TF 5A_822/2020 (d) du 21 février 2022
Couple divorcé; étranger; DIP; filiation; procédure; art. 27 al. 1, 32 et 73 al. 1 LDIP; 42 et 45 al. 2 ch. 4 CC; 39 OEC
Transcription de la reconnaissance d’un·e enfant intervenue à l’étranger (art. 32 et 73 al. 1 LDIP ; art. 45 al. 2 ch. 4 CC ; art. 39 OEC). En vertu de l’art. 32 LDIP, un lien de filiation établi à l’étranger (i.c. par reconnaissance au Brésil) est transcrit dans les registres de l’état civil suisse en vertu d’une décision de l’autorité cantonale de surveillance en matière d’état civil (al. 1), lorsque les conditions des art. 25 à 27 LDIP sont remplies (al. 2) et, si nécessaire, après que les personnes concernées ont été entendues (voir al. 3) (voir ég. art. 45 al. 2 ch. 4 CC ; art. 39 OEC). La reconnaissance est reconnue en Suisse lorsqu’elle est valable dans l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant, dans son Etat national, dans l’Etat du domicile ou encore dans l’Etat national de la mère ou du père (art. 73 al. 1 LDIP). Il suffit que la reconnaissance intervenue à l’étranger soit conforme, quant au fond et à la forme, à l’un de ces ordres juridiques (in favorem recognitionis) (consid. 3.1.1 à 3.2).
Idem – distinction avec la procédure de l’art. 42 CC. La procédure de l’art. 42 CC peut viser non seulement la rectification d’une inscription, mais l’inscription elle-même, lorsque les données sont litigieuses. Cela concerne le cas où les données relatives à l’état civil doivent être prouvées par titre en vue de leur inscription, mais qu’il est impossible de se procurer le document en question, ou qu’on ne peut l’exiger. En l’espèce, on ne se trouve toutefois pas dans ce cas de figure (consid. 3.3.2).
Reconnaissances visées par l’art. 73 al. 1 LDIP. La « reconnaissance intervenue à l’étranger », au sens de l’art. 73 al. 1 LDIP, est en principe une déclaration privée, souvent soumise à des exigences de forme, admise par les autorités ou tribunaux étrangers, ou une déclaration unilatérale soumise à des exigences formelles (comme un testament ou un acte authentique) qui intervient en dehors d’une procédure (consid. 3.4.1).
Reconnaissance biologiquement « erronée ». La reconnaissance d’un·e enfant n’est pas considérée comme une adoption lorsqu’il s’avère que la personne qui a reconnu l’enfant n’est pas son père (biologique). Ce cas de figure doit être considéré comme une reconnaissance relevant de l’art. 73 al. 1, et non de l’art. 78, LDIP (consid. 3.4.2).
Droit applicable en l’espèce. In casu, le droit brésilien a été appliqué, en tant que droit national de l’enfant et de la mère (consid. 3.5, voir ég. consid. 3.6 et 3.7).
Examen de l’ordre public (art. 27 al. 1 LDIP). L’inscription de la reconnaissance intervenue à l’étranger (art. 73 LDIP) est refusée si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public suisse (art. 27 al. 1 cum art. 32 al. 2 LDIP) (consid. 3.8). Selon la conception juridique suisse, la paternité biologique n’est pas une condition de la reconnaissance. Même une reconnaissance consciemment inexacte est valable et ne peut être annulée que par une action en contestation. Cette conception est controversée. Pour une partie de la doctrine, la reconnaissance devrait être refusée lorsque la paternité est manifestement exclue, e.g. en raison de l’âge resp. de la différence d’âge. Selon une pratique cantonale, elle devrait être refusée lorsqu’il y a manifestement abus de droit ou fraude à la loi. La reconnaissance est en tout cas exclue lorsqu’une décision judiciaire s’y oppose (consid. 3.8.1). Savoir si l’ordre public est manifestement violé ne s’examine pas de manière abstraite, mais au regard des conséquences dans le cas d’espèce. Il faut également tenir compte des liens avec l’Etat étranger et du laps de temps entre l’établissement de l’acte litigieux et la décision qui l’examine. Ces principes s’appliquent également en cas de reconnaissance d’un·e enfant manifestement inexacte (sur le plan biologique), en particulier lorsque l’auteur de la reconnaissance invoque des années plus tard, dans une procédure de droit de la famille, la contrariété à l’ordre public de sa propre reconnaissance (consid. 3.8.2).