TF 5A_143/2023 (f) du 7 juin 2023
Mariage; nom de famille; art. 190 Cst.; 4, 30 al. 1 et 160 CC
Changement de nom au sens de l’art. 30 al. 1 CC – rappel des principes. Le nom d’une personne est en principe immuable, à moins qu’elle démontre des « motifs légitimes » que le tribunal évalue selon un pouvoir d’appréciation qu’il exerce dans le respect des règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). La notion de « motifs légitimes » est plus souple que celle de « justes motifs ». Les « motifs légitimes » ne peuvent pas être illicites, abusifs ou contraires aux mœurs. Le nom demandé doit être conforme au droit et ne doit pas porter atteinte au nom d’un tiers. Les « motifs légitimes » peuvent reposer sur des composantes subjectives ou émotionnelles, si tant est qu’elles revêtent une importance certaine. Le nom ne doit pas perdre sa fonction identificatrice. L’examen doit inclure une évaluation des différents éléments de preuve comme des pièces administratives, judiciaires ou contractuelles qui donnent des informations sur l’importance objective du nom souhaité dans la vie économique ou sociale du ou de la requérant·e (consid. 3.1).
Idem – double nom des conjoint·es (art. 160 CC). L’existence des doubles noms en Suisse doit être distinguée de la possibilité pour les conjoint·es de porter un double nom légal, laquelle a été supprimée avec la modification de l’art. 160 CC en 2013. Ainsi, le Tribunal fédéral admet les doubles noms sur la base de « motifs légitimes » au sens de l’art. 30 al. 1 CC, pour autant que cette possibilité ne soit pas utilisée à des fins détournées, respectivement pour obtenir ce que le droit matrimonial actuel prohibe ou pour anticiper l’éventuelle modification de la loi (initiative « Stamm/Waliser » de 2017) actuellement traitée par les Chambres fédérales (consid. 4.3).
L’art. 160 CC étant une loi fédérale bénéficiant de l’immunité constitutionnelle (art. 190 Cst.), les autorités sont tenues de les appliquer. Si elle viole les garanties constitutionnelles telles que l’égalité entre les femmes et les hommes, il ne revient pas au pouvoir judiciaire mais au pouvoir législatif de les corriger (consid. 5.3).