TF 5A_847/2021 (f) du 10 janvier 2023
Divorce; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 55 al. 1, 58 al. 1, 85 et 277 al. 1 CPC
Allégation de faits vs question de droit. En l’espèce, la qualification juridique de la forme sous laquelle le recourant détenait des participations dans diverses sociétés est une question de droit. In casu, il convenait de déterminer si le recourant était lié à ses sociétés par un contrat de fiducie ou s’il fallait appliquer plutôt le principe de la transparence (« Durchgriff ») (consid. 3.2).
Conclusions relatives à la liquidation du régime matrimonial – rappels. Principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) – rappels. Lorsque les conclusions des parties portent sur la liquidation du régime matrimonial, elles doivent être suffisamment déterminées. Sur le principe, la demande non chiffrée, alors que les conditions de l’art. 85 al. 1 CPC ne sont pas réalisées, est irrecevable, sans qu’il y ait lieu à fixation d’un délai selon l’art. 132 CPC. Une partie qui a pris des conclusions insuffisantes en première instance ne peut corriger cette négligence procédurale en appel (consid. 4.2.1).
Action en paiement non chiffrée (art. 85 CPC) – en part. en lien avec la liquidation du régime matrimonial. Rappel des principes. La partie demanderesse doit chiffrer sa demande dès qu’elle est en état de le faire, autrement dit dès que possible. Le sens à donner aux termes « dès que possible » n’est pas clairement défini. L’art. 232 CPC « plaidoiries finales », prévoit à son al. 1 que les parties peuvent se prononcer sur les résultats de l’administration des preuves et sur la cause au terme de l’administration des preuves. L’administration des preuves intervient donc après les premières plaidoiries (art. 231 CPC) et avant les plaidoiries finales. L’art. 85 al. 2 CPC prévoit que la partie demanderesse doit chiffrer sa demande dès qu’elle est en état de le faire, une fois les preuves administrées ou les informations fournies par la partie défenderesse, mais ne précise pas le délai à respecter pour le chiffrement. Exposé des avis en doctrine (consid. 4.2.2).
Le fait d’uniquement conclure à ce que la liquidation du régime matrimonial soit ordonnée n’est pas suffisant. Il faut réserver le cas d’application de l’art. 85 CPC. Les parties doivent se prononcer sur le résultat de l’administration des preuves lors des plaidoiries finales ; il s’agit là pour l’autorité législative de la première occasion procédurale qui suit directement la phase d’administration des preuves. Partant, si, comme en l’espèce, la partie demanderesse a bénéficié de l’exception de l’art. 85 al. 1 CPC précisément parce qu’elle nécessitait que des preuves soient administrées pour pouvoir chiffrer sa demande, on ne saurait exiger d’elle qu’elle procède au chiffrement avant le moment désigné par la loi comme étant celui où les parties doivent se déterminer sur le résultat de la procédure probatoire (art. 85 al. 2 CPC) (consid. 4.3).
Compte tenu des circonstances de l’espèce et du fait qu’une grande partie de la doctrine admet que la partie demanderesse doit chiffrer ses conclusions au plus tard lors des plaidoiries finales ou, à défaut, doit être invitée par le tribunal à remédier au défaut de chiffrement, on ne discerne en l’espèce aucune violation des art. 59 al. 2 let. a, 84 et 85 CPC en tant que l’intimée a effectivement chiffré ses conclusions lors des plaidoiries finales et non à l’issue d’un délai de 30 jours suivant immédiatement la clôture de la dernière mesure d’instruction, comme le sollicitait le recourant (consid. 4.3).
La question de savoir si le chiffrement postérieur d’une demande conformément à l’art. 85 al. 2 CPC constitue une modification de la demande initiale, de sorte que les art. 227 et 230 CPC seraient applicables, ou une simple précision de dite demande n’a pas été tranchée. Exposé de la doctrine, qui semble plutôt considérer que l’art. 85 al. 2 CPC constitue une exception par rapport à l’art. 227 al. 2 CPC. En l’espèce, la question peut souffrir de rester indécise (consid. 5.2 et 5.3).
Liquidation du régime matrimonial – maxime des débats (art. 55 al. 1 et 277 al. 1 CPC). Rappel des principes, not. fardeau de l’allégation subjectif, charge de la motivation des allégués, faits implicites et faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 CPC) (consid. 9.2.1 et 9.2.2).
Idem – dies a quo des intérêts. En cas de liquidation judiciaire du régime matrimonial, les intérêts commencent à courir au moment de l’entrée en force du jugement de divorce (consid. 10.2).