TF 5A_548/2020 et 5A_551/2020 (f) du 5 août 2020
Couple non marié; enlèvement international; audition de l'enfant; protection de l’enfant; art. 3 et 13 CLaH80; 5 LF-EEA
Champ d’application de la CLaH80 (art. 1, 4 et 5 CLaH80). Rappel de principes.
Protection de l’enfant – Déplacement ou non-retour illicite (art. 3 CLaH80). Rappel des définitions. En matière internationale, le droit de garde comprend le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence (art. 5 let. a CLaH80) (consid. 4.2).
Retour de l’enfant. Lorsqu’un·e enfant a été déplacé·e ou retenu·e illicitement, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 al. 1 CLaH80), à moins que l’une des exceptions prévues à l’art. 13 CLaH80 ne soit réalisée, étant précisé que celles-ci doivent être interprétées de manière restrictive, le parent ravisseur ne devant tirer aucun avantage de son comportement illégal (consid. 5). Selon l’art. 13 al. 1 let. a CLaH80, l’autorité judiciaire de l’Etat requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant lorsque le parent ravisseur qui s’oppose à son retour établit que l’autre parent qui fournissait les soins à l’enfant n’exerçait pas effectivement la garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour (consid. 5.1). En outre, elle n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant lorsqu’il existe un risque grave que ce retour ne l’expose à un danger physique ou psychique ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable (consid 5.2.1). L’application de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80 est précisée par l’art. 5 LF-EEA, qui énumère une série de cas dans lesquels le retour ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu’il placerait l’enfant dans une situation manifestement intolérable (consid. 5.2.1.1).
Cause de refus du retour. Le retour peut entraîner, selon les circonstances, une séparation entre l’enfant et sa personne de référence, séparation qui ne constitue pas encore à elle seule une cause de refus du retour. Lorsque le parent ravisseur, dont l’enfant ne devrait pas être séparé de lui, crée lui-même une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, alors qu’on peut l’exiger de lui, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l’enfant à titre d’exception au retour ; à défaut, le parent ravisseur pourrait décider librement de l’issue de la procédure de retour. Le caractère intolérable du retour de l’enfant doit, dans tous les cas, être établi clairement, à défaut de quoi le retour doit être ordonné (5.2.1.2).
Age et avis de l’enfant. L’art. 13 al. 2 CLaH80 prévoit que l’autorité judiciaire de l’Etat requis peut refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion. L’opposition qualifiée de l’enfant, c’est-à-dire exprimée avec une certaine fermeté, reposant sur des motifs particuliers et compréhensibles, et formés librement, constitue une exception au principe du retour en cas de déplacement illicite, mais ne confère pas à l’enfant le droit de choisir librement le lieu de séjour de la famille. La CLaH80 ne fixe pas l’âge à partir duquel l’opinion de l’enfant doit être prise en considération ; la doctrine considère que l’avis de l’enfant commence à devoir être pris en compte entre dix et quatorze ans. De jurisprudence constante, un enfant a atteint un degré de maturité suffisant au sens de cette disposition lorsqu’il est en mesure de comprendre le sens et la problématique de la décision portant sur le retour. Il doit en particulier être capable de saisir que la procédure ne concerne ni la question de la garde, ni celle de l’autorité parentale, mais tend uniquement à rétablir la situation antérieure au déplacement illicite ; il doit aussi être conscient que le point de savoir dans quel Etat et auprès duquel de ses parents il vivra à l’avenir sera tranché, après son retour dans le pays d’origine, par les autorités judiciaires de ce pays. Fondée sur la littérature spécialisée en psychologie infantile, la jurisprudence du Tribunal fédéral retient qu’en principe un tel degré de maturité et de compréhension est atteint vers l’âge de douze ans (consid. 5.3.1).