TF 2C_480/2024 (f) du 1 mai 2025
Mariage; couple; étranger; art. 8 § 1 et 12 CEDH; 3 CDE; 14 CSt.; 98 al. 4 CC; 17 al. 2 LEI
Autorisation de séjour (art. 8 § 1 CEDH) – droit à la vie familiale. L’art. 8 CEDH vise à ne pas séparer la famille nucléaire (« Kernfamilie »), mais n’octroie pas le droit de séjourner dans un Etat déterminé. De même, l’art. 3 CDE ne confère pas de droit à la délivrance d’une autorisation de séjour (consid. 2.1). Les relations visées par l’art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille nucléaire, c’est-à-dire celles existant entre conjoint·es ainsi qu’entre parents et enfants mineur·es vivant en ménage commun. En dehors de la famille nucléaire, les relations familiales ne peuvent bénéficier de la protection de l’art. 8 CEDH que lorsqu’elles sont suffisamment étroites, réelles et effectives, notamment en cas de ménage commun, de dépendance financière, de liens familiaux particulièrement étroits ou de prise en charge de la personne et ne fondent en principe un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour que s’il existe un rapport de dépendance particulier entre la personne étrangère et le proche parent au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse (consid. 2.2). Idem - droit au respect de la vie privée. En l’espèce, les recourants ne peuvent pas se prévaloir de la présomption selon laquelle liens sociaux développés avec notre pays seraient spécialement étroits en raison d’une présence en Suisse supérieure à dix ans, puisque cette présomption ne concerne que les séjours légaux. Seules des circonstances exceptionnelles, en présence de liens et d’une intégration hors du commun en Suisse, ont justifié de déroger à ce principe (consid. 2.4). Droit au mariage (art. 14 Cst. et 12 CEDH). Rappel des principes. Le droit au mariage est un droit de l’homme et non un droit du ou de la citoyen·ne. Il appartient en principe à toute personne physique majeure, quelle que soit sa nationalité – y compris les apatrides – ou sa religion. Selon la CourEDH, le droit au mariage est régi par le droit national, mais les limitations qui en résultent ne doivent pas restreindre ou réduire le droit au mariage d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même (consid. 5.1). Idem – légalité du séjour en Suisse. L’art. 98 al. 4 CC prévoit que les fiancé·es qui ne sont pas citoyen·nes suisses doivent établir la légalité de leur séjour en Suisse au cours de la procédure préparatoire de mariage. L’officier ou l'officière de l'état civil confronté·e à une demande de mariage émanant d’une personne étrangère n’ayant pas établi la légalité de son séjour en Suisse, n’a pas de marge de manœuvre et n’a ainsi pas d’autre alternative que de refuser la célébration du mariage (consid. 5.2). Le Tribunal fédéral a considéré que le système mis en place par l'autorité législative à l’art. 98 al. 4 CC pouvait s’avérer contraire à l’art. 12 CEDH lorsqu’une personne étrangère, bien qu’en situation irrégulière en Suisse, désirait néanmoins réellement et sincèrement se marier, car en cas de refus de l’autorité de "police des étrangers" de régulariser – même temporairement – sa situation, la personne étrangère ne pourrait pas concrétiser son projet en Suisse. Une telle pratique reviendrait à présumer de manière irréfragable qu’une personne étrangère démunie d’un titre de séjour en Suisse ne peut avoir qu’une volonté viciée de se marier et ainsi à interdire de manière générale, automatique et indifférenciée l’exercice du droit au mariage pour toute une catégorie de personnes. La seule possibilité pour les fiancé·es de se marier à l’étranger ne suffit pas à remplir les exigences découlant de l’art. 12 CEDH (consid. 5.3). Idem – autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage. Le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 98 al. 4 CC pouvait être appliqué de manière conforme à l’art. 14 Cst. et l’art. 12 CEDH, si l’autorité cantonale compétente en matière de "police des étrangers" tenait compte, au moment de statuer sur une demande d’autorisation de courte durée en vue du mariage, des exigences liées au respect du droit au mariage et au principe de la proportionnalité. Les autorités de "police des étrangers" sont tenues de délivrer un titre de séjour en vue du mariage lorsqu’il n’y a pas d’indice que la personne étrangère entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial et qu’il apparaît clairement, en application par analogie de l’art. 17 al. 2 LEI, qu’elle remplira les conditions d’une admission en Suisse après son union. En revanche, lorsqu’il apparaît d’emblée que la personne étrangère ne pourra pas, même une fois mariée, être admise à séjourner en Suisse, l’autorité peut en principe renoncer à lui délivrer une autorisation de séjour provisoire en vue du mariage. La jurisprudence réserve toutefois les situations dans lesquelles une éventuelle tolérance du séjour en vue de la célébration du mariage doit être envisagée afin de garantir la substance du droit au mariage, notamment lorsqu’il s’avère impossible ou disproportionné de se marier à l’étranger (consid. 5.4). |