TF 5A_669/2022 (d) du 2 février 2024
Mariage; entretien; procédure; art. 52, 88 al. 2, 89 al. 1, 335 CC; 6b al. 2bis Tit. fin. CC
Inscription d’une fondation de famille au registre du commerce. Particularités de la procédure devant le Tribunal fédéral (consid. 1.1 à 1.2.2). Depuis le 1er janvier 2016, les fondations de famille ne sont plus dispensées de l’inscription au registre du commerce (art. 52 al. 2 CC) (consid. 4.2), qui est désormais nécessaire pour obtenir la personnalité juridique (art. 52 al. 1 CC) (consid. 4.6.2). Selon le droit transitoire, les fondations valablement constituées selon l’ancien droit doivent se faire inscrire dans les cinq ans (art. 6b al. 2bis Tit. fin. CC) (consid. 4.2). Une fondation de famille constituée sous l’ancien droit ne perd pas sa personnalité juridique si elle n’est pas (encore) inscrite au registre du commerce à l’issue du délai transitoire (consid. 4.6.2).
Idem – pouvoir d’examen de l’Office du registre du commerce (ci-après : l’Office). L’Office examine d’abord le respect des normes qui concernent directement la tenue du registre du commerce ; il dispose à cet égard d’un pouvoir de contrôle étendu. S’agissant du droit matériel, le pouvoir de contrôle de l’Office est limité. Il doit uniquement veiller au respect des dispositions légales impératives qui ont été édictées dans l’intérêt public ou pour la protection de tiers. Ce sont les personnes concernées qui doivent saisir le tribunal civil pour faire appliquer les dispositions qui relèvent du droit dispositif ou qui ne touchent qu’à des intérêts privés. L’inscription ne doit être refusée que si elle est manifestement et sans équivoque contraire au droit (consid. 4.6.1). Un éventuel examen préalable des autorités fiscales qui n’auraient pas remis en question la qualité de fondation de famille ne lie pas l’Office (consid. 4.6.2).
Idem – buts admissibles au sens de l’art. 335 CC. L’art. 335 CC relève du droit matériel impératif. L’Office du registre du commerce est donc limité dans le contrôle de cette norme (consid. 4.6.2). Rappel de la jurisprudence selon laquelle l’énumération à l’art. 335 al. 1 CC des buts pour lesquels les fondations de famille peuvent être créées est exhaustive. Les fondations de famille poursuivant d’autres buts n’acquièrent pas la personnalité juridique ; elles sont nulles dès l’origine (art. 52 al. 3 CC), ce qu’une autorité judiciaire doit constater en application de l’art. 88 al. 2 CC (par analogie), sur plainte des personnes légitimées à le faire selon l’art. 89 al. 1 CC (consid. 4.7.1.1).
Les buts de l’art. 335 al. 1 CC prévoient de fournir une aide financière aux membres de la famille dans certaines circonstances de la vie pour satisfaire les besoins particuliers qui en découlent. Il n’est pas autorisé de faire bénéficier les membres de la famille de la fortune de la fondation ou de ses revenus sans condition particulière, simplement pour leur permettre d’avoir un niveau de vie plus élevé et d’augmenter le prestige de la famille et de ses membres. Les fondations dites d’entretien sont donc nulles, notamment pour éviter le contournement de l’interdiction des fidéicommis de famille (art. 335 al. 2 CC) (consid. 4.7.1.2). Faire bénéficier les membres de la famille d’un patrimoine selon un ordre de succession fait partie des caractéristiques du fidéicommis familial et constitue un contournement clair de l’interdiction de l’art. 335 al. 2 CC (consid. 4.7.1.3).
En l’espèce, les actes de la fondation en question n’offrent pas le moindre indice permettant de conclure que les droits des bénéficiaires sur le patrimoine de la fondation auraient été soumis à des conditions. Cela suffit pour lui refuser l’inscription au registre du commerce (consid. 4.7.2).