TF 5A_591/2021, 5A_600/2021 - ATF 149 III 81 (d) du 12 décembre 2022
Mesures protectrices; étranger; DIP; enlèvement international; nom de famille; autorité parentale; garde des enfants; droit de visite; entretien; procédure; art. 83 et 85 al. 1 LDIP; CLaH73-loi aliments; CLaH80; CLaH96; 2 et 5 ch. 2 CL; 271 al. 1 et 301a al. 2 let. a CC; 64 al. 1 let. b CPC
Compétence internationale pour régler les questions non pécuniaires relatives à l’enfant (art. 85 al. 1 LDIP ; CLaH96). L’état et la capacité des personnes civiles sont exclus du champ d’application de la Convention de Lugano (art. 1 ch. 2 let. a CL). Sont ainsi notamment exclues les questions non pécuniaires relatives à la relation parents-enfant (autorité parentale, garde et droit de visite). La compétence se détermine selon l’art. 85 al. 1 LDIP qui renvoie à la CLaH96 (consid. 2.3).
Idem – principe (art. 5 CLaH96 ; art. 64 al. 1 let. b CPC). Les autorités de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant sont en principe compétentes (art. 5 al. 1 CLaH96). En cas de changement, les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle sont compétentes (art. 5 al. 2 CLaH96). Contrairement à l’art. 4 al. 1 let. b CPC, il n’existe pas de principe de la perpetuatio fori. En cas de déménagement du parent qui s’occupe principalement de l’enfant avec celui/celle-ci et de création d’un domicile sur place, il y a en principe un transfert immédiat de la résidence habituelle de l’enfant qui rend caduque la précédente compétence, même si la procédure est pendante. La CLaH96 prévoit toutefois plusieurs exceptions (consid. 2.4).
Idem – exception en cas de déplacement illicite (art. 7 al. 1 et 2 CLaH96 ; art. 301a al. 2 let. a CC ; CLaH80). La licéité ou l’illicéité du déplacement se détermine sur la base du droit national de l’Etat de provenance, soit l’art. 301a al. 2 let. a CC pour la Suisse. Rappel des règles prévues par cette disposition qui ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect. Dans les relations internationales avec des Etats contractants (comme i.c. l’Italie), il s’agit toutefois d’un déplacement illicite de l’enfant au sens des art. 3 et 5 CLaH80 et art. 7 al. 2 CLaH96, qui ouvre la possibilité d’introduire une procédure en retour de l’enfant dans l’État de destination (art. 12 al. 1 CLaH80). L’art. 7 al. 1 CLaH96 bloque dans ce cas le transfert de compétence en faveur des autorités de l’État de destination, même en cas de nouvelle résidence. Le transfert de compétence n’a alors lieu que si la personne autorisée a acquiescé au déplacement (art. 7 al. 1 let. a CLaH96) ou si l’enfant a résidé dans l’autre Etat pendant au moins un an après que la personne ayant le droit de garde a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l’enfant, qu’aucune demande de retour présentée pendant cette période n’est en cours d’examen, et que l’enfant s’est intégré (art. 7 al. 1 let. b CLaH96). Mécanisme de coordination entre les deux conventions (art. 16 et 19 CLaH80). Le système veut que l’enfant soit ramené physiquement dans la juridiction de l’État précédemment compétent selon l’art. 7 al. 1 CLaH96. Cette disposition et l’art. 6 CLaH80 sont des dispositions miroirs (consid. 2.4.1).
En l’espèce, le père n’a pas introduit de demande de retour en Italie. Ni la procédure de MPUC ni la procédure d’appel menées en Suisse ne sauraient être assimilées à une demande de retour au sens de la CLaH80, même par analogie. Certes, l’arrêt 5A_105/2020 pourrait porter à confusion. Selon cet arrêt, rendu en lien avec un déplacement en Algérie, soit un État non-contractant, la notion de « procédure de retour » selon l’art. 7 CLaH96 pourrait être comprise de manière fonctionnelle et la procédure de modification du jugement de divorce en Suisse devait i.c. être assimilée par analogie à une demande de retour. Dans un Etat qui n’est pas partie au système de La Haye une demande de retour ne peut pas être introduite. L’application erga omnes (i.e. y.c. vis-à-vis d’Etats non-contractants de la CLaH96) prévue par l’art. 85 LDIP ne concerne pas l’art. 5 al. 2 CLaH96. Un déplacement de l’enfant dans un État non-contractant n’entraîne ainsi pas de transfert de compétence et le principe de la perpetuatio fori s’applique (art. 64 al. 1 let. b CPC). Contrairement à ce qu’insinue l’arrêt 5A_105/2020, la perepetuatio fori en lien avec des Etats tiers ne fait toutefois pas de la procédure suisse une procédure de retour fonctionnelle. Le tribunal suisse n’a pas la possibilité d’ordonner de manière contraignante le retour de l’enfant (consid. 2.4.1).
En l’espèce, l’effet de blocage est tombé en vertu de l’art. 7 al. 1 let. b CLaH96 et l’art. 5 al. 2 CLaH96 est déterminant, si bien que l’autorité précédente (mais aussi le Tribunal fédéral, voir consid. 2.5) était incompétente. Tel n’était pas le cas de l’autorité de première instance qui a rendu sa décision quelques mois à peine après le départ de l’enfant et était dès lors compétente en matière de garde et de droit de visite (art. 7 al. 1 CLaH96 et art. 64 al. 1 let. b CPC) (consid. 2.4.1).
Idem – exception pour certaines procédures opposant les parents (art. 10 CLaH96). Quant à l’exception prévue à l’art. 10 CLaH96, elle ne porte pas en l’espèce. Cette disposition fonde une compétence annexe pour régler les questions relatives au sort de l’enfant dans certaines procédures opposant les parents. Toutefois, il ressort de son interprétation littérale et historique que les seules procédures concernées sont les procédures de divorce au sens des art. 111 ss CC, les procédures de séparation de corps au sens des art. 117 s. CC ou les procédures en annulation du mariage selon les art. 104 ss CC. Une procédure de MPUC ne tombe dès lors pas dans le champ d’application de l’art. 10 CLaH96 (consid. 2.4.3).
Compétence internationale en matière d’entretien de l’enfant (art. 2 et 5 ch. 2 CL). Le principe de la perpetuatio fori s’applique à cet égard (art. 64 al. 1 let. b CPC), principe qui sous-tend également la CL applicable à cette question. Le père ayant été attrait devant les autorités suisses de son domicile, la compétence de celles-ci étaient données sur la base de l’art. 2 CL, l’art. 5 ch. 2 CL ne prévoyant qu’une compétence alternative (consid. 3.1).
Droit applicable en matière d’entretien de l’enfant (art. 83 LDIP ; CLaH73-loi aliments). Il en va de même pour le droit applicable. La CLaH73 relative à la loi applicable aux obligations alimentaires s’applique en vertu de l’art. 83 LDIP. Certes, l’art. 4 al. 1 CLaH73-loi aliments prévoit l’application de la loi de la résidence habituelle de la partie créancière d’aliments et son al. 2 l’application de la loi de la nouvelle résidence habituelle dès le changement de résidence habituelle, sans que la compétence annexe de l’art. 8 ne puisse s’appliquer à l’entretien de l’enfant. Toutefois, sur la base de l’art. 24 CLaH73-loi aliments, la Suisse a usé de la possibilité prévue par l’art. 15 CLaH73-loi aliments de réserver l’application de son droit interne par ses autorités lorsque la partie créancière et la partie débitrice ont la nationalité suisse et que la partie débitrice a sa résidence habituelle en Suisse. Le droit national suisse commun trouve application en pareille hypothèse, réalisée en l’espèce, l’enfant étant en tout état de cause de nationalité suisse puisqu’il porte le nom de famille de son père (art. 271 al. 1 CC) (consid. 3.1). L’obligation d’entretien envers l’enfant existe indépendamment de la question de savoir s’il/elle a été déplacé·e de manière illicite ou non. L’entretien envers l’enfant mineur·e se détermine exclusivement en fonction de la filiation juridique et de la convention interne resp. de la situation de garde (art. 276 cum 163 CC) (consid. 3.2). Rappel du principe et des exceptions relatifs à l’entretien dû par le parent non-gardien (consid. 3.3.3).