TF 5A_914/2023 (f) du 10 juillet 2024
Divorce; étranger; DIP; avis débiteur; art. 30 LP; 302 CPC; 133, 277 et 291 CC; 25, 27 à 29 LDIP
Avis aux débiteurs (art. 291 CC) – rappels. L’avis aux débiteurs de l’art. 291 CC constitue une mesure d’exécution forcée privilégiée sui generis visant à assurer à l’ayant droit le versement des contributions d’entretien qui lui sont dues. La procédure sommaire s’applique (art. 302 al. 1 let. c CPC). En tant que mesure d’exécution forcée, l’avis aux débiteurs suppose d'être au bénéfice d’un titre ouvrant la voie d’une mainlevée selon les conditions de l’art. 80 LP (consid. 4.1 et 4.2). En l’espèce, la contribution d’entretien étant établie par référence au salaire minimum brésilien, fixé à intervalles réguliers par le pouvoir exécutif, le jugement brésilien répond aux exigences de clarté et de précision d’un titre de mainlevée (consid. 7.2).
Idem – reconnaissance et exequatur d’un jugement étranger. A titre incident, la reconnaissance et le caractère exécutoire de la décision étrangère sont examinés par le tribunal dans le cadre de la procédure d’avis aux débiteurs (art. 29 al. 3 LDIP), sauf si la décision a déjà fait l’objet d’une procédure d’exequatur indépendante (art. 81 al. 3 in fine LP). La LDIP régit seulement l’exequatur : l’art. 28 LDIP ne porte que sur les conditions devant être réunies afin qu’une procédure d’exécution puisse être engagée. Cette dernière est en revanche régie par le droit suisse (art. 291 CC et 80 s. LP) (consid. 5.1.1).
Lorsque les conditions de la reconnaissance sont réunies (art. 25 LDIP), la décision étrangère peut être déclarée exécutoire (art. 28 LDIP), si son contenu est susceptible d’exécution. A défaut, la requête d’exequatur ne peut pas être admise. Néanmoins, tout manque de clarté ou dérogation à des conceptions nationales ne doit pas amener à refuser la requête. Etant donné son pouvoir d’examen plus étendu s’agissant de déterminer le caractère exécutoire d’une décision étrangère, le tribunal de l’exécution peut interpréter et concrétiser le dispositif de la décision, si les critères à cet effet peuvent être déduits du droit applicable ou de circonstances similaires accessibles et constatables avec certitude sur le territoire national. En revanche, le contenu de la décision ne saurait être modifié. Dans le cadre d’une procédure d’avis aux débiteurs, le tribunal n’est pas tenu de rechercher d’office le contenu du droit étranger. L’art. 16 al. 1, 1ère phr., LDIP ne s’appliquant pas, c’est la partie créancière qui doit ainsi l’établir, dans la mesure où l’on peut raisonnablement l’exiger d’elle. A défaut, le tribunal doit refuser l’exequatur et rejeter la requête d’avis aux débiteurs (consid. 5.1.2.2). La reconnaissance et l’exequatur prononcés à titre incident ne faisant pas partie du dispositif du jugement, ils ne revêtent pas l’autorité de la force jugée (consid. 5.1.2.3).
Idem – réserve de l’ordre public. Rappel des principes (consid. 6.2). En l’espèce, la fluctuation de la contribution d’entretien par rapport au salaire minimum brésilien a été jugée ne pas heurter l’ordre juridique suisse (consid. 6.3).
Idem – enfant majeur·e et Prozessstandschaft. La figure de la Prozessstandschaft s’applique à tous les intérêts patrimoniaux de l’enfant, notamment à l’exécution des contributions d’entretien dues à l’enfant. Le parent gardien dont l’autorité parentale a pris fin au cours de la procédure a ainsi le droit de réclamer les contributions d’entretien futures dues à l’enfant majeur·e et le droit de faire exécuter ces montants (consid. 8.1.1).
Idem – entretien de l’enfant majeur·e. Un jugement constitue un titre de mainlevée définitive pour les contributions d’entretien dues à l’enfant majeur·e, uniquement si le paiement de l’entretien après la majorité est ordonné expressément et que son montant est déterminé. En l’espèce néanmoins, en raison de la présomption du droit brésilien selon laquelle l’enfant devenu·e majeur·e qui poursuit ses études ne peut pas pourvoir à son entretien, le jugement constitue un titre de mainlevée également concernant les contributions dues à l’enfant majeur (consid. 8.2.2).