TF 5A_361/2022 (d) du 24 novembre 2022
Divorce; couple; entretien; liquidation du régime matrimonial; procédure; mesures provisionnelles; art. 165 al. 2 et 211 CC; 145 al. 3 et 277 al. 2 CPC
Indication des exceptions à la suspension des féries. Les tribunaux ne sont pas tenus, dans le champ d’application de la LTF, de rendre les parties attentives aux exceptions relatives à la suspension des délais, contrairement à ce que prévoit l’art. 145 al. 3 CPC (consid. 1.2). Entretien des enfants – rappels. Le montant du revenu est une question de fait (consid. 2.2.1). Application de la maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC) (consid. 2.2.5). Répartition de l’excédent – principes et exceptions (consid. 2.3.2). Prise en compte de la fortune (consid. 2.4.2). Evaluation de la valeur d’une entreprise dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (art. 211 CC). La méthode et les critères d’évaluation d’un bien sont des questions de droit ; l’évaluation et l’estimation de la valeur effective relèvent des faits (consid. 3.3.1). A la liquidation du régime matrimonial, les biens sont estimés à leur valeur vénale (art. 211 CC). Peuvent être des biens au sens de la loi une entreprise ou une activité commerciale évaluée comme une unité financière et juridique. Est déterminante l’évaluation objective, indépendamment de la valeur subjective de la partie propriétaire (consid. 3.3.1.1). Idem – valeur déterminante et méthodes. L’entreprise ou le commerce sont évalués selon les principes reconnus de l’économie d’entreprise. Selon que l’entreprise est poursuivie ou non, il faut établir la valeur de continuation ou la valeur de liquidation. La valeur de continuation sera déterminée généralement en fonction d’une estimation du rendement futur liée à une estimation de la valeur substantielle actuelle. En matière de régime matrimonial, le Tribunal fédéral n’a pas exclu qu’une évaluation prépondérante ou exclusive à la valeur de rendement puisse être pertinente lorsque la partie propriétaire à l’issue de la liquidation matrimoniale n’entend pas aliéner le bien à long terme. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la valeur vénale peut aussi correspondre à la valeur de rendement (consid. 3.3.1.2). L’économie d’entreprise connaît différentes méthodes d’évaluation. La méthode pratique (elle-même issue de la vente de terrains construits) est souvent appliquée aux petites et moyennes entreprises, bien que plus personne ne garantisse son exactitude théorique. Il s’agit d’un mélange entre la valeur substantielle et la valeur de rendement, selon la formule : « valeur vénale = (1x la valeur substantielle + 2x la valeur de rendement) /3 ». Une tendance se développe par ailleurs en faveur des méthodes de la valeur de rendement. En raison du pluralisme des méthodes en vigueur, il y a un important pouvoir d’appréciation en lien avec le choix de la méthode d’évaluation, d’autant que plusieurs méthodes peuvent conduire à un résultat approprié. Toutefois, la méthode choisie doit, dans tous les cas, être compréhensible, plausible et reconnue. Elle doit être largement utilisée dans des cas comparables, être raisonnablement meilleure ou au moins aussi éprouvée que les autres méthodes et tenir compte des circonstances du cas d’espèce. Pour ne pas fausser l’évaluation, il faut retirer les résultats exceptionnels des chiffres de l’entreprise (consid. 3.3.1.3). Idem – entreprise dépendant de l’entrepreneur·e. En présence d’entreprises qui dépendent fortement de l’entrepreneur·e, de son engagement et de la confiance que la clientèle place en sa personne, il faut examiner si et dans quelle mesure le rendement de l’entreprise est effectivement transmissible à une personne tierce. Il faut dès lors distinguer entre le rendement personnel et le rendement commercial. Le rendement personnel, i.e. la valeur de la propre prestation de l’entrepreneur·e, n’est pas transmissible. Elle ne peut pas être réalisée sur le libre marché et n’est pas pertinente pour la valeur. En d’autres termes, il faut établir la valeur de l’entreprise sans l’entrepreneur·e. Ainsi, seuls ont de la valeur, le capital investi resp. sa rémunération appropriée (coût du capital) et la prime pour l’entrepreneur·e (goodwill). Celui-ci contient aussi une composante personnelle et une liée à l’entreprise. L’acheteur·se ne voudra indemniser que la deuxième, dont la valeur dépend de la période durant laquelle l’achteur·se peut encore bénéficier de la (bonne) réputation de la partie venderesse (consid. 3.3.1.4). Idem – application au cas d’espèce. La méthode pratique établit la valeur de rendement en incluant les prestations de l’entrepreneur·e, si bien qu’elle n’est pas appropriée en l’espèce pour le cabinet d’orthodontie de l’épouse dont il ressort des faits qu’il est très lié à la personne de celle-ci (consid. 3.3.4). Absence d’effet horizontal du principe d’égalité de traitement (art. 8 Cst.) – rappels (consid. 3.4.2). L’évaluation selon la valeur substantielle (appliquée in casu au garage exploité en entreprise individuelle par l’époux) est une méthode d’évaluation d’entreprise reconnue (consid. 3.4.3). Contribution extraordinaire en faveur de la famille (art. 165 al. 2 CC). La contribution extraordinaire doit servir l’entretien de la famille, notion devant être interprétée largement et qui comprend toutes les contributions qui se fondent sur le devoir d’assistance entre personnes mariées. Des contributions supplémentaires fournies dans un autre but (e.g. exclusivement pour besoins professionnels de l’autre conjoint·e) ne sont pas indemnisables via l’art. 165 al. 2 CC. Cette disposition ne donne pas droit à la restitution des montants versés, mais à une indemnité équitable. Les critères de fixation sont not. le type et l’ampleur de la contribution extraordinaire, ainsi que la situation économique de la partie qui fait valoir la prétention, de l’autre conjoint·e et de toute la famille, au moment où la prétention est invoquée (consid. 4.2). |