TF 5A_35/2024 (d) du 3 octobre 2024

Couple non marié; filiation; art. 256c al. 3, 260c al. 3, 261 et 263 CC; 29 al. 2 Cst.; 8 CEDH

Action en paternité (art. 261 ss CC) – délai pour intenter l’action (art. 263 CC). Rappel des principes. Les délais prévus à l’art. 263 CC sont des délais de péremption. Le non-respect d’un délai de péremption entraîne la perte du droit et ainsi une décision de rejet de l’action au fond (consid. 1.2.2). L’action en paternité qui concrétise le droit de l’enfant à l’établissement d’un lien de filiation avec son père peut être intentée par la mère ou l’enfant (art. 261 al. 1 CC). L’action peut être déposée avant ou après l’accouchement, mais elle doit être intentée par l’enfant avant l’expiration du délai d’un an à compter de sa majorité (art. 263 al. 1 ch. 2 CC). Si le retard est rendu excusable par de justes motifs, l’action en paternité peut être intentée après ce délai (art. 263 al. 3 CC) (consid. 3).

Idem – justes motifs (art. 263 al. 3 CC). Le fait que l’enfant n’ait connaissance, qu’après l’expiration du délai, de l’identité de son père biologique ou de celui qui pourrait l’être, constitue notamment un juste motif au sens de l’art. 263 al. 3 CC. Si l’identité lui a par exemple été cachée, l’enfant ne peut a priori pas agir en justice (consid. 3.1).

Idem – moment de la connaissance du lien de filiation. Le retard doit être encore excusable au moment où l’action est intentée. Il convient ainsi de déterminer à partir de quand l’enfant a eu connaissance de l’identité de son père biologique. Le Tribunal fédéral pose des exigences élevées concernant l’exigence de la connaissance du lien de filiation, car il n’est pas acceptable d’exiger d’une personne ayant qualité pour agir qu’elle intente une action avant de disposer des bases factuelles nécessaires pour agir (consid. 3.2). Le seul fait pour l’enfant d’apprendre l’identité de son père présumé (par rumeurs ou suppositions) ne suffit pas à établir une connaissance suffisamment sûre du lien de filiation. Une certaine probabilité est requise (consid. 3.2.1).

Lorsque l’enfant a connaissance de l’identité d’une personne qui pourrait être son père avec une certaine vraisemblance, il doit entreprendre des démarches afin de clarifier la paternité. L’omission de procéder à des clarifications supplémentaires peut rendre inexcusable le retard pour agir en paternité (consid. 3.2.2).

Idem – absence de délai supplémentaire. L’art. 263 al. 3 CC ne créant pas de délai supplémentaire, l’enfant doit intenter l’action avec toute la célérité possible, dès qu’il ou elle a une connaissance suffisante de la paternité au sens décrit précédemment, sous réserve de circonstances exceptionnelles l’empêchant d’agir. Dans sa jurisprudence relative à l’art. 256c al. 3 CC et à l’art. 260c al. 3 CC, le Tribunal fédéral fait généralement référence à un délai d’un mois, mais les circonstances du cas d’espèce doivent être prises en considération (consid. 3.3.1). Si l’enfant n’a pas réussi à clarifier la filiation, il ou elle doit décider d’intenter ou non l’action. Les conséquences de l’établissement d’un lien de filiation juridique nécessitent une mûre réflexion de la part de l’enfant (consid. 3.3.2). En l’espèce, les circonstances rendaient le retard excusable. En particulier, la contestation de la filiation par le père présumé ne déclenchait pas une obligation d’intenter immédiatement l’action en paternité (consid. 5.4 à 6).

Couple non marié

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Filiation

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