TF 5A_32/2021 (d) du 1 juillet 2022
Mariage; étranger; DIP filiation; art. 15, 17, 68, 69, 70 et 73 LDIP; 252 al. 1 et 260 CC; 11 Cst.; 8 CEDH; 3 et 7 CDE
Filiation en cas de maternité de substitution – droit applicable (rappels). Lorsque, comme en l’espèce en Géorgie, l’absence de lien de filiation de la mère porteuse n’est pas constatée par décision d’un tribunal ou d’une autorité, mais intervient ex lege, la filiation de l’enfant vis-à-vis de la mère porteuse n’est pas réglée par l’art. 70 LDIP (rappel de l’arrêt TF 5A_545/2020 du 7 février 2022, destiné à la publication) (consid. 4.1.3, voir ég. consid. 4 in extenso). Lorsque les père et mère d’intention n’ont pas constitué leur résidence habituelle dans l’Etat où l’enfant est né·e d’une mère porteuse, qu’il et elle s’occupent de l’enfant pratiquement dès sa naissance et ont prévu de rentrer dans l’Etat où se situe leur propre centre de vie, la résidence habituelle de l’enfant nouveau-né d’une mère porteuse se situe dans ce même Etat (i.c. la Suisse). En l’espèce, le droit suisse s’applique donc à l’établissement de la filiation (art. 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP) (consid. 5 à 5.2). Ni l’art. 68 al. 2 LDIP ni l’art. 69 al. 2 LIDP ni l’art. 15 LDIP ne permettent d’arriver à une autre conclusion (consid. 5.3). Ainsi, le principe mater semper certa est trouve application et la mère porteuse est la mère juridique de l’enfant (art. 252 al. 1 CC). En raison de l’application du droit suisse, l’art. 17 LDIP (réserve de l’ordre public) n’est pas applicable (consid. 5.4).
Reconnaissance en Suisse de la reconnaissance d’un·e enfant intervenue à l’étranger (art. 73 LDIP). Rappel des principes (consid. 6.1). Selon le droit géorgien applicable en l’espèce, il n’y a pas eu, en Géorgie, à proprement parler de reconnaissance de l’enfant, les liens de filiation avec les père et mère d’intention étant créés ex lege dès la naissance (consid. 6.2). Encore faut-il examiner s’il y a eu une reconnaissance de l’enfant intervenue à l’étranger, valable selon le droit suisse, applicable en tant que droit de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant (consid. 6.3).
Idem – mère d’intention (rappels). En vertu du droit suisse applicable selon l’art. 68 al. 1 LDIP, une reconnaissance par la mère d’intention n’est pas envisageable de lege lata, même en cas de lien génétique (consid. 6.3.1).
Idem – père d’intention. Au consid. 7.3 de l’arrêt TF 5A_545/2020 précité, est restée ouverte la question de savoir si une reconnaissance de l’enfant valable selon le droit suisse découlerait du contrat de mère porteuse. La réponse à cette question est ici négative. La reconnaissance (art. 260 CC) est strictement personnelle et non sujette à représentation ; elle peut intervenir à tout moment du vivant de l’enfant, mais aussi avant la naissance, mais pas avant la procréation. Les contrats de procréation (avec un institut de procréation) et de maternité de substitution (avec la mère porteuse et la donneuse d’ovule) règlent de manière générale les droits et obligations de toutes les personnes impliquées dans le but de la fécondation à venir et de la naissance de l’enfant.
En l’espèce, le contrat de procréation et le contrat de maternité de substitution – signé par une représentante – ne peuvent d’emblée pas constituer une reconnaissance de paternité valable en droit suisse. Rien n’indique qu’une reconnaissance valable ne soit intervenue en Géorgie. Il n’est ainsi pas nécessaire d’examiner la question de l’ordre public (consid. 6.3.2). Par ailleurs, en l’espèce, le père d’intention n’a pas non plus (encore) reconnu l’enfant en Suisse (art. 71 al. 1 et 72 al. 1 et 2 LDIP ; art. 260 al. 3 CC) (consid. 6.4).
Conformité à la Constitution fédérale et aux conventions internationales. Rappel de la jurisprudence de la CourEDH relative à l’art. 8 CEDH et des autres principes. En l’espèce, le statut juridique de l’enfant garantit suffisamment son bien-être (art. 11 Cst., art. 3 CDE), ainsi que les droits découlant de l’art. 7 CDE, et les droits découlant de l’art. 8 al. 1 CEDH ne sont pas excessivement atteints (consid. 7 in extenso).