TF 5A_311/2019 - ATF 147 III 265 (d) du 11 novembre 2020
Divorce; entretien; art. 276, 285 CC
Entretien. Revenu hypothétique. Une détermination du revenu hypothétique qui se fonde sur l’enquête relative à la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique ou sur d’autres sources est admissible, mais n’est en aucun cas obligatoire, surtout lorsqu’un revenu professionnel concret et existant peut être pris comme point de départ du calcul (consid. 3.2).
Entretien de l’enfant (art. 276 al. 1 et 2, 285 al. 1 CC). L’« entretien convenable » de l’enfant au sens de l’art. 276 al. 2 CC se détermine selon plusieurs critères. Il ne dépend pas seulement de ce dont l’enfant a besoin et de la contribution de prise en charge, mais également de la situation financière des parents. Il s’agit d’une notion dynamique qui dépend des moyens concrets, sans qu’il n’existe de limite supérieure ou inférieure (consid.5.4 - 5.6).
Répartition de l’entretien entre les deux parents. Les deux parents contribuent selon leur faculté à l’entretien convenable de l’enfant sous la forme de soins, d’éducation et de prestations pécuniaires. Lorsque l’enfant est sous la garde exclusive d’un parent, vit dans son ménage, et ne voit l’autre parent que dans le cadre du droit de visite et de vacances, le parent ayant la garde apporte déjà sa pleine contribution en nature à l’entretien en s’occupant de l’enfant et en l’élevant (« entretien en nature »). Dans ce cas, le principe de l’équivalence entre les frais d’entretien et l’entretien en nature, exige que l’autre parent supporte les frais d’entretien, sauf exceptions liées notamment à la situation financière des parents. En cas de garde alternée, les charges financières sont à supporter en proportion inverse des parts de prise en charge, si la capacité financière des parents est similaire ; lorsque le taux de prise en charge et la capacité contributive sont tous deux asymétriques, la répartition sera réalisée en fonction d’une matrice qui ne correspond pas à une pure opération de calculs, mais à une mise en œuvre des principes évoqués ci-dessus, en tenant compte du pouvoir d’appréciation de l'autorité (consid. 5.5).
Moyens insuffisants. Lorsqu’il n’est pas possible de couvrir la totalité de l’entretien dû à l’enfant le montant manquant doit être indiqué dans la convention ou dans le jugement (art. 287a lit. c CC et art. 301a lit. c CCP). Cela est particulièrement important, notamment lorsqu’il faut s’attendre à une augmentation exceptionnelle de la capacité de paiement du parent débiteur à l’avenir (entrée dans la vie active, saut de carrière, activité indépendante en cours de création, etc.), ce qui pourrait entraîner une obligation de verser des paiements supplémentaires en vertu de la nouvelle loi sur l’entretien de l’enfant (art. 286a al. 1 CC). En pratique, cependant, la question est souvent réglée par la procédure en modification de la contribution d’entretien fondée sur des faits nouveaux (art. 286 al. 2 CC), dans la mesure où un tel changement n’était pas déjà prévisible et n’a donc été pris en compte dans la décision initiale (art. 286 al. 1 CC) (consid. 5.6).
Méthode de calcul. La méthode concrète en deux étapes avec répartition éventuelle de l’excédent permet de tenir compte des exigences fixées par l’autorité législative à l’art. 285 al. 1 CC pour le calcul des contributions d’entretien. Elle doit devenir la méthode uniforme applicable à toute la Suisse, aussi bien pour calculer les coûts directs de l’enfant que pour calculer les coûts indirects (consid. 6.6).
Application de la méthode concrète en deux étapes. Cette méthode implique de calculer d’abord les moyens financiers à disposition, selon les revenus effectifs ou hypothétiques et de déterminer les besoins de la personne dont l’entretien est examiné. Enfin, les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, selon l’ordre de priorité suivant : couverture du minimum vital du droit des poursuites, respectivement en cas de moyens suffisants, le minimum vital de droit de la famille. L’éventuel excédent doit se répartir en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances entourant la prise en charge de l’enfant (consid. 7-7.1).
Concrétisation du minimum vital élargi du droit de la famille. Lorsque la situation le permet, l’entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Chez les parents, cela comprend en sus les impôts, les forfaits pour la télécommunication et les assurances, les frais de formation continue indispensables, les frais de logement réels, les frais d’exercice du droit de visite et un montant adapté pour l’amortissement des dettes. Dans des circonstances favorables, il est encore possible de prendre en compte les primes d’assurances maladie privées et le cas échéant les dépenses de prévoyance à des institutions privées de la part des personnes travaillant à titre indépendant. Chez l’enfant, le minimum vital du droit de la famille comprend une part d’impôts, la part adaptée aux coûts effectifs de logement et les primes d’assurances maladie complémentaires. En revanche, le fait de multiplier le montant de base ou de prendre en compte des postes supplémentaires comme les voyages ou les loisirs n’est pas admissible. Ces besoins doivent être financés au moyen de la répartition de l’excédent. Toutes les autres particularités devront également être appréciées au moment de la répartition de l’excédent. Lorsqu’il reste des ressources après la couverture du minimum vital du droit de la famille de toutes les personnes intéressées, la contribution destinée à couvrir les coûts de l’enfant peut être augmentée avec l’attribution d’une part sur l’excédent (voir consid. 7.3). En revanche, la contribution de prise en charge reste limitée au minimum vital du droit de la famille, même en cas de situation financière supérieure à la moyenne, puisqu’il s’agit uniquement d’assurer la prise en charge personnelle de l’enfant et non de permettre une participation au train de vie, supérieur à la moyenne, de la partie débitrice (consid. 7.2).
Répartition des ressources. Lorsque les moyens sont insuffisants, il convient de régler les différentes catégories d’entretien qui entrent en ligne de compte. L’ordre de priorité suivant ressort de la loi et de la jurisprudence : en premier lieu, il convient de couvrir les coûts directs des enfants mineur·es, puis leur contribution de prise en charge, puis l’éventuel entretien entre (ex-) conjoint·es, et finalement l’entretien de l’enfant majeur·e. L’entretien de l’enfant majeur·e doit céder le pas, non seulement au minimum vital du droit des poursuites mais également au minimum vital du droit de la famille des autres ayants droit. Seul le minimum vital au sens du droit des poursuites de l’enfant mineur·e prime sur l’entretien entre (ex-conjoint·es) (consid. 7.3).
Répartition de l’excédent. La répartition « par grandes et petites têtes », c’est-à-dire par adultes et enfants mineur·es s’impose comme nouvelle règle. Lors de cette répartition, toutes les particularités du cas d’espèce doivent être prises en compte, soit notamment la répartition de la prise en charge, le travail « surobligatoire » par rapport à la règle des paliers, de même que les besoins particuliers. La part d’épargne réalisée et prouvée doit être retranchée de l’excédent (consid. 7.3).