TF 5A_468/2023 et 5A_603/2023 (f) du 29 janvier 2024
Couple non marié; autorité parentale; garde des enfants; droit de visite; entretien; procédure; art. 276, 285, 301 et 301a al. 1 et 2 CC
Procédure – parties à la procédure relative aux enfants de parents non mariés. En l’occurrence, le père a formé recours contre une décision traitant des contributions d’entretien, dont les enfants – représentés par la mère – sont intimés. Le recours conteste également la décision sur l’autorisation de déplacer le lieu de résidence à l’étranger accordée à la mère et l’attribution des droits parentaux, dont la mère elle-même est l’intimée. Bien que l’avocate de la mère ait annoncé ne représenter que les enfants, eux-mêmes représentés par leur mère, le Tribunal fédéral estime qu’il n’y a pas lieu de se montrer trop formaliste. Il a donc considéré que, concernant l’objet du litige dont la mère est elle-même intimée, l’avocate la représente valablement (consid. 1.3).
Autorité parentale (art. 301 CC) – droit de déterminer le lieu de résidence (art. 301a al. 1 CC) et déménagement (art. 301a al. 2 CC). Rappel de principes généraux (consid. 3.1.1-3.1.5). Rappel de principes relatifs à l’autorisation de déplacer le lieu de résidence de l’enfant et les critères d’attribution de la garde (consid. 3.1.2). Rappel qu’il convient de clarifier le mode de prise en charge de l’enfant appliqué jusqu’alors, d’esquisser les contours du déménagement et d’établir quels sont les besoins de l’enfant ainsi que la prise en charge, offerte et effectivement possible, par les parents (consid. 3.1.3). Rappel de principes relatifs à la possibilité d’ordonner une expertise, à la possibilité de recourir à une enquête sociale et aux conditions qui s’y appliquent (consid. 3.1.4).
Rappel de la jurisprudence qui retient que les capacités éducatives peuvent être mises en doute lorsqu’il n’y a apparemment aucun motif plausible de déménager, hormis celui d’éloigner les enfants de l’autre parent (consid. 3.4.2). Si les deux parents disposent de capacités parentales suffisantes, le point de savoir lequel des deux parents dispose des « meilleures » capacités parentales n’est pas en soi décisif pour l’attribution de la garde exclusive, lorsque la garde partagée n’est pas possible (consid. 3.4.2). Une grande flexibilité sur le plan professionnel ne signifie pas que l’on est disponible pour s’occuper pleinement de trois enfants au quotidien (consid. 3.6).
Quand la situation de départ n’était pas neutre, l’examen de l’ensemble des critères pertinents pour l’attribution de la garde revêt une importance moindre que quand les enfants étaient pris en charge à parts plus ou moins égales par chacun des parents (consid. 3.5).
Rappel que, lorsque la situation de départ n’était pas neutre, le parent de référence est en principe autorisé à déménager avec les enfants, pour autant qu’il puisse garantir une prise en charge similaire dans le futur lieu de vie et que le déménagement n’entraîne pas une mise en danger du bien de l’enfant (consid. 3.1.2 et 3.5). La notion de prise en charge « similaire » ne signifie pas que la prise en charge doit être absolument identique à celle qui prévalait avant le déménagement, mais qu’elle doit être à peu près semblable (consid. 3.6). L’absence de cercle social et familial au lieu de déménagement envisagé n’est pas de nature à démontrer que le bien des enfants serait mis en danger en cas de déménagement avec leur parent de référence (consid. 3.7.2).
Idem – choix du type de scolarisation. Rappel que le choix ou le changement du type de scolarisation de l’enfant requiert en principe l’accord des deux parents (art. 301 al. 1 CC) et ne relève pas d’une décision courante ou urgente que le parent gardien pourrait prendre seul (art. 301 al. 1bis ch. 1 CC). En cas de désaccord entre les parents, l’autorité compétente n’intervient que si le statu quo ou le conflit parental menace le développement de l’enfant (consid. 11).
Entretien de l’enfant (art. 276 et 285 CC) – calculs. Rappel de principes généraux (consid. 6.3.1-6.3.2) et précisions. Lorsque la capacité contributive du parent débiteur est très importante et que les besoins doivent être appréciés de manière anticipée, le déménagement prévu des enfants n’ayant pas encore eu lieu, il est admissible de procéder par évaluation ou d’arrondir les montants. Dans le même ordre d’idée, il est admissible de ne pas déduire de faibles allocations familiales ou de ne pas prévoir de paliers adaptatifs des contributions en fonction de l’évolution des besoins des enfants, certains postes diminuant (frais de garde) alors que d’autres augmentant (montant de base et loisirs) à mesure que les enfants grandissent (consid. 12).
De même, dans un contexte de situation financière aisée, l’autorité judiciaire n’abuse pas de son pouvoir d’appréciation en prévoyant un poste pour des frais de scolarisation privée, même s’il s’agit de frais futurs non effectifs. Procéder de la sorte ne revient pas à statuer sur le choix du type de scolarisation des enfants (consid. 11.3).
Idem – contribution de prise en charge (art. 285 al. 2 CC). Rappel détaillé de principes (consid. 8.4) et précisions. Même lorsque le parent gardien bénéficiait de l’aide ou de l’assistance de tiers lorsqu’il s’occupait personnellement des enfants durant la vie commune et que l’autre parent ne s’y est pas opposé, il faut considérer que l’incapacité du parent (désormais) gardien de couvrir ses frais de subsistance est liée à la prise en charge des enfants. Ceci vaut même si cette incapacité existait déjà avant la naissance des enfants, si tant est qu’il ne s’agit pas d’une incapacité de travail due à des raisons médicales ; une contribution de prise en charge est alors due (consid. 8.5).
Idem – répartition de l’excédent. Rappel de principes (consid. 6.3.2). Précision selon laquelle il est parfaitement admissible d’attribuer, en équité, un montant forfaitaire destiné à couvrir les postes de vacances et de loisirs, si tant est que la fixation dudit montant ne soit pas purement discrétionnaire et applique les critères développés par la jurisprudence relatifs à la répartition de l’excédent. Il convient de garder à l’esprit que le niveau de vie convenu durant la vie commune constitue un critère d’appréciation dans la détermination des besoins concrets des enfants (consid. 13.2).
In casu, compte tenu de la situation financière exceptionnellement aisée du père, parent débiteur et non gardien, la seconde instance cantonale a violé le droit en n’allouant que CHF 1'000.- d’excédent mensuel par enfant. En effet, si le montant alloué peut certes être limité dans une certaine mesure, notamment pour des motifs éducatifs et afin d’éviter de financer indirectement le parent gardien non marié, cela ne doit pas priver les enfants de bénéficier de la capacité contributive du parent débiteur ni avoir pour effet de diminuer sensiblement leur niveau de vie antérieur. Sur ce dernier point, il n’est pas admissible de considérer que les enfants pourront bénéficier du train de vie de leur père lorsqu’ils seront en vacances chez lui, ceci afin d’éviter que leur mère bénéficie également de leur ancien train de vie lors de vacances avec eux. Ils doivent effectivement pouvoir bénéficier du même niveau de vie lorsqu’ils sont en vacances avec leur mère (consid. 13.2).