TF 5A_104/2018 - ATF 147 III 308 (d) du 2 février 2021

Divorce; entretien; art. 125 CC; 298 CPC

Entretien. Etapes de calcul (art. 125 CC). Rappel des trois étapes de calcul de l’entretien après divorce et la prise en compte d’un revenu hypothétique. En principe, il convient d’examiner en premier lieu la possibilité effective de reprendre une activité, puis, dans un deuxième temps, d’apprécier le caractère raisonnable d’une telle reprise, car l’application du droit se fonde sur les faits constatés. Toutefois, il peut être pertinent de s’écarter de cet ordre, si, comme en l’espèce, l’accent est mis sur le caractère raisonnable de la reprise d’une activité rémunérée, puis sur la possibilité effective de le faire. Les différentes questions doivent donc être examinées dans l’ordre dans lequel elles sont soulevées dans le recours (consid. 4).

Principe de l’autonomie. Lors de l’examen d’un possible revenu hypothétique, il convient de tenir compte des obligations de prise en charge envers l’enfant. A cette fin la règle des degrés scolaires est applicable. En outre, lorsqu’il s’agit d’un mariage ayant influencé de manière concrète l’existence des conjoints « lebensprägend », il était considéré qu’on ne pouvait, en principe, pas attendre d’un époux ou d’une épouse la reprise d’une activité lucrative après 45 ans (« règles des 45 ans »). Il est vrai que, ces derniers temps, le Tribunal fédéral avait plutôt accepté les arrêts cantonaux qui s’étaient écartés de cette règle. De même, la doctrine a émis divers doutes sur la pertinence de la « règle des 45 ans » au vu des réalités actuelles, d’autant plus que le Tribunal fédéral lui-même part du principe que la limite dans la jurisprudence cantonale actuelle est plutôt de 50 ans. Jusqu’à ce jour, le Tribunal fédéral a continué de se référer de manière constante à la « règle des 45 ans » en tant que principe, tout en n’excluant pas totalement la possibilité de (re)prendre une activité lucrative après 45 ans ; il s’est toujours agi d’une application au cas par cas (consid. 5.2).

Changement de jurisprudence. Rappel historique de la « règle des 45 ans » (consid. 5.3). Cette règle découle de la jurisprudence. Il ne s’agit pas d’une présomption légale et elle n’est pas prévue pour être appliquée indépendamment des critères de l’art. 125 al. 2 CC. Cette règle n’est pas immuable et a perdu, ces derniers temps, son caractère de ligne directrice. Dès lors, la question fondamentale qui se pose est de savoir si le critère de l’âge pour la (re)prise d’une activité professionnelle est encore approprié, ou s’il n’est pas préférable de se concentrer uniquement sur la possibilité effective de réaliser un revenu, en application de l’art. 125 al. 2 ch. 7 CC, en tant que critère de l’entretien après le divorce. La fin du mariage implique un changement des conditions de vie ; ce n’est pas parce qu’auparavant, le père ou la mère s’occupait du ménage, qu’il ou elle ne peut exercer une activité lucrative après le divorce. La nouvelle règle relative aux degrés de scolarité implique une réintégration dans le monde du travail plus rapide et plus complète pour le parent qui s’occupe des enfants (après une période transitoire, indépendamment de la répartition des rôles pendant le mariage). En outre, dans la société actuelle, le père ou la mère exercent au moins partiellement une activité professionnelle. Ainsi, plutôt que de se focaliser sur un certain seuil d’âge, il est plus approprié de se concentrer sur l’obligation d’entretien durant des périodes transitoires appropriées, comme le Tribunal fédéral l’a déjà souligné dans son arrêt de principe sur le modèle des degrés de scolarité, notamment en considérant l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour cette raison, la forme de prise en charge convenue entre les parents peut être maintenue « pendant un certain temps » après la séparation. En ce qui concerne le retour au travail, la période transitoire est destinée à créer les conditions nécessaires à une (ré)insertion (recherches d’emploi ; formation(s) supplémentaire(s)). Dans ce contexte, en fonction de la situation spécifique, des périodes transitoires plus longues peuvent également être appropriées ; cette période doit néanmoins rester transitoire (consid. 5.4).

A la lumière de ce qui précède, le Tribunal fédéral conclut que la « règle des 45 » devrait être formellement abandonnée. Un simple relèvement de la limite d’âge, par exemple à 50 ans, n’aurait guère de sens, car une limite d’âge spécifique créant une présomption généralisante qui ne se justifie pas à la lumière des différents cas d’espèce ; en outre, la possibilité et la rapidité d’une (ré)insertion dans la vie professionnelle dépendent notamment fortement du domaine professionnel et de la formation (consid. 5.5).

Lorsqu’un·e conjoint·e est proche de l’âge de la retraite, il peut être renoncé à prendre en compte une période transitoire visant la reprise d’une activité lucrative. Le caractère déraisonnable – en particulier l’exercice d’une activité lucrative qui n’est pas « conforme à son statut » – peut également être justifié en présence de divers facteurs. Il s’agit notamment du cas où un mariage a marqué la vie de l’un·e des conjoint·e·s de manière décisive, en ce sens que la personne concernée a renoncé à la poursuite de sa propre carrière, s’est consacrée au ménage et à l’éducation des enfants sur la base d’une décision commune et a soutenu l’autre conjoint·e pendant des décennies. Cette répartition doit avoir permis à l’autre de se consacrer à son avancement professionnel et à l’augmentation de ses revenus, grâce auxquels deux ménages peuvent être financés. Toutefois, un mariage « lebensprägend » au sens de la jurisprudence antérieure ne suffit pas à déroger au principe de reprise d’une activité lucrative (consid. 5.6).

Audition de l’enfant (298 al. 1 CPC). Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, l’audition de l’enfant doit avoir lieu d’office, indépendamment des éventuelles requêtes des parties. En outre, en règle générale, l’audition ne peut être supprimée sur la base d’une appréciation anticipée des preuves (consid. 7.1).

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Analyse de l'arrêt TF 5A_104/2018 - ATF 147 III 308 (d)

Michael Saul

25 mars 2021

Le nouveau droit quasi prétorien de l’entretien entre (ex-)conjoint·e·s