TF 5A_108/2023 (f) du 20 septembre 2023

Divorce; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 58, 85, 232 et 235 CPC

Exception à l’obligation de chiffrer les conclusions (art. 85 CPC) – rappel de principes généraux. Si une partie a besoin que des preuves soient administrées pour pouvoir chiffrer sa demande et dépose dans un premier temps des conclusions non chiffrées, elle doit chiffrer sa prétention et alléguer les faits qui la sous-tendent « dès que possible », soit à la première occasion procédurale qui suit directement la phase d’administration des preuves, à savoir les plaidoiries finales (consid. 5.2.1), et ce, au plus tard au premier tour de parole, si elles sont faites par oral (consid. 6.2.3).

Rappel des raisons (compétence matérielle, type de procédure, avance de frais) pour lesquelles la partie demanderesse doit indiquer un montant minimal (adaptable ultérieurement) comme valeur litigieuse provisoire au moment de l’introduction de l’action. Rappel d’une jurisprudence où l’exigence de chiffrage d’un montant minimal a été considérée comme du formalisme excessif dans les circonstances du cas alors traité (consid. 5.2.1).

Idem – en procédure de divorce. Rappel de principes (déroulement de la procédure sur demande unilatérale de divorce, actio duplex, exigence de chiffrage des conclusions en versement d’une somme d’argent). En procédure de divorce, la partie défenderesse étant habilitée à déposer ses propres conclusions indépendantes en liquidation du régime matrimonial (actio duplex) et pouvant rencontrer les mêmes difficultés de chiffrage que la partie demanderesse, elle a également le droit de déposer des conclusions non chiffrées aux conditions de l’art. 85 al. 1 CPC. Elle n’est toutefois pas tenue d’indiquer une valeur litigieuse minimale provisoire. Elle doit aussi chiffrer ses conclusions au plus tard lors des plaidoiries finales (consid. 5.2.2).

Admission de notes de plaidoiries lors de plaidoiries orales (art. 232 CPC) - question laissée ouverte. Rappel du Message relatif au CPC qui interdit la remise de notes de plaidoiries complémentaires lorsque les plaidoiries sont tenues oralement. Précision selon laquelle une majorité de la doctrine admet (avec ou sans conditions) les notes de plaidoiries. Le principal problème soulevé par l’admission des notes est que celle-ci contreviendrait à l’égalité des armes. L’importance des notes de plaidoiries est réduite du fait que les plaideurs et plaideuses y font une proposition de subsomption, alors même que le tribunal doit y procéder d’office (consid. 6.2.1).

Rappel de principes relatifs à la tenue des procès-verbaux d’audience et notamment leurs buts quant aux allégations des parties (art. 235 CPC) (consid. 6.2.2). Lorsque les parties chiffrent leurs conclusions et les allégués qui les sous-tendent lors des plaidoiries orales, l’autorité judiciaire doit protocoler ces éléments dans leur substance, étant rappelé que le Tribunal fédéral n’a pas exigé une séparation rigoureuse entre les conclusions chiffrées et les allégués y relatifs, et les autres développements de la plaidoirie. Le plaideur ou la plaideuse peut néanmoins – et devrait – procéder à une dictée de ces points au procès-verbal avant d’avancer la suite de la plaidoirie (consid. 6.2.3).

Le tribunal n’est certes pas tenu d’interpeller la partie qui omet de chiffrer ses conclusions alors qu’elle devrait le faire en application de l’art. 85 al. 2 CPC. En revanche, il doit interpeller la partie pour lui donner l’occasion de rectifier la forme par laquelle elle procède devant lui à cette fin ; par exemple dans le cas où des notes de plaidoiries ne seraient pas admises dans le cadre des plaidoiries orales (consid. 6.3). En l’occurrence, l’égalité des armes a été jugée comme respectée compte tenu des circonstances du cas d’espèce et nonobstant l’impossibilité de la partie adverse de déposer également des notes de plaidoiries (consid. 6.3).

Maxime de disposition (art. 58 CPC). Rappel du principe général et rappel de la jurisprudence selon laquelle la maxime de disposition n’interdit pas à l’autorité judiciaire de déterminer le sens véritable des conclusions et de procéder à une interprétation objective selon les principes généraux et selon la bonne foi, à la lumière de la motivation (consid. 7.2).

In casu, la seconde instance cantonale n’a pas violé la maxime de disposition en interprétant qu’en n’accordant pas la propriété du bien-fonds, revendiquée par l’épouse et sur la base de laquelle cette dernière avait chiffré ses conclusions, celle-ci revendiquait, en cas de succombance sur ce point, une soulte de liquidation du régime matrimonial plus importante, et ce, nonobstant l’absence de conclusion éventuelle à ce propos (consid. 7.3).

Divorce

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Liquidation du régime matrimonial

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Procédure

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Analyse

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Analyse de l'arrêt TF 5A_108/2023 (f)

François Bohnet

25 janvier 2024

L’actio duplex, les conclusions non chiffrées et les modalités du chiffrage