne peut pas être exigé si ce parent s’expose à une mise en détention ou lorsque des relations familiales très solides ont été nouées en Suisse, notamment après un nouveau mariage. Une exception au retour peut également être soulevée lorsque le parent qui a demandé le retour de l’enfant ne reprendra pas l’exercice du droit de garde ni ne l’obtiendra par voie judiciaire, le jugement devant attribuer la garde exclusive au parent ravisseur devant toutefois apparaître indubitable (consid. 4.2, 5.1, 5.1.1, 5.1.2 et 5.1.3).
Prise en compte de l’avis de l’enfant (art. 13 al. 2 CLaH80). L’Etat requis peut refuser d’ordonner le retour s’il constate que l’enfant s’y oppose en ayant atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion. L’opposition qualifiée de l’enfant (exprimée avec une certaine fermeté), reposant sur des motifs particuliers et compréhensibles, et formée librement, constitue donc une exception au retour, mais ne confère pas à l’enfant le droit de choisir librement le lieu de séjour de la famille. De jurisprudence constante, un enfant a atteint un degré de maturité suffisant lorsqu’il est en mesure de comprendre le sens et la problématique de la décision portant sur le retour, en étant capable de saisir que la procédure ne concerne ni la question de la garde, ni celle de l’autorité parentale, et en étant conscient que la question de son lieu de résidence et de son parent gardien sera tranchée après son retour dans le pays d’origine. Un tel degré de maturité est atteint, selon le TF, vers l’âge de douze ans (consid. 6.1).
En l’espèce, le déplacement des trois enfants de la France vers la Suisse par la mère était illicite et les conditions d’une exception au retour ne sont pas remplies. La séparation d’avec la mère était envisageable au regard de l’âge des enfants (5 ans pour le cadet). Malgré les réticences des enfants à revoir leur père, l’aînée était âgée de dix ans, les déclarations s’inscrivaient dans le cadre d’un conflit conjugal intense et les enfants n’avaient revu leur père qu’à de rares occasions depuis octobre 2017, de sorte que l’on pouvait relativiser la portée des propos (consid. 6.2).