Analyse de l’arrêt TF 2C_480/2024 (f)

Yanis Firouzi, Assistant-étudiant à la chaire de droit public et de droit des migrations à l’Université de Neuchâtel

Autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage pour un couple de personnes étrangères sans titre de séjour

I. Objet de l’arrêt

Dans l’arrêt 2C_480/2024 du 1er mai 2025, le Tribunal fédéral accorde pour la première fois à un couple de deux recourants, qui résident en Suisse de façon irrégulière, le droit à une autorisation de séjour de courte durée afin de pouvoir se marier en Suisse, indépendamment de leur droit d’y demeurer par la suite.

II. Résumé de l’arrêt

A. Les faits

A., ressortissant du Sénégal né en 1984, est supposément arrivé en Suisse en 2007. B., ressortissante du Sénégal née en 1986, serait venue en Suisse en 2012 pour rejoindre A. qu’elle aurait rencontré en France. De leur relation sont nés quatre enfants : C. en 2014 ; D. en 2017 ; E. en 2019 et F. en 2023.

A l’exception d’une brève période durant laquelle il a dépendu de l’aide sociale, A. a toujours travaillé, pourvu à ses besoins et n’a aucune dette. Depuis le 26 juin 2023, il travaille à 100% comme aide de cuisine et plongeur dans un restaurant. Il a été condamné à plusieurs reprises pour entrée illégale. Le 20 août 2016, il a été condamné pour faux dans les certificats, ainsi que pour comportement frauduleux à l’égard des autorités selon la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (ci-après LEI)1 pour avoir obtenu un permis de frontalier grâce à de faux papiers d’identité acquis en France.

Le 23 mars 2019, B. a été condamnée pour exercice d’une activité lucrative sans autorisation pour avoir travaillé dans l’économie domestique. Elle a ensuite perdu son emploi alors qu’elle était enceinte. Entre début avril 2020 et fin février 2023, B. a perçu l’aide sociale pour elle et ses enfants, malgré l’emploi qu’elle aurait occupé du 27 septembre 2021 au 31 mars 2022.

Le 3 mars 2023, l’Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après : l’Office cantonal) a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à A. et l’octroi d’autorisations de séjour pour raisons humanitaires à B. et ses enfants et a prononcé leur renvoi. Décisions confirmées sur recours par le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après : le Tribunal administratif) le 23 novembre 2023.

Le 2 octobre 2023, l’Office cantonal a refusé de délivrer des autorisations de séjour à B. et A. en vue de leur mariage. Le 29 novembre 2023, le Tribunal administratif confirme cette décision sur recours.

Le 20 août 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève rejette les recours de B. et A. contre les jugements du 23 et du 29 novembre 2023.

B. et A., agissant également pour le compte de leurs enfants, déposent simultanément un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Ils demandent l’assistance judiciaire, l’octroi de l’effet suspensif et, à titre de mesures provisionnelles, l’autorisation de se marier pendant la procédure. Ils concluent à l’annulation de l’arrêt attaqué du 20 août 2024 en invoquant la violation des art. 5 al. 2, 9, 14 et 29 al. 2 Cst., 6, 8 et 12 CEDH et 3 CDE2, à la confirmation de leur droit de se marier, et à ce qu’il soit ordonné à l’Office cantonal de leur octroyer des permis de séjour. Subsidiairement, ils demandent le renvoi de la cause à l’instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le 9 octobre 2024, la Présidente de la IIème Cour de droit public a admis la requête d’effet suspensif. Le 11 octobre 2024, elle a renoncé provisoirement à exiger une avance de frais. Le 25 octobre 2024, elle a rejeté la requête de mesures provisionnelles.

B. Le droit

1. Compétence du Tribunal fédéral (consid. 1)

Le Tribunal fédéral réaffirme que le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions qui concernent une autorisation de droit des étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (art. 83 let. c ch. 2 LTF). Le recours portant sur, premièrement, le refus de délivrer des autorisations de séjour aux recourants et, deuxièmement, le rejet des demandes d’octroi d’autorisations de courte durée en vue du mariage des recourants, il convient de déterminer si les recourants disposent d’un droit potentiel à la délivrance d’une de ces autorisations.

2. Inexistence d’un droit potentiel à une autorisation de séjour en vertu de l’art. 8 par. 1 CEDH (consid. 2)

2.1 Droit à la vie familiale (consid. 2.1 – 2.3)

Le Tribunal fédéral écarte d’emblée l’existence d’un droit potentiel à une autorisation de séjour en vertu de la protection de la vie familiale de l’art. 8 par. 1 CEDH. Il affirme, à cet effet, que l’art. 8 par. 1 CEDH protège la famille nucléaire (« Kernfamilie ») contre la séparation mais n’octroie pas le droit de séjourner dans un Etat déterminé. En l’espèce, notre Haute-Cour affirme qu’étant donné que les deux parents sont ressortissants du Sénégal et que leurs enfants mineurs seraient encore en âge de s’adapter, le renvoi des recourants n’aurait pas pour effet de séparer la famille nucléaire.

En outre, la protection de l’art. 8 par. 1 CEDH vise principalement les relations de la famille nucléaire ; c’est-à-dire celles entre conjoints ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. En dehors de ces relations, les relations familiales ne peuvent bénéficier de la protection découlant de l’art. 8 par. 1 CEDH que lorsqu’elles sont suffisamment étroites, réelles et effectives, notamment en cas de ménage commun, de dépendance financière, de liens familiaux particulièrement étroits ou de prise en charge de la personne. En outre, ces relations ne fondent, en principe, un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour que s’il existe un rapport de dépendance particulier entre la personne étrangère et le proche parent au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse. En l’espèce, les recourants n’invoquent pas de telles relations.

Il n’existe, dès lors, pas de droit potentiel à une autorisation de séjour fondé sur le droit à la vie familiale protégé par l’art. 8 par. 1 CEDH.

2.2 Droit au respect de la vie privée (consid. 2.4)

Le Tribunal fédéral affirme, qu’étant donné que la présomption de liens sociaux spécialement étroits développés avec la Suisse en raison d’une présence supérieure à dix ans ne s’applique pas pour les séjours illégaux, les recourants ne peuvent pas s’en prévaloir pour en tirer un droit à une autorisation de séjour en vertu du droit au respect de la vie privée de l’art. 8 par. 1 CEDH. En outre, les recourants n’invoquent pas de circonstances exceptionnelles – de liens et d’une intégration hors du commun en Suisse – permettant de déroger à ce principe et d’offrir un droit potentiel à une autorisation de séjour. En l’espèce, les recourants ont été condamnés pénalement et ont perçu l’aide sociale, ce qui, pour les Juges de Mon-Repos, ne témoigne pas d’une intégration exceptionnelle, et ce même si leurs enfants sont scolarisés et participent à des activités extrascolaires.

Les recourants ne disposent, en ce sens, pas de droit potentiel à une autorisation de séjour fondé sur le droit au respect de la vie privée de l’art. 8 par. 1 CEDH.

3. Autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage

3.1 Droit potentiel à une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage (consid. 3.2)

Le Tribunal fédéral, considérant que les recourants ont suffisamment argumenté être dans une situation justifiant une tolérance du séjour afin de garantir la substance du droit au mariage découlant des art. 14 Cst. et 12 CEDH, déclare recevable le recours en matière de droit public pour la question de l’octroi d’autorisations de séjour de courte durée en vue du mariage.

3.2 Droit au mariage des art. 14 Cst. et 12 CEDH et légalité du séjour en Suisse de l’art. 98 al. 4 CC (consid. 5.1 – 5.4)

Le droit au mariage des art. 14 Cst. et 12 CEDH est « un droit de l’homme et non du citoyen ». A ce titre, il appartient, en principe, à toute personne physique majeure et ce quelle que soit sa nationalité. Selon la CourEDH, le droit au mariage est régi par le droit national. Cependant, les limitations qui en résultent, notamment celles visant à empêcher les mariages de complaisance, ne doivent pas restreindre le droit au mariage à un degré qui l’atteindrait dans sa substance même.

Dans l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010, la CourEDH a affirmé qu’une interdiction sans exception de mariage pour les personnes étrangères sans titre de séjour était contraire à l’art. 12 CEDH.

Ainsi, le Tribunal fédéral avait considéré que le système mis en place à l’art. 98 al. 4 CC3, qui prévoit que les fiancés qui ne sont pas citoyens suisses doivent établir la légalité de leur séjour en Suisse sans quoi l’officier d’état civil doit refuser la célébration du mariage, pouvait s’avérer contraire à l’art. 12 CEDH lorsqu’une personne étrangère, en situation irrégulière en Suisse, désirait réellement et sincèrement se marier. En effet, une telle pratique conduirait « à présumer de manière irréfragable qu’une personne étrangère démunie d’un titre de séjour en Suisse ne peut avoir qu’une volonté viciée de se marier ». Cela mènerait à interdire de manière générale, automatique et indifférenciée l’exercice du droit au mariage pour toute cette catégorie de personnes. En outre, la seule possibilité pour les fiancés de se marier à l’étranger ne suffisait pas à remplir les exigences découlant de l’art. 12 CEDH.

Le Tribunal fédéral a finalement considéré que pour être conforme aux art. 14 Cst. et 12 CEDH, l’application de l’art. 98 al. 4 CC devait tenir compte des exigences liées au respect du droit au mariage et au principe de proportionnalité. A cet effet, les autorités compétentes de police des étrangers doivent délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage « lorsqu’il n’y a pas d’indice que la personne étrangère entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial et qu’il apparaît clairement, en application par analogie de l’art. 17 al. 2 LEI, qu’elle remplira les conditions d’une admission en Suisse après son union ». A contrario, lorsqu’il apparaît d’emblée que la personne étrangère ne pourra pas être admise à séjourner en Suisse une fois mariée, l’autorité peut renoncer à lui délivrer un tel titre de séjour. Il convient toutefois de réserver les situations où la tolérance du séjour en vue de la célébration du mariage doit être envisagée afin de garantir la substance du droit au mariage, et ce même si les époux ne pourraient rester en Suisse. Cela peut notamment être le cas lorsqu’il est impossible ou disproportionné de se marier à l’étranger.

3.3 Autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage pour un couple de personnes étrangères sans titre de séjour indépendamment du droit de demeurer en Suisse par la suite (consid. 5.5 -5.8)

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral se prononce pour la première fois sur la situation de deux personnes étrangères, sans titre de séjour, qui souhaitent se marier en Suisse. Dans cette situation, notre Haute-Cour relève que la problématique des mariages fictifs de l’art. 98 al. 4 ne se pose pas car aucun des fiancés ne dispose de titre de séjour en Suisse. Ainsi, dans ce cas, une limitation du droit au mariage de l’art. 12 CEDH ne peut se justifier par la volonté de prévenir les mariages de complaisance au sens de l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni4.

En sus, notre Haute-Cour ajoute que l’exigence pour la personne étrangère de remplir les conditions d’admission en Suisse après le mariage exclut de manière générale et quasi schématique tout mariage entre deux fiancés en situation de séjour irrégulier ; une telle exigence n’est, alors, dans cette situation, pas conforme à la jurisprudence de la CourEDH de l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni5. Ainsi, un refus général d’octroyer des autorisations de courte durée à deux personnes en séjour irrégulier, qui souhaitent se marier en Suisse, porte atteinte à la substance du droit au mariage, car cela mène à un refus par l’officier d’état civil de la célébration du mariage.

Le refus de délivrer des autorisations de courte durée en vue de la célébration du mariage aux recourants porte atteinte à la substance de ce droit. La situation relève donc des circonstances exceptionnelles donnant droit à un tel titre de séjour, indépendamment du point de savoir si les futurs époux pourraient demeurer en Suisse par la suite. Le recours est dès lors admis concernant la délivrance d’autorisation de séjour de courte durée en vue de la célébration du mariage.

III. Analyse

A. Affaire O’Donogue et pratique du Tribunal fédéral

L’affaire devant la CourEDH O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni, du 14 décembre 2010 a apporté d’importantes précisions sur la portée de la protection du droit au mariage de l’art. 12 CEDH6. En effet, le raisonnement de la CourEDH, selon lequel une interdiction systématique du mariage fondée uniquement sur l’illégalité du séjour et sans enquête sur l’authenticité des mariages porte atteinte à la substance même de l’art. 12 CEDH7, a été repris par le Tribunal fédéral afin de se prononcer sur la compatibilité de l’art. 98 al. 4 CC avec les art. 14 Cst. et 12 CEDH8. Notre Haute-Cour avait alors déterminé, dans l’ATF 137 I 351, que pour une application conforme de l’art. 98 al. 4 CC9 aux art. 14 Cst. et 12 CEDH, les autorités de police des étrangers étaient tenues de délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage « lorsqu’il n’y a pas d’indice que l’étranger entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial, et qu’il apparaît clairement que l’intéressé remplira les conditions d’une admission en Suisse après son union10 ». Ce raisonnement et cet arrêt ont, par ailleurs, été repris à de nombreuses reprises par la Jurisprudence11.

En outre, indépendamment de la question de savoir si les futurs époux pourront demeurer en Suisse après leur mariage, un droit à une autorisation de séjour en vue de la célébration du mariage peut aussi exister afin de garantir la substance du droit au mariage lorsque, notamment, il serait impossible ou disproportionné d’exiger des fiancés qu’ils se marient à l’étranger12. Toutefois, il suffit, selon la pratique du Tribunal fédéral, que les fiancés disposent de la possibilité de se marier dans un autre Etat pour dispenser, dans le respect des art. 14 Cst. et 12 CEDH, aux autorités suisses de l’obligation de leur accorder cette autorisation13.

Le TF a reconnu, dans l’arrêt 2C_962/2013 du 13 février 2015, qu’en raison des risques de persécutions en Turquie d’un ressortissant turc, admis provisoirement en Suisse, et donc de l’impossibilité d’y retourner pour se marier avec sa fiancée, ressortissante turque, il ne pouvait lui être exigé de retourner en Turquie pour célébrer le mariage. En outre, se marier dans un Etat tiers présenterait, en l’espèce, trop de complications. Le TF a alors admis, dans cette situation, qu’il ne pouvait être exigé des recourants qu’ils se marient dans un Etat autre que la Suisse14.

B. Apport jurisprudentiel : autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage pour un couple de personnes étrangères sans titre de séjour indépendamment du droit de demeurer en Suisse par la suite

Comme le Tribunal fédéral l’a précisé, il s’agissait de la première fois où il se prononçait sur la situation de deux personnes étrangères sans titre de séjour qui désiraient se marier en Suisse. Les différents cas traités précédemment par notre Haute-Cour concernaient des situations où une personne étrangère souhaitait se marier avec une personne disposant d’un titre de séjour en Suisse. C’est dans une telle situation que peut se poser la question de l’existence d’un mariage fictif, car en se mariant avec une personne disposant d’un titre de séjour durable en Suisse, une personne pourrait obtenir une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. A contrario, lorsque deux personnes sans titre de séjour en Suisse se marient – comme c’est le cas dans l’arrêt commenté – , l’existence potentielle d’un mariage de complaisance n’a pas à être analysée car aucune des deux personnes ne pourrait obtenir un titre de séjour en Suisse15.

Dans l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni, la CourEDH a affirmé qu’en matière de droit des étrangers, une limitation matérielle au droit de se marier doit reposer sur des considérations d’intérêt public généralement reconnues. En droit des étrangers, la CourEDH reconnait, notamment, la possibilité pour les Etats, à certaines conditions, d’empêcher les mariages de complaisance16. Dans tous les cas, les limitations du droit au mariage ne doivent pas le réduire d’une manière à l’atteindre dans sa substance même17. En outre, une ingérence au droit au mariage de l’art. 12 CEDH ne doit pas être arbitraire ou disproportionnée18. Au niveau national, les restrictions au droit au mariage doivent respecter les conditions habituelles de l’art. 36 Cst. ; base légale, intérêt public, proportionnalité et respect du noyau intangible19.

En l’espèce, au vu des développements ci-dessus et comme le relèvent les Juges de Mon-Repos, dans la situation de deux personnes étrangères sans titre de séjour qui désiraient se marier en Suisse, il ne peut être invoqué que la limitation au droit au mariage de l’art. 12 CEDH est admissible dans le but de lutte contre les mariages de complaisance de l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni20.

Finalement, il convient de relever que la jurisprudence de la CourEDH dans l’affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni conclut qu’une restriction générale, automatique et indifférenciée à un droit de la CEDH n’est pas admissible21. Ainsi, une interdiction générale de mariage dirigée à l’encontre d’une catégorie de personnes déterminée est contraire à l’art. 12 CEDH22, c’est notamment le cas des personnes sans titre de séjour23. Or, et comme l’affirme le Tribunal fédéral, la nécessité pour les personnes étrangères sans titre de séjour de remplir les conditions d’admission en Suisse après le mariage a pour effet d’interdire, de manière générale et quasi schématique, de mariage deux personnes en situation de séjour irrégulier, car ceux-ci n’obtiendront, en principe, pas de titres de séjour à la suite du mariage. Notre Haute-Cour affirme alors, que dans la situation particulière dans laquelle deux personnes en séjour irrégulier en Suisse souhaiteraient s’y marier, l’exigence de pouvoir demeurer en Suisse après le mariage s’avère contraire à la jurisprudence O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni de la CourEDH24. Ainsi, un refus général d’octroyer des autorisations de courte durée en vue du mariage à deux personnes séjournant illégalement en Suisse, souhaitant s’y marier, porte atteinte à la substance même du droit au mariage, car cela empêche l’officier d’état civil de célébrer ce mariage, leur interdisant dès lors le mariage en Suisse25.

C. Conclusion

Cet arrêt apporte donc une nouvelle précision quant à l’interprétation des art. 14 Cst. et 12 CEDH qui permettent d’accorder, dans certaines circonstances, le droit à une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage à un couple de personnes étrangères sans titre de séjour, indépendamment de leur droit d’y demeurer par la suite. En effet, il était, avant cela, uniquement précisé que si la personne étrangère sans titre de séjour voulant se marier ne pouvait vraisemblablement pas être admise en Suisse à la suite du mariage, elle ne pourrait obtenir une autorisation de séjour en vue du mariage que dans des circonstances exceptionnelles lorsque le refus d’une telle autorisation porterait atteinte à la substance du droit au mariage. Comme le Tribunal fédéral n’avait pas encore eu l’occasion de traiter la situation des couples de deux personnes étrangères sans titre de séjour, il n’avait pas encore pu apporter les précisions nécessaires dans une telle situation. Désormais, les Juges de Mon‑Repos ont conclu au fait que, sans autre motif justifiant une telle limitation, cela porterait atteinte à la substance du droit au mariage des art. 14 Cst. et 12 CEDH de refuser systématiquement l’autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage aux couples de personnes étrangères sans titre de séjour. Le Tribunal fédéral a alors admis, à notre sens, un certain droit à une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage pour les couples de personnes étrangères sans titre de séjour, indépendamment du droit de demeurer en Suisse.


Notes
  1. Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI) ; RS 142.20.
  2. Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant ; RS 0.107.
  3. RO 2010 3057.
  4. Affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 83.
  5. Idem. § 89.
  6. Cesla Amarelle, Dieyla Sow, Minh Son Nguyen, Chronique de jurisprudence relative au droit des migrations - (1er juillet 2010 au 31 décembre 2010), NPJA 2011 p. 686, p. 687.
  7. Roswitha Petry, La situation juridique des migrants sans statut légal : Entre droit international des droits de l’homme et droit suisse des migrations, Zurich 2013, p. 177 ; affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 89.
  8. Roswitha Petry, La situation juridique des migrants sans statut légal : Entre droit international des droits de l’homme et droit suisse des migrations, Zurich 2013, p. 177 - 180.
  9. Qui exige, comme expliqué, ci-dessus, des fiancés qui ne sont pas citoyens suisses qu’ils établissent la légalité de leur séjour en Suisse sans quoi l’officier d’état civil doit refuser la célébration du mariage.
  10. ATF 137 I 351, consid. 3.7. ; Roswitha Petry, La situation juridique des migrants sans statut légal : Entre droit international des droits de l’homme et droit suisse des migrations, Zurich 2013, p. 177 – 180 ; Cesla Amarelle, Partie B Jurisprudence / La jurisprudence du Tribunal fédéral en droit des étrangers et de la nationalité, Annuaire du droit de la migration 2011/2012 p. 177, p. 185.
  11. Voir par exemple ATF 138 I 41, consid. 4. ; 139 I 37, consid. 3.5.2. ; arrêt du TF 2C_950/2014 du 9 juillet 2014, consid. 4. ; 2C_117/2019 du 7 juin 2019, consid. 3. ; 2C_154/2020 du 7 avril 2020, consid. 3. ; 2C_178/2024 du 31 mai 2024, consid. 4.1.
  12. Consid. 5.4. de l’arrêt commenté ; arrêt du TF 2C_780/2012 du 2 février 2022, consid. 5. ; 2C_154/2020 du 7 avril 2020, consid. 3.10 ; 2C_107/2018 du 19 septembre 2018, consid. 4.9.
  13. Arrêt du TF 2C_950/2014 du 9 juillet 2015, consid. 6.4.4.
  14. Arrêt du TF 2C_962/2013 du 13 février 2015, consid. 3.
  15. Consid. 5.5.2. de l’arrêt commenté.
  16. Affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 83 ; Jaremowicz c. Pologne du 5 janvier 2010 § 49.
  17. Affaire Nurcan Bayraktar c. Türkiye du 27 juin 2023 § 68 ; Chernetskiy c. Ukraine du 8 décembre 2016 § 28 ; O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 82.
  18. Affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 84 ; Frasik c. Pologne du 5 janvier 2010 § 90.
  19. Marie-Laure Papaux van Delden, Le droit au mariage et à la famille / Analyse critique des restrictions (Deuxième partie), FamPra.ch 2011 p. 589, p. 590 – 594.
  20. Consid. 5.5.2. de l’arrêt commenté.
  21. Affaire O’Donoghue et autres c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010 § 89.
  22. Tania Neves, Pas de papiers, pas de mariage : l’art. 98 al. 4 CC un an après, PJA 2012 p. 781, p. 786.
  23. ATF 137 I 351 consid. 3.5.
  24. Consid. 5.5.3. de l’arrêt commenté.
  25. Consid. 5.5.4. de l’arrêt commenté.
Proposition de citation
Yanis Firouzi, Autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage pour un couple de personnes sans titre de séjour ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_480/2024, Newsletter DroitMatrimonial.ch été 2025
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