TF 5A_712/2022 (f) du 21 février 2023
Couple non marié; autorité parentale; garde des enfants; procédure; art. 25, 298b et 301a CC
Choix du lieu de résidence de l’enfant et attribution de la garde (art. 298b et 301a CC). Rappel des principes (consid. 3.1).
Déplacement (illicite) du lieu de résidence de l’enfant et de son domicile (art. 25 et 301a CC) – coordination. Le principe selon lequel le domicile de l’enfant suit celui du parent qui en a la garde principale au sens de l’art. 25 al. 1 CC est pertinent lorsque le parent en question est seul détenteur de l’autorité parentale, (1) dans les cas énumérés à l’art. 301a al. 2 CC qui ne nécessitent pas d’accord préalable de l’autre parent, du tribunal ou de l’autorité de protection de l’enfant ou encore (2) lorsqu’un tel accord a été obtenu. En revanche, si l’on ne se trouve pas dans l’un de ces cas de figure, le déplacement de l’enfant est illicite, de sorte que l’on ne peut pas considérer qu’il s’est valablement constitué un domicile au lieu où il ou elle a été déplacé·e (consid. 3.3).
Le fait que la saisine de l’autorité est postérieure au déménagement n’exclut pas l’application de l’art. 301a al. 2 CC, sauf à vider cette disposition de sa substance à chaque fois que l’autre parent est mis devant le fait accompli s’agissant d’un déménagement intervenu sans l’accord requis. De même, le fait qu’aucune sanction civile ne soit prévue ne signifie pas que l’art. 301a al. 2 CC n’est pas applicable ni que le déplacement ne peut pas être qualifié d’illicite lorsqu’il intervient en violation de cette norme. Une « sanction indirecte » est possible par un transfert de la garde à l’autre parent, pour autant que les conditions d’une telle attribution soient remplies et que le fait qu’un déménagement soit intervenu dans le but d’éloigner l’enfant de l’autre parent soit pris en compte dans l’évaluation des capacités éducatives du parent qui souhaite partir. L’autorité parentale conjointe ne peut pas être utilisée pour priver de facto les parents de leur liberté d’établissement. Le fait que chaque parent demeure libre de déménager où bon lui semble ne comprend toutefois pas la liberté d’emmener l’enfant avec quand bien même le parent en question serait au bénéfice de la garde exclusive. Cette conception aurait également pour effet de vider l’art. 301a al. 2 CC de sa substance (consid. 3.3). Exposé des raisons rendant une autre interprétation inadmissible et contraire à la ratio legis de cette disposition (consid. 3.3).
In casu, l’instance précédente a nié la compétence des autorités genevoises sur la base d’un raisonnement erroné, de sorte qu’il se justifie d’annuler l’arrêt entrepris et de renvoyer la cause pour nouvel examen. L’autorité précédente devra ainsi d’abord examiner si l’art. 301a al. 2 let. b CC s’applique en l’espèce, ce qui aura pour conséquence de préciser le caractère licite ou non du déplacement du lieu de résidence de l’enfant. Si elle arrive à la conclusion que le déplacement était illicite, elle devra ensuite déterminer l’impact de l’illicéité du déplacement sur sa propre compétence pour trancher la question des droits parentaux sur l’enfant. Enfin, si elle s’estime compétente pour trancher cette dernière question nonobstant l’éventuel caractère illicite du déplacement, elle devra déterminer auquel des deux parents la garde sur l’enfant doit être attribuée (consid. 3.3).