ATF 147 III 209 - TF 5A_755/2020 (f) du 16 mars 2021

Partenariat; droit de visite; art. 27 al. 2 LPart et 274a CC

Droit aux relations personnelles à la suite de la séparation des partenaires enregistré·es (art. 27 al. 2 LPart, 274a CC). L’art. 274a CC vise le droit que pourraient revendiquer des tiers, notamment les grands-parents de l’enfant. Le cercle des tiers concerné est cependant plus large et s’étend à la sphère de parenté de l’enfant, mais également à l’extérieur de celle-ci. Le beau-parent peut se prévaloir de cette disposition pour obtenir le droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ou sa conjoint·e dont il est séparé ou divorcé. De même, l’ex-partenaire peut se voir accorder un droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ex-partenaire en cas de suspension de la vie commune ou de dissolution du partenariat enregistré (art. 27 al. 2 LPart), aux conditions prévues par l’art. 274a CC (consid. 5).

Notion de circonstances exceptionnelles. L’octroi d’un droit aux relations personnelles à des tiers suppose tout d’abord l’existence de circonstances exceptionnelles qui doivent être rapportées par la partie qui le revendique, ce droit constituant une exception. La mort d’un parent constitue une circonstance exceptionnelle pour octroyer un droit de visite aux membres de la famille du parent décédé, dont les grands-parents font partie. La relation particulièrement étroite que des tiers ont nouée avec l’enfant, comme ses parents nourriciers, ou le vide à combler durant l’absence prolongée de l’un des parents empêché par la maladie, retenu à l’étranger ou incarcéré, figurent parmi les autres exemples cités au titre de circonstances exceptionnelles. Il en va de même des situations dans lesquelles l’enfant a tissé un lien de parenté dite « sociale » avec d’autres personnes, qui ont assumé des tâches de nature parentale à son égard (consid. 5.1).

L’intérêt de l’enfant. Seul l’intérêt de l’enfant est déterminant, à l’exclusion de celui de la personne avec laquelle l’enfant peut ou doit entretenir des relations personnelles. Il ne suffit pas que les relations personnelles ne portent pas préjudice à l’enfant, encore faut-il qu’elles servent positivement le bien de l’enfant. Il incombe à l’autorité saisie d’apprécier le type de relation établi avec l’enfant, en particulier si une « relation particulière » s’est instaurée. S’agissant du droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son ex-partenaire enregistré, il pourra notamment être accordé lorsque l’enfant a noué une relation intense avec le ou la partenaire de son père ou de sa mère et que le maintien de cette relation est dans son intérêt. Lorsque la partie requérante endossait aussi le rôle de parent d’intention non biologique de l’enfant (nicht biologischer Wunschelternteil ; originärer Elternteil), autrement dit lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’un projet parental commun et a grandi au sein d’un couple formé par ses deux parents d’intention, le maintien de relations personnelles sera en principe dans l’intérêt de l’enfant. Dans une telle configuration, le tiers représente pour l’enfant une véritable figure parentale d’attachement, de sorte que les autres critères d’appréciation, tels que l’existence de relations conflictuelles avec l’ex-partenaire, doivent être relégués au second plan. En revanche, la situation sera appréciée avec plus de circonspection lorsque la partie requérante n’a connu l’enfant qu’après sa naissance, ce qui est souvent le cas s’agissant des beaux-parents. L’autorité doit faire preuve d’une circonspection particulière lorsque le droit revendiqué par des tiers viendrait s’ajouter à l’exercice des relations personnelles par les parents de l’enfant (consid. 5.2).

Pouvoir d’appréciation. L’appréciation des circonstances de fait pour fixer le droit aux relations personnelles est une question de droit. Le Tribunal fédéral s’impose toutefois une certaine retenue, l’autorité établissement les faits dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, en vertu de l’art. 4 CC (consid. 5.3).

Application au cas d’espèce. B, liée par un partenariat enregistré à A, (la recourante) a donné naissance à un enfant en janvier 2016, puis à des jumeaux en octobre 2017, suite à des PMA effectuées à l’étranger. Seule la filiation maternelle a été inscrite au registre de l’état civil. Les parties se sont séparées en septembre 2018. Les circonstances de la conception découlent d’un projet familial et parental durable et stable, qui peuvent être qualifiées d’exceptionnelles (art. 274a CC) et justifier un droit de visite (consid. 3.1). La recourante peut représenter une véritable figure parentale, en sus de la mère. La seule interruption des relations personnelles entre la recourante et les enfants, essentiellement imputable à la procédure, tout comme le fait que la recourante a quitté la Suisse, ne permettent pas en soi d’exclure qu’il soit dans l’intérêt des enfants d’avoir des relations personnelles avec elle, même s’il faut prendre ces critères en considération. Vu ce qui précède, le recours est admis et la cause renvoyée auprès de l’instance cantonale (consid. 6 et 7).

Partenariat

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Droit de visite

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ATF

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Arrêt analysé

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Analyse de l’arrêt ATF 147 III 209 - TF 5A_755/2020 (f)

Sabrina Burgat, Jérôme Saint-Phor

27 mai 2021

Parent d’intention et droit aux relations personnelles