Analyse de l'arrêt ATF 149 III 441 - TF 5A_668/2021 (d)
26 octobre 2023
La répartition de l’excédent dans le calcul de la contribution d’entretien pour l’enfant de parents non mariés
I. Objet de l’arrêt
Le présent arrêt traite de l’entretien de l’enfant. Plus précisément, il examine la question de la répartition de l’excédent selon la méthode des grandes et petites têtes – telle que prescrite par la jurisprudence du Tribunal fédéral – pour un couple non marié. Il retient que, dans une telle constellation familiale, le parent gardien non marié n’entre pas dans l’équation et ne compte donc pas comme une grande tête. En présence d’un enfant, cela conduit à répartir l’excédent à raison de 66% pour le parent et 33% pour l’enfant.
II. Résumé de l’arrêt
A. Les faits
a)
Les parties sont les parents d’un fils né le 18 mars 2016 sur lequel elles détiennent toutes deux l’autorité parentale conjointe. Les parents n’ont jamais été mariés ensemble et ils se sont séparés en août 2017. A la suite de la séparation, la garde de l’enfant est confiée à la mère, d’entente entre les parents. Ceux-ci ne parviennent toutefois pas à trouver un accord s’agissant de l’entretien de l’enfant et la tentative entreprise devant l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte du Toggenburg en ce sens se solde par un échec.
b)
Par la suite, l’enfant agit contre son père par-devant le tribunal d’arrondissement du Toggenburg dans le but de fixer la contribution d’entretien qui lui est due. Par décision du 7 août 2019, le tribunal d’arrondissement du Toggenburg fixe les contributions dues à des montants compris entre CHF 620.- et CHF 1’520.- pour la période allant d’août 2017 à la majorité de l’enfant ou la fin d’études dûment menées (réparties en dix phases distinctes).
Le père recourt contre cette décision auprès du tribunal cantonal de Saint-Gall, lequel fixe, par décision du 17 juin 2021, l’entretien dû à l’enfant à des montants compris entre CHF 730.- et CHF 1’460.- répartis en dix, respectivement onze phases.
c)
Par recours du 23 août 2017, le père conteste cette décision devant le Tribunal fédéral et conclut à une réduction partielle des contributions d’entretien.
B. Le droit
2.
Les fondements de la méthode des grandes et petites têtes (consid. 2.-2.4)
Il est d’emblée précisé que la seule question juridique que le Tribunal fédéral doit traiter dans cet arrêt est celle de savoir comment compter les grandes et petites têtes dans le contexte de la répartition des excédents pour des parents non mariés.
Pour analyser cette situation, le Tribunal fédéral retient que le point de départ est l’arrêt topique, à savoir l’ATF 147 III 265. Pour rappel, dans cet arrêt, il a été mis fin au pluralisme des méthodes alors existantes afin de déterminer l’entretien de l’enfant, pour ne retenir plus que la méthode concrète en deux étapes avec répartition de l’excédent et, au sein de cette méthode, la prescription selon laquelle l’excédent résultant du calcul doit en principe être réparti selon « les grandes et les petites têtes »1.
Pour sa part, le tribunal cantonal saint-gallois, après avoir établi les revenus et les besoins de tous les protagonistes, avait déterminé la contribution d’entretien due pour l’enfant sur la base de la conception donnée dans l’arrêt susmentionné. Il avait considéré, pour les phases durant lesquelles il existait un excédent, le père comme « la grande tête » et l’enfant comme « la petite tête », attribuant ainsi deux tiers de l’excédent au père et un tiers au fils.
Dans son recours, le père a contesté la méthode retenue par le tribunal cantonal et a fait valoir que ce dernier a méconnu les directives de l’arrêt susmentionné car il n’a pas pris en considération la mère, en qualité de « grande tête » dans son calcul. Selon son père, une bonne application de cet arrêt impliquerait que l’enfant n’aurait droit qu’à 20% de l’excédent et non à 33% comme retenu par la seconde instance. A l’appui de sa réflexion, il a invoqué l’égalité de traitement et indiqué qu’à suivre le raisonnement de la cour cantonale, les enfants de parents non mariés seraient financièrement mieux lotis que ceux de parents mariés, ce qui serait en contradiction avec le souhait du législateur qui a justement voulu, lors de la réforme de l’entretien de l’enfant, mettre tous les enfants sur un pied d’égalité.
Revenant à sa jurisprudence relative à la règle de la répartition par « grandes et petites têtes » le Tribunal fédéral mentionne que celle-ci a été prescrite pour la première fois de manière contraignante dans l’ATF 147 III 265, consid. 7.3 et a ensuite été confirmée à plusieurs reprises dans la jurisprudence qui a suivi2, que la notion des « grandes et petites têtes » n’a pas été précisée dans l’arrêt principal, mais que cette notion a été supposée connue en se référant à la doctrine y relative pertinente. Selon celle-ci, il faut entendre par « grande tête » un parent et par « petite tête » un enfant, une « grande tête » devant se voir attribuer une part d’excédent deux fois plus importante qu’une « petite tête »3.
Le Tribunal fédéral précise toutefois que l’ATF 147 III 265 et les autres arrêts cités concernaient presque tous des parents mariés ou qui avaient été mariés. Dans ces circonstances, tous les membres de la famille étaient intégrés dans le calcul tendant à déterminer les contributions d’entretien dues après le mariage et, par conséquent, deux « grandes têtes » étaient prises en considération dans la répartition de l’excédent. Seul l’arrêt 5A_382/2021 concernait des parents non mariés mais, dans cette affaire, il s’agissait d’une situation particulière permettant de procéder à une répartition discrétionnaire de l’excédent, si bien que le Tribunal fédéral n’avait encore pas statué sur la répartition de l’excédent selon le principe « des grandes et petites têtes » pour un couple non marié. Ainsi, le Tribunal fédéral ne s’est, jusqu’à présent, jamais prononcé spécifiquement sur la question de savoir si, dans le cas de parents non mariés ensemble, il faut également tenir compte d’une « grande tête » pour le parent qui s’occupe de l’enfant (celui qui contribue donc en nature plutôt qu’en espèces).
Le Tribunal fédéral expose encore que, tout comme le père, une partie de la doctrine, se basant sur l’ATF 147 III 265, défend l’opinion selon laquelle, même dans le cas d’un couple non marié, il faudrait prendre en compte « deux grandes têtes » pour le calcul de l’entretien de l’enfant et la répartition de l’excédent, car, sinon, l’enfant serait favorisé par rapport à un enfant issu d’une relation maritale4.
La méthode des « grandes et petites têtes » sous l’angle de l’égalité de traitement (consid. 2.5)
Le Tribunal fédéral débute son analyse en se penchant tout d’abord sur la question de l’égalité de traitement. Il expose que l’égalité de traitement entre les enfants de parents mariés et ceux de parents non mariés en matière de prise en charge a été la raison et l’élément central de l’introduction du nouveau droit de l’entretien de l’enfant. En effet, jusqu’alors, le financement de la prise en charge de l’enfant n’était possible que pour les parents mariés, par le biais de la contribution d’entretien versée à l’ex-conjoint. Le parent gardien non marié ne pouvait pas réclamer à l’autre des prestations pécuniaires pour la prise en charge de leur enfant. Le législateur a voulu remédier à cette inégalité en accordant désormais à l’enfant, indépendamment de l’état civil de ses parents, une contribution pour sa prise en charge5.
Le Tribunal fédéral retient ensuite que le Message du Conseil fédéral portant sur l’entretien de l’enfant ne parle toutefois nulle part d’une égalité financière entre les enfants de parents mariés et ceux de parents non mariés. L’idée d’égalité correspond plutôt à un impératif général et se trouve indirectement à la base du concept législatif, dans la mesure où l’entretien de l’enfant est conçu comme un droit qui fonde une obligation financière du parent non gardien, ceci indépendamment de l’état civil des parents (art. 285 al. 2 CC). Le législateur a toutefois laissé le soin à la jurisprudence de déterminer les modalités de calcul de cette contribution de prise en charge, tout comme celles de la contribution d’entretien de l’enfant d’ailleurs. En effet, l’art. 285 al. 1 CC indique tout au plus que la contribution d’entretien due à l’enfant doit être déterminée par ses besoins d’une part et en fonction de la capacité financière des parents d’autre part.
Partant de ce constat, le Tribunal fédéral a fait de la méthode du coût de la vie la pierre angulaire de ses réflexions dans la mise en application du nouveau droit de l’entretien de l’enfant et est parvenu à la conclusion que la méthode concrète en deux étapes avec répartition de l’excédent était la plus équitable et égalitaire et a balayé les autres méthodes6.
La méthode des « grandes et petites têtes » sous l’angle des circonstances concrètes (consid. 2.6 et 2.7)
Dans la méthode concrète en deux étapes, comme son nom l’indique, les circonstances concrètes constituent le point de départ et sont l’essence même du calcul de l’entretien. En outre, dans le cadre de la contribution d’entretien de l’enfant, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de souligner que l’entretien est une grandeur dynamique7, dans la mesure où il est tenu compte aussi bien des besoins de l’enfant que de la capacité financière des débiteurs d’entretien, conformément aux articles 276 al. 2 CC en relation avec l’art. 285 al. 1 CC. Dans cette mesure, l’enfant doit également pouvoir bénéficier de la capacité financière d’un parent qui serait supérieure à la moyenne. Ainsi, en fonction de la situation financière concrète de la famille, il a droit soit au minimum vital du droit des poursuites, soit au minimum vital du droit de la famille, soit encore à une part de l’excédent. Ce montant n’est pas destiné à la constitution d’un patrimoine mais sert plutôt à couvrir les besoins courants non indispensables. Dans ce sens, le Tribunal fédéral expose que la part excédentaire qui revient à l’enfant ne doit pas s’étendre de manière linéaire dans des proportions démesurées, mais doit être limitée de manière appropriée, ceci également pour des raisons éducatives.
Partant, selon le Tribunal fédéral, le droit à l’entretien de l’enfant ne s’oriente plus sur un besoin fixé de manière abstraite, mais se détermine de cas en cas, ce qui implique également d’examiner la constellation familiale dans laquelle intervient le calcul, autrement dit, d’analyser ce que les moyens à disposition doivent couvrir : répartition des moyens financiers entre un ou deux ménages, entre un ou plusieurs (demi-)frères ou (demi-)sœurs avec des droits d’entretien concurrents ou encore devoir d’entretien concurrent de l’ex-conjoint∙e. D’après le Tribunal fédéral, c’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’égalité de traitement entre les enfants à laquelle aspire le législateur. Par ailleurs, le Tribunal fédéral expose que la situation des parents elle-même peut évoluer et que cela peut impacter la contribution d’entretien due à l’enfant. Il conclut qu’il n’est donc pas possible de dire de manière générale comment les enfants de parents non mariés peuvent être concrètement mis sur un pied d’égalité avec ceux de parents mariés ou ayant été mariés.
Le Tribunal fédéral expose que, s’agissant de la part excédentaire qui revient à un enfant de parents non mariés, il convient de s’assurer que le parent gardien ne perçoit pas ainsi un subventionnement croisé, car il n’a pas de droit propre à l’entretien vis-à-vis de l’autre parent. L’éventuelle contribution d’entretien qui lui est économiquement destinée, par le biais de la contribution de prise en charge, est limitée à ses besoins strictement nécessaires, tels qu’établis dans le cadre du minimum vital, au maximum du droit de la famille, et, à cet égard, ne contient pas de part à l’excédent8.
Ainsi, la jurisprudence selon laquelle la part excédentaire d’un enfant ne peut pas augmenter indéfiniment de manière linéaire lorsque sa situation est supérieure à la moyenne se voit donc attribuer un motif supplémentaire dont il faut tenir compte lors de la fixation de la contribution pour les enfants de parents non mariés : non seulement des besoins concrets et des motifs éducatifs peuvent ici avoir un effet limitatif sur la pension alimentaire, mais il faut également s’assurer que la part excédentaire permet uniquement à l’enfant de participer au niveau de vie du parent débiteur et qu’elle ne cofinance pas le parent gardien non marié.
Une séparation financière stricte ne sera toutefois pas possible car, bien souvent en pratique, la contribution d’entretien de l’enfant est versée en mains du parent gardien et une seule bourse est tenue par ménage. Le Tribunal fédéral ajoute que, compte tenu du fait que les besoins de l’enfant à couvrir par la part excédentaire (p. ex. activités de loisirs, hobbys, vacances, etc.) évoluent avec l’âge de l’enfant, le critère de l’âge peut également être pris en considération pour limiter de manière discrétionnaire la part d’excédent lui revenant.
Se recentrant plus précisément sur la question de la répartition de la part excédentaire entre les « grandes et petites têtes », le Tribunal fédéral mentionne qu’en ce qui concerne la clé de répartition, le fait qu’il s’agisse d’un calcul concret dans le cadre de la méthode concrète constitue le point de départ. Ainsi, lorsqu’il s’agit de parents mariés ou divorcés, compte tenu de l’obligation d’entretien réciproque qui peut subsister entre les ex-conjoints, le calcul tient logiquement compte de tous les protagonistes. En revanche, lorsque les parents ne sont pas mariés entre eux et que seul un parent est tenu de subvenir financièrement à l’entretien de l’enfant – compte tenu de la garde exclusive en faveur de l’autre parent – , le calcul se fait nécessairement, d’un point de vue concret, uniquement entre le parent débiteur et l’enfant. Les revenus et besoins du parent gardien ont certes également un impact dans la détermination de la contribution d’entretien de l’enfant, mais uniquement sous l’angle et dans les limites de la contribution de prise en charge. Le parent gardien non marié doit dès lors rester en dehors du calcul portant sur la répartition de l’excédent, car il ne peut prétendre à aucun droit sur l’excédent du parent débiteur. Concrètement, il ne convient dès lors pas de prendre en compte virtuellement le parent gardien comme « une grande tête », car une telle part ne peut revenir qu’aux personnes directement impliquées dans le calcul de l’entretien. Partant, la part de l’excédent calculée virtuellement en faveur du parent gardien ne serait pas attribuée et reviendrait concrètement au parent débiteur. Cela équivaudrait, en définitive, à attribuer la part excédentaire de deux « grandes têtes » au parent débiteur. Le Tribunal fédéral de conclure que, contrairement à ce que prétend le recourant, cette méthode de répartition entre les protagonistes concrètement concernés ne représente pas un avantage inadmissible de l’enfant de parents non mariés. A l’inverse, en cas de prise en compte d’une part virtuelle en faveur du parent gardien, ce ne serait pas l’enfant, mais le parent débiteur qui serait mieux loti, ceci d’une manière incompatible avec les dispositions légales.
3.
En conséquence, le recours est rejeté et les frais, y compris des dépens, sont mis à la charge du recourant.
III. Analyse
L’arrêt résumé ci-dessus se penche sur une question controversée et dont la résolution pratique connaissait jusqu’ici diverses issues. En ce sens, cet arrêt apporte des précisions bienvenues et une réponse pratique concrète, ce qui est à saluer. Ainsi, à la question de savoir si, en présence de parents non mariés, il y a lieu de tenir compte du parent gardien comme une « grande tête », la réponse est claire : non, tel n’est pas le cas.
Il nous apparaît toutefois que, pour parvenir à cette réponse, le Tribunal fédéral se lance dans de nombreux développements qui ont certainement pour ambition de tenter d’expliquer le cheminement de notre Haute Cour, mais qui laisse également place à de nouveaux questionnements pour les praticiens.
Au passage, le Tribunal fédéral semble toutefois profiter de cet arrêt pour confirmer certaines notions jurisprudentielles, sans pour autant expliquer le raisonnement y afférent :
- Le Tribunal fédéral mentionne ainsi, de manière somme toute plutôt péremptoire, que la part d’excédent revenant à l’enfant ne saurait servir à la constitution d’une épargne, sans toutefois expliquer cette affirmation et les raisons qui justifieraient celle-ci.
- Si on comprend naturellement qu’il convient de s’assurer que la part à l’excédent revenant à l’enfant ne cofinance pas, dans les faits, le parent gardien non débiteur – car il n’a aucune prétention financière propre à l’égard du parent débiteur – on ne voit pas en quoi cela justifie pour autant de rejeter, purement et simplement, la possibilité pour l’enfant de constituer une part d’épargne. Cela impliquerait, à lire le Tribunal fédéral, que l’enfant en faveur duquel les parents non mariés aisés constitueraient une épargne propre ne pourrait plus prétendre à ce que le débiteur continue d’y contribuer ensuite de la séparation. Cela semble être en contradiction avec l’intérêt de l’enfant qui pâtirait économiquement de la séparation de ses parents, alors même que la situation financière du débiteur permettrait de poursuivre cet « effort » consenti durant la vie commune de la famille. Finalement, une telle solution semble favoriser uniquement le parent débiteur qui, lui, pourrait continuer d’épargner, possiblement davantage que précédemment.
- Le Tribunal fédéral expose que la part de l’excédent sert à couvrir des besoins courants non indispensables, et liste à titre exemplatif les loisirs, les hobbys et les vacances, laissant sous-entendre que de tels postes ne devraient dès lors jamais être pris en considération dans les postes du minimum vital, élargi, de l’enfant.
- Le Tribunal fédéral confirme ici sa réflexion initiée dans l’ATF 147 III 265, consid. 7.2. Une fois encore, une telle lecture, si elle n’est pas nuancée, nous semble peu compatible avec l’intérêt de l’enfant. Cela impliquerait donc qu’il n’est plus possible, en cas de séparation des parents, de prendre en considération, dans les besoins de l’enfant, des frais pourtant effectifs et jusqu’alors couverts (cours de danse, de musique, pratique d’un sport, etc.) qui servent uniquement l’enfant. En pratique, une telle interprétation semble problématique et il conviendrait donc que le Tribunal fédéral puisse nous éclairer sur son raisonnement et l’interprétation qui doit en être faite9.
- Le Tribunal fédéral indique finalement que la part à l’excédent ne saurait être calculée de manière linéaire et élève au rang de critères limitatifs, notamment, des motifs éducatifs, laissant pour ce faire une liberté d’appréciation quasi totale au juge. Il expose uniquement que l’âge de l’enfant peut être un critère déterminant, car les loisirs et hobbys des enfants augmentent en fonction de l’âge. Pourtant, la contribution d’entretien est bien souvent déterminée une fois pour toutes et, à cet égard, la part excédentaire revenant à un enfant risque fort d’être limitée compte tenu de l’âge de l’enfant à ce moment-là. Or, par la suite, une procédure en modification ne sera pas toujours possible (si les conditions liées à une modification notable et durable ne sont pas données). Ainsi cette injonction laisse subsister des interrogations quant à la manière la plus adéquate de l’appliquer. Pourrait-on ainsi envisager une répartition de la part de l’excédent revenant à l’enfant avec des paliers en fonction de l’âge si la contribution a initialement été limitée pour ce motif ?
Il nous apparaît que les réflexions pratiques qui entourent les notions jurisprudentielles évoquées ci-avant auraient mérité ou mériteraient une analyse plus détaillée. Nous espérons que des précisions seront apportées sur celles-ci à l’avenir.
Il faut également noter que le Tribunal fédéral semble surtout faire appel au bon sens pour étayer sa décision. Il ne se réfère en effet que très peu à la doctrine et encore moins à la jurisprudence cantonale afin d’analyser les solutions pratiques apportées jusqu’alors à cette problématique. Dans cette optique, les développements du Tribunal fédéral portant sur sa jurisprudence antérieure et ayant permis d’aboutir à l’ATF 147 III 265 sont certes intéressants, à titre de rappel, sans pour autant être tous indispensables, mais laissent un sentiment contradictoire au lecteur quant aux éléments qui permettent à notre Haute Cour de justifier sa position, si ce n’est, au final, le bon sens.
Selon nous, l’élément principal de l’argumentaire du Tribunal fédéral afin de déterminer s’il y a lieu de tenir compte du parent gardien non débiteur dans le calcul des « grandes et petites têtes » réside dans le fait que la rémunération financière due en faveur du parent gardien non marié s’inscrit dans la contribution de prise en charge de l’enfant (méthode qui permet de mettre les enfants de parents mariés ou non sur un pied d’égalité) et que le parent gardien n’a donc pas de droit propre à une contribution d’entretien. Dès lors, il n’y a donc pas lieu de l’intégrer dans l’équation lors de la répartition des « grandes et des petites têtes ». Pour cette raison, on doit veiller à ce que la part excédentaire qui revient à l’enfant ne joue pas un tel rôle.
Finalement, on retiendra de cet arrêt une précision bienvenue quand bien même il soulève, à notre sens, des questions qui mériteraient encore d’être précisées ou nuancées.
Notes
- Pour une analyse approfondie de cet arrêt, cf. Burgat, Entretien de l’enfant, des précisions bienvenues : une méthode (presque) complète et obligatoire pour toute la Suisse ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019, Newsletter DroitMatrimonial.ch janvier 2021. ↩
- ATF 147 III 293, consid. 4.4 ; arrêt 5A_491/2020 du 19 mai 2021, consid. 4.3.1 ; 5A_1072/2020 du 25 août 2021, consid. 4.4 ; 5A_52/2021 du 25 octobre 2021, consid. 7.2 ; 5A_593/2021 du 29 octobre 2021, consid. 3.2 ; 5A_112/2020 du 28 mars 2022, consid. 6.2 ; 5A_382/2021 du 20 avril 2022, consid. 6.2.1.3 ; 5A_378/2021 du 7 septembre 2022, consid. 6.2. ↩
- Gloor/Spycher, Commentaire bâlois, 7e éd. 2022, N. 36d ad art. 125 CC ; Vetterli/Cantieni, in : ZGB Kurzkommentar, 2e éd. 2018, N. 11 ad art. 125 CC ; Jungo/Arndt, Barunterhalt der Kinder, Bedeutung von Obhut und Betreuung der Eltern, in : FamPra.ch 2019, p. 760 ; Bähler, Unterhaltsberechnungen, von der Methode zu den Franken, in : FamPra.ch 2015, p. 277 ; Hartmann, Betreuungsunterhalt – Überlegungen zur Methode der Unterhaltsbemessung, in : ZBJV 2017, p. 107 ; Allemann, Betreuungsunterhalt – Grundlagen und Bemessung, in : Jusletter du 11 juillet 2016, N 66 ; Heller, Betreuungsunterhalt & Co. – Unterhaltsberechnung ab 1. Januar 2017, in : Revue de l’avocat 2016, p. 469 ; Hausheer/Geiser/Aebi-Müller, Das Familienrecht des Schweizerischen Zivilgesetzbuches, 7e éd. 2022, N 590 ; Aebi-Müller, Aktuelle Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Familienrecht, in : Jusletter du 14 février 2022, N 37. ↩
- Meyer, Unterhaltsberechnung : Ist jetzt alles klar ?, in : FamPra.ch 2021, p. 904 ; Burgat, Entretien de l’enfant, des précisions bienvenues ; une méthode (presque) complète et obligatoire pour toute la Suisse, in : Newsletter Droit Matrimonial janvier 2021, p. 18 ; Stoudmann, Entretien de l’enfant et de l’(ex-)époux – Aspects pratiques, in : Famille et argent, 11e symposium en droit de la famille 2021, p. 57 s. ; Maier/Waldner-Vontobel, Gedanken zur neuen Praxis des Bundesgerichtes zum Unterhaltsrecht, in : FamPra.ch 2021, p. 884 s. ; question toutefois laissée ouverte par Aeschlimann/Bähler/Schweighauser/Stoll, Berechnung des Kindesunterhalts – Einige Überlegungen zum Urteil des Bundesgerichts vom 11. November 2020 i.S. A. gegen B., in : FamPra.ch 2021, p. 271. ↩
- Message du Conseil fédéral portant sur l’entretien de l’enfant du 29 novembre 2013, FF 2014 529 ss, p. 541 et en outre 552. ↩
- Pour suivre le cheminement détaillé du Tribunal fédéral, cf. ATF 144 III 377, consid. 7.1.2.1 ; 144 III 481, consid. 4.1 ; 147 III 265 ; 147 III 293, consid. 4.5 ; 147 III 301, consid. 4. ↩
- ATF 147 III 265, consid. 5.4 et 6.6. ↩
- ATF 144 III 377, consid. 7.1.4. ↩
- Pour une analyse plus détaillée de cette problématique, cf. Burgat, Entretien de l’enfant, des précisions bienvenues : une méthode (presque) complète et obligatoire pour toute la Suisse ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019, Newsletter DroitMatrimonial.ch janvier 2021, p. 16. ↩