TF 5A_524/2020 (d) du 2 août 2021
Divorce; entretien; partage prévoyance; procédure; art. 124b al. 2 ch. 1 et 125 CC; 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC
Entretien entre ex-conjoint·e·s (art. 125 CC, 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC) – rappel et confirmation des nouveaux principes. La fixation de l’entretien relève du pouvoir d’appréciation du tribunal et le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans son examen (consid. 3.5). Le principe de disposition et la maxime des débats s’appliquent à l’entretien après divorce (art. 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC) (consid. 3.6). Confirmation des nouveaux principes permettant de fixer l’entretien après divorce dans le cas de mariages qui ont eu une influence concrète sur la vie des parties (« lebensprägende Ehen »). Rappel de la méthode en trois étapes (consid. 4.6.1).
Idem – calcul de l’excédent. Rappel des principes. L’entretien convenable se détermine, en principe, selon le niveau de vie des parties durant la vie commune, avec prise en compte des coûts supplémentaires engendrés par le divorce (pour l’exception en cas de séparation de longue durée v. not. ATF 137 III 102). Partant, lors du calcul de la contribution d’entretien selon la méthode en deux étapes, les revenus que les époux réalisaient durant la vie commune doivent être utilisés pour déterminer l’excédent (éventuel). L’excédent résultant de ce revenu représente le dernier train de vie des parties. In casu, l’époux-recourant conteste à raison le fait que la dernière instance cantonale ait pris en compte, pour calculer la contribution d’entretien, l’excédent réalisé par les parties après la séparation, en confrontant l’ensemble des revenus actuels de la famille avec ses besoins globaux actuels. Dans la mesure où la somme des revenus actuels est supérieure à la somme des revenus réalisés durant la vie commune, l’excédent calculé par l’instance cantonale ne reflète pas le dernier train de vie commun des parties, mais les circonstances postérieures à la séparation. Un tel résultat est contraire au droit fédéral (consid. 4.6.2).
Idem – prévoyance professionnelle appropriée. La contribution d’entretien après divorce comprend une prévoyance vieillesse appropriée. Celle-ci se calcule en fonction du train de vie déterminant des parties. Il convient de définir ce train de vie, de le transformer en revenu brut fictif, calculer sur cette base les cotisations sociales (part employé·e et part employeur·se), auxquelles on ajoutera une éventuelle charge fiscale, afin d’obtenir la part de prévoyance professionnelle de l’entretien. Cette méthode permet de calculer directement le montant nécessaire à la prévoyance professionnelle ou de vérifier si l’estimation des montants nécessaires à cet égard est appropriée. Dans ce cadre, et contrairement au partage des avoirs de 2e pilier accumulés durant le mariage, le montant de l’entretien attribué à titre de prévoyance professionnelle ne résulte pas d’un calcul purement arithmétique, mais plutôt d’une estimation de l’évolution future et difficilement prévisible des circonstances de vie. Des simplifications sont nécessaires et admissibles. Cette question relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité judiciaire du fond qui doit statuer en équité et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d’espèce (consid. 4.7.3).
Exception au partage de la prévoyance professionnelle (art. 124b al. 2 ch. 1 CC). L’hypothèse envisagée à l’art. 124b al. 2 ch. 1 CC recoupe pratiquement les mêmes cas qui justifiaient déjà une exclusion du partage sous l’empire de l’ancien droit. A titre d’exemples, on peut citer : le cas où une partie a financé la formation de l’autre et que cette dernière se trouve au début de son activité professionnelle qui lui permettra d’avoir une meilleure prévoyance professionnelle que la partie qui l’a financée, ou encore le cas où l’une des parties est employée, réalise ainsi un revenu modeste et dispose d’un 2e pilier, alors que l’autre est indépendante, ne dispose pas de 2e pilier, mais réalise des revenus plus importants. Le partage est ainsi inéquitable lorsqu’il placerait l’une des parties dans une situation de prévoyance professionnelle choquante en comparaison à celle de l’autre. Toutefois, des situations patrimoniales et des perspectives de revenus différentes ne suffisent en principe pas pour s’écarter du principe du partage par moitié. Toute inégalité qui survient après le partage par moitié n’est pas un motif suffisant au sens de l’art. 124b al. 2 ch. 1 CC. Le partage ne doit néanmoins pas mener à un résultat inéquitable. Le partage, par moitié, des avoirs de prévoyance professionnelle est une expression de la communauté de destin qui découle du mariage et vise à tenir compte de la répartition (traditionnelle) des tâches durant la vie commune. L’application des exceptions prévues à l’art. 124b al. 2 CC ne doit pas vider de sa substance la règle du partage par moitié et cet article doit être appliqué avec retenue. Si un·e conjoint·e invalide n’est plus en mesure de combler sa lacune de prévoyance par des remboursements, le tribunal doit en tenir compte. La partie qui revendique un refus du partage par moitié supporte le fardeau de la preuve s’agissant de la réalisation des conditions de l’exception (consid. 5.4).
In casu, l’époux-recourant ne parvient pas à démontrer que le partage par moitié serait inéquitable. Compte tenu de la répartition des tâches entre les parties, de la longue durée de leur mariage (19 ans jusqu’à la séparation), de l’invalidité partielle de l’épouse-intimée et de la situation de prévoyance des parties, le partage par moitié ordonné par l’instance inférieure n’est pas critiquable, même si l’épouse devait disposer d’une fortune (héritée) bien plus importante que l’époux (consid. 5.8).