TF 5A_112/2020 (d) du 28 mars 2022

Divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; mesures provisionnelles; art. 125, 163, 276 CC; 58 al. 1, 271 let. a, 272, 276 al. 1, 277 al. 1, 282 al. 2 et 296 al. 1 et 3 CPC

Réexamen de l’entretien de l’enfant en cas de contestation de l’entretien entre conjoint·e·s (art. 282 al. 2 CPC). L’art. 282 al. 2 CPC est une exception à la force jugée partielle au sens de l’art. 315 al. 1 CPC, dans la mesure où même lorsque seules les contributions d’entretien entre conjoint·e·s font l’objet du recours, les contributions d’entretien allouées aux enfants peuvent être réexaminées d’office. Tel n’était pas le cas en l’espèce (consid. 2.2).

Entretien entre (ex-)conjoint·e·s et entretien de l’enfant – méthode, maximes applicables et interdépendance (art. 125, 163, 276 CC ; art. 58 al. 1, 271 let. a, 272, 276 al. 1, 277 al. 1 et 296 al. 1 et 3 CPC). La méthode en deux étapes avec répartition de l’excédent est désormais la seule admise pour déterminer l’entretien de l’enfant et l’entretien matrimonial. Avec cette méthode, il existe une forte interdépendance entre l’entretien de l’enfant et l’entretien entre conjoint·e·s. Certes, chaque catégorie d’entretien repose sur des normes de droit matériel différentes (art. 125 CC ; art. 163 CC ; art. 276 CC) et est soumise à des maximes procédurales différentes, à savoir : principe de disposition et maxime des débats pour l’entretien post-divorce (art. 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC) ; principe de disposition et maxime inquisitoire sociale pour l’entretien entre conjoint·e·s (art. 58 al. 1 et 271 let. a cum art. 272 et art. 276 al. 1 CPC) ; maxime d’office et maxime inquisitoire illimitée pour l’entretien de l’enfant (art. 296 al. 1 et 3 CPC). Cependant, en raison de l’interdépendance précitée, les connaissances acquises en lien avec l’entretien de l’enfant ne peuvent pas être ignorées s’agissant de l’entretien entre conjoint·e·s examiné dans la même décision, resp. elles ne peuvent pas être écartées lors du calcul global à effectuer. Ces considérations concernent la détermination de l’état de fait. Elles s’appliquent aussi par analogie à l’opération juridique, qui y est directement liée, visant à déterminer l’étendue de l’entretien. En effet, pour le cas où le tribunal, en application des maximes d’office et inquisitoire, fixe un entretien de l’enfant plus élevé, il n’est objectivement pas possible pour la partie débitrice d’entretien de formuler une conclusion subsidiaire chiffrée en conséquence s’agissant de l’entretien entre (ex-)conjoint·e·s, puisqu’elle ne peut pas savoir à quel point l’entretien de l’enfant sera augmenté (consid. 2.2).

Revenu hypothétique – rappel des principes et précisions. Le Tribunal fédéral retient dans son examen des possibilités effectives d’exercer une activité lucrative in casu que le marché suisse de l’emploi est bon et offre, en particulier dans le domaine du travail de bureau, des emplois à temps partiel. En outre, il revient à la partie concernée de postuler à des postes appropriés et non au tribunal d’indiquer des postes de travail concrets ou même d’en fournir (consid. 5.4). Il convient déjà d’appliquer à l’entretien basé sur l’art. 163 CC les critères applicables à l’entretien post-divorce, lorsqu’on ne peut sérieusement plus compter sur une reprise de la vie commune. La règle vaut d’autant plus lorsqu’il est question de mesures provisionnelles pour la procédure de divorce, car une reprise de la vie commune apparaît alors encore moins probable. Un délai d’adaptation doit être garanti pour la reprise d’une activité lucrative, délai qui peut et doit être en principe assez long. Au surplus, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes. L’exigibilité d’un revenu hypothétique et le délai d’adaptation sont des questions de droit (consid. 5.5). Il n’est pas arbitraire de se fonder sur l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’OFS, qui offre une possibilité admissible de déterminer le revenu hypothétique (consid. 5.6).

Egalité de traitement (art. 163 CC). La garantie constitutionnelle d’égalité de traitement s’adresse à l’Etat et n’a pas d’effet horizontal direct entre les parties. Des principes analogues s’appliquent toutefois à la détermination de l’entretien entre conjoint·e·s selon l’art. 163 CC. Leur application peut être critiquée comme étant arbitraire, dans le cadre de l’application du droit civil (consid. 6).

Entretien selon l’art. 163 CC – rappels des principes et précisions not. quant au partage de l’excédent. En l’espèce, l’entretien entre conjoint·e·s (et non post-divorce) est litigieux, l’art. 163 CC en demeurant le fondement matériel même pour les mesures provisionnelles durant le divorce. Le caractère lebensprägend ou non du mariage n’est donc pas pertinent. Cela dit, le Tribunal fédéral a retenu plusieurs fois, même pour l’entretien post-divorce, que le dernier train de vie constitue certes la limite maximale de l’entretien convenable, mais que l’on peut présumer que les moyens financiers rendus disponibles par la fin de l’entretien de l’enfant auraient été utilisés pour le train de vie des conjoint·e·s et que dès lors la partie débitrice d’entretien ne peut pas les réclamer pour elle seule. Le principe d’égalité de traitement joue ainsi un certain rôle même en cas d’entretien post-divorce. Elle est centrale en cas d’application de l’art. 163 CC. Cela n’implique toutefois pas de partager systématiquement par moitié les revenus globalement disponibles. Le train de vie commun des conjoint·e·s constitue déjà la limite maximale de l’entretien en cas de séparation, et pas uniquement au moment du divorce. Ainsi, les quotes-parts d’épargne qui ne sont pas absorbées par les coûts supplémentaires liés à la séparation doivent être laissées à la partie qui les génère, car il ne faut pas anticiper la liquidation du régime matrimonial par le versement d’une contribution d’entretien excessive. De plus, des moyens supérieurs au train de vie antérieur peuvent même survenir, en particulier lorsque le ou la conjoint·e qui s’occupait du foyer débute une activité lucrative ensuite de la séparation, ce qui peut lui permettre de couvrir son entretien. Tant que le mariage subsiste, chaque partie a toutefois droit au maintien du dernier train de vie commun, dans la limite des moyens disponibles. Comme pour l’entretien post-divorce, les moyens rendus disponibles par la fin de l’entretien de l’enfant peuvent d’autant plus être intégrés à l’entretien convenable conjugal, puisque dans ce cas les parties ont toujours utilisé tous les moyens disponibles pour l’entretien de la famille, contrairement aux quotes-parts d’épargne qui seules doivent être exclues du partage. A noter que le principe du partage de l’excédent découle directement de la méthode en deux étapes avec répartition de l’excédent (consid. 6.2).

Divorce

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Entretien

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Revenu hypothétique

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Procédure

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