TF 5A_789/2019 - ATF 146 III 313 (d) du 16 juin 2020
Divorce; protection de l’enfant; procédure; art. 301 al. 1, 302 al. 1 307, 313 al. 1 CC
Mesures de protection de l’enfant. Pouvoir d’appréciation (art. 307 CC). Le tribunal ou l’autorité de protection de l’enfant dispose d’une large marge d’appréciation pour ordonner des mesures de protection au sens de l’art. 307 CC. Le Tribunal fédéral ne contrôle qu’avec retenue l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la dernière instance cantonale (consid. 3.4).
Modification des mesures de protection (art. 313 al. 1 CC). Si les circonstances changent de manière permanente et significative, les mesures de protection de l’enfant doivent être adaptées (art. 313 al. 1 CC). Les mesures de protection tendent à améliorer la situation perturbée de l’enfant et doivent être continuellement optimisées jusqu’à devenir superflues (consid. 5.2).
Autorité parentale (art. 301 CC). Selon l’art. 301 CC, les parents prennent soin de l’enfant en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité d’agir. La décision de vacciner un enfant n’est pas une décision courante au sens de l’art. 301 al. 1bis ch. 1 CC, qui relèverait de la responsabilité d’un parent. Un conflit parental à ce sujet peut menacer l’intérêt supérieur de l’enfant et justifier une mesure de protection de l’enfant (consid. 6.2.1).
Intérêt supérieur de l’enfant (art. 302 al. 1 CC). Le bien-être de l’enfant est mis en danger dès que l’on peut prévoir la possibilité sérieuse d’une atteinte à son bien-être physique, moral ou mental. La mise en danger ne peut être déterminée que dans chaque cas individuel, en tenant compte de l’ensemble des circonstances. Le danger (objectivement vérifiable) d’une atteinte doit être raisonnablement concret, mais il n’est pas nécessaire qu’il se soit déjà concrétisé (consid. 6.2.2).
Intérêt de l’enfant et vaccination. Les divergences de vues sur des questions d’éducation font partie des aléas de la vie lorsque la garde est alternée. Les parents doivent régler conjointement toutes les affaires des enfants, sans qu’un parent puisse prétendre à une voix prépondérante. L’autonomie familiale ou parentale prime sur l’intervention de l’Etat : une décision prise par les deux parents de ne pas vacciner leur enfant contre la rougeole doit donc être respectée en principe. Une divergence d’opinions à ce sujet entre les parents met en danger le bien-être de l’enfant si une décision s’avère nécessaire pour protéger la santé de l’enfant, pour l’inscrire à l’école obligatoire, poursuivre des études ou choisir une profession. La protection de la santé de l’enfant, condition préalable à son développement prospère, occupe une place particulière. Outre les abus physiques et sexuels, les menaces pour le bien-être physique de l’enfant mentionnées en doctrine comprennent également le manque de soins personnels, l’insuffisance des soins de santé préventifs, le manque d’hygiène dans l’habillement et le logement, la malnutrition, le refus de traitement médical ou médicamenteux, la circoncision génitale, le manque de protection contre les stupéfiants et le refus d’interventions préventives, notamment de vaccinations (consid. 6.2.3).
Déterminer si le bien-être de l’enfant est mis en danger se résout uniquement au vu de la situation personnelle de l’enfant. Les conditions auxquelles la vaccination (au niveau fédéral ou cantonal) peut être déclarée obligatoire ne se fondent pas sur la situation individuelle, mais sur le risque pour la population ou des groupes de personnes (voir art. 6, al. 2, let. d et art. 22 LEp). Le fait qu’une vaccination ne soit pas déclarée obligatoire, mais simplement recommandée par l’autorité sanitaire, ne signifie pas qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de s’abstenir de le vacciner contre cette maladie (consid. 6.2.4). On ne peut pas juger si renoncer à la vaccination met en danger l’intérêt de l’enfant en faisant une distinction entre danger abstrait et concret, puis en affirmant qu’un danger hypothétique ne justifie pas des mesures fondées sur l’art. 307 CC (consid. 6.2.5).
Le parent qui refuse de vacciner son enfant ne l’expose pas directement aux risques liés à la rougeole, mais il accepte une mise en danger de sa santé, compte tenu des risques auxquels est exposé un enfant non protégé par la vaccination. Si les parents qui ont la garde de l’enfant ne peuvent pas se mettre d’accord, l’art. 307 al. 1 CC s’applique. L’autorité compétente sera ainsi appelée à se prononcer sur la question à la place des parents, en tenant compte de tous les éléments essentiels à l’évaluation (les recommandations de l’OFSP devant servir de lignes directrices) (consid. 6.2.6).