TF 5A_385/2019 et 5A_386/2019 (f) du 8 mai 2020
Couple non marié; entretien; procédure; art. 5 al. 3, 9, 29 al. 1 Cst.; 279, 308 al. 2, 314 al. 1 CC; 67, 197, 204, 206, 209 al. 1 et 295 CPC
Représentation de l’enfant en procédure de conciliation. Selon l’art. 314 al. 1 CC, les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte (art. 443 ss CC) sont applicables par analogie à la protection de l’enfant. L’art. 400 al. 1 CC relatif à la nomination du curateur par l’autorité de protection de l’adulte, ne s’applique pas (consid. 4.1.1).
Comparution personnelle et délivrance de l’autorisation de procéder (art. 67, 197, 204, 206, 209 al. 1. et 295 CPC). La demande en aliments est soumise à la procédure simplifiée (art. 295 CPC). Sauf exceptions (art. 198 et 199 CPC), l’action doit être ouverte par une requête de conciliation (art. 197 CPC). L’art. 204 al. 1 CPC impose aux parties de comparaître « en personne » à l’audience de conciliation. Les personnes physiques qui n’ont pas l’exercice des droits civils doivent comparaître par l’intermédiaire de leur représentant·e légal·e (art. 67 al. 2 CPC). En l’espèce, l’enfant était représenté par une avocate-stagiaire, qui a excusé l’absence de la curatrice nommée sur la base de l’art. 308 CC pour représenter l’enfant pour faire valoir sa créance alimentaire. L’art. 206 al. 1 CPC dispose qu’en cas de défaut de la partie demanderesse, la requête est considérée comme retirée, la procédure devient sans objet et l’affaire est rayée du rôle. La partie qui n’est pas représentée valablement fait défaut. Lorsque la tentative de conciliation n’aboutit pas, l’autorité consigne l’échec au procès-verbal et délivre l’autorisation de procéder (art. 209 al. 1 CPC). L’autorisation de procéder est une condition de la recevabilité de la demande, mais n’est pas une décision sujette à recours. Sa validité doit être examinée d’office par le tribunal du fond qui peut par exemple constater qu’une partie n’a pas comparu personnellement à l’audience de conciliation, que l’autorité de conciliation a délivré une autorisation de procéder non valable, et qu’une des conditions de recevabilité de la demande fait donc défaut (consid. 4.1.2).
Etendue du pouvoir de représentation du curateur ou de la curatrice de l’enfant (art. 308 al. 2 CC). Du fait de son pouvoir légal de représentation, le curateur ou la curatrice a qualité pour agir au nom de la personne représentée. La représentation de l’enfant mineur·e par un·e avocat·e ne peut entrer en considération en tant que forme de comparution personnelle. La personne disposant d’un pouvoir légal de représentation ne peut être dispensé·e de comparaître personnellement qu’aux conditions de l’art. 204 al. 3 CC, non réalisées en l’espèce (consid. 4.3). Le Tribunal fédéral a donc retenu que l’enfant mineur·e devait comparaître à l’audience de conciliation par l’intermédiaire de sa représentante légale (avocate mandatée en tant que curatrice), que l’enfant a donc fait défaut et que la demande en aliment devait être déclarée irrecevable (consid. 4.2 et 4.3).
Formalisme excessif (art. 5 al. 3, 9 et 29 al. 1 Cst.). Il y a formalisme excessif, constitutif d’un déni de justice formel prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (consid. 4.1.3).
Le demandeur soutient que la délivrance d’une autorisation de procéder pouvait légitimement laisser penser que le processus de conciliation avait été respecté et que la procédure au fond pouvait valablement être introduite. Le Tribunal fédéral estime que le principe de la bonne foi n’a pas été violé, car la délivrance d’une autorisation de procéder ne saurait constituer une assurance ou un renseignement erroné de l’autorité, ni un comportement propre à tromper les justiciables (consid. 4.4). L’intimé n’a pas commis d’abus de droit en invoquant immédiatement le défaut de comparution personnelle (consid. 5). Cette application conforme du droit fédéral ne saurait être considérée comme contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant (consid. 6), ou comme une violation du principe de célérité (consid. 7).