TF 5A_219/2021 (f) du 27 août 2021
Divorce; étranger; DIP; protection de l’enfant; filiation; procédure; art. 75 al. 1, 77 al. 1 et 78 al. 1 LDIP; 264, 268a et 264d CC; 3 et 5 al. 2 et 5 OAdo; 8 CEDH
Adoption internationale d’un·e mineur·e – compétence et droit applicable (art. 75 al. 1, 77 al. 1 et 78 al. 1 LDIP). In casu, la décision d’adoption prononcée en Ethiopie n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance en Suisse, les conditions de l’art. 78 al. 1 LDIP n’étant pas remplies (consid. 3.1). L’Ethiopie n’est pas partie à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Cette convention n’est donc pas applicable en l’espèce en sorte que la compétence et le droit applicable pour prononcer l’adoption sont régis par le droit international privé suisse. Les autorités genevoises sont compétentes vu le domicile de la recourante dans le canton de Genève (art. 75 al. 1 LDIP) et le droit suisse s’applique (art. 77 al. 1 LDIP) (consid. 3.2).
Adoption d’un·e mineur·e – enquête préalable (art. 268a CC ; art. 5 al. 5 OAdo). L’adoption ne peut être prononcée avant qu’une enquête portant sur toutes les circonstances essentielles n’ait été faite, au besoin avec le concours d’expert·e·s (art. 268a al. 1 CC ; art. 5 al. 5 OAdo). L’enquête doit porter notamment sur la personnalité et la santé du ou des adoptant·e·s et de l’enfant, leurs relations, leur aptitude à éduquer l’enfant, leur situation économique, leurs mobiles et les conditions familiales, ainsi que sur l’évolution du lien nourricier (art. 268a al. 2 CC). In casu, affirmer, comme la recourante, que l’enquête établie par le Service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement (ci-après : SASLP) aurait valeur d’expertise apparaît douteux. Une partie de la doctrine semble aller en ce sens. Cet avis peut néanmoins être tempéré par le fait qu’en cas de doute, le recours à des expertises est précisément réservé (art. 268a al. 1 in fine CC). La jurisprudence rendue en matière d’attribution des droits parentaux admet par ailleurs que l’autorité judiciaire peut s’écarter des conclusions d’un rapport d’enquête sociale à des conditions moins strictes que celles applicables lorsqu’il s’agit d’une expertise judiciaire. La question peut toutefois demeurer ouverte en l’espèce (consid. 5.1.2).
Idem – rappel des conditions générales (art. 264 CC ; art. 3 et 5 al. 2 OAdo). Toute adoption doit être précédée d’un placement et d’un lien nourricier d’une certaine durée (art. 264 al. 1 CC). Condition impérative de l’adoption, cette mesure constitue une justification de l’établissement ultérieur d’un lien de filiation, un délai d’épreuve pour les intéressé·e·s ainsi qu’une occasion et un moyen de s’assurer que l’adoption servira au bien de l’enfant. Cette exigence est une réaction contre la pratique qui consistait à « se procurer » un enfant à l’étranger et à mettre les autorités devant le fait accompli. La procédure d’accueil d’enfants en vue de l’adoption est réglée par l’OAdo, not. art. 3 et 5 al. 2 let. a OAdo. L’ordonnance concrétise par ailleurs l’art. 264 al. 2 CC en soulignant que, de par leurs qualités personnelles, leur état de santé, le temps dont ils disposent, leur situation financière, leurs aptitudes éducatives et leurs conditions de logement, les futurs parents adoptifs doivent offrir toute garantie que l’enfant bénéficiera de soins, d’une éducation et d’une formation adéquats (art. 5 al. 2 let. d ch. 1 OAdo). Le facteur matériel ne doit cependant pas se voir accorder une importance excessive (consid. 5.2.1.1).
Idem – différence d’âge (art. 264d CC). Selon l’art. 264d al. 1 CC, la différence d’âge entre l’enfant et le, la ou les adoptant·e·s ne peut être inférieure à seize ans ni supérieure à quarante-cinq ans, cette disposition matérialisant l’aptitude à prendre soin de l’enfant jusqu’à sa majorité, prévue à l’art. 264 al. 2 CC. Des exceptions restent cependant possibles si le bien de l’enfant le commande (art. 264d al. 2 CC), notamment si le, la ou les adoptant·e·s ont déjà établi des liens étroits avec l’enfant (art. 5 al. 4 OAdo) (consid. 5.2.1.2).
Protection de la vie privée et familiale selon l’art. 8 CEDH. L’art. 8 par. 1 CEDH ne garantit ni le droit de fonder une famille, ni le droit d’adopter. La notion de « famille » visée par cette disposition concerne non seulement les relations fondées sur le mariage, mais aussi d’autres liens « familiaux » de facto, lorsque les parties cohabitent en dehors de tout lien marital ou lorsque d’autres facteurs démontrent qu’une relation a suffisamment de constance. Dans certaines situations, l’existence d’une vie familiale de facto est admise entre un·e adulte ou des adultes et un·e enfant en l’absence de liens biologiques ou d’un lien juridiquement reconnu, sous réserve qu’il y ait des liens personnels effectifs. Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 par. 1 CEDH n’est pas absolu, étant précisé que, lorsque l’on peut attendre des personnes concernées qu’elles réalisent leur vie de famille à l’étranger, il n’y a pas d’atteinte à la vie familiale. Une ingérence dans l’exercice de ce droit est donc possible selon l’art. 8 par. 2 CEDH (consid. 7.2).