TF 5A_90/2021 (d) du 1 février 2022

Couple divorcé; entretien, procédure; art. 276 al. 1, 277 al. 2, 285 al. 1 CC; 10 al. 1, 26, 88, 295 et 296 al. 1 et 3 CPC; 30 al. 2 Cst.

Entretien de l’enfant majeur·e (art. 276 al. 1, 277 al. 2, 285 al. 1 CC) – rappels des principes. L’entretien au-delà de la majorité de l’enfant vise à l’accomplissement d’une formation professionnelle, soit une formation qui permet à l’enfant, compte tenu de ses goûts et aptitudes, de subvenir à ses besoins et d’acquérir une indépendance économique. L’entretien n’est dû que si l’enfant majeur·e se trouve encore en formation et que celle-ci a un caractère professionnel. Une deuxième formation, une formation continue ou complémentaire n’entrent en principe pas en ligne de compte, même si elles peuvent être considérées comme utiles. Il faut réserver le cas où il s’agit de la première formation professionnelle effective, même si elle a débuté après que l’enfant a déjà exercé une activité lucrative. La formation doit correspondre, du moins dans les grandes lignes, à un projet de vie déjà établi avant la majorité (consid. 2.2). L’entretien dû à l’enfant majeur·e est soumis à une condition résolutoire qui se réalise en principe à la fin de la formation (ou, comme en l’espèce, si une première formation est effectivement suivie) (consid. 2.3).

Idem – constatation de l’extinction de l’entretien (art. 88 CPC) vs modification de l’entretien. La partie débitrice peut faire constater l’extinction de son obligation d’entretien, en amenant la preuve que la condition n’est pas ou plus remplie. Dans ce cas, une modification de la décision qui a statué sur l’entretien n’est pas requise, compte tenu de la condition résolutoire. Il en va autrement uniquement lorsque la partie débitrice de l’entretien invoque d’autres circonstances qui se sont produites après la décision d’entretien, pour soutenir que les conditions de l’art. 277 al. 2 CC ne sont pas ou plus remplies, par exemple une péjoration de sa capacité contributive ou l’amélioration de la capacité de l’enfant créancier·ère de l’entretien à subvenir à ses besoins (consid. 2.4).

En l’espèce, le père débiteur de l’entretien a uniquement invoqué le fait que sa fille ne suivait pas (ou plus) sa première formation, si bien qu’il a introduit une action en constatation au sens de l’art. 88 CPC et que la compétence ratione loci doit être examinée sous cet angle (consid. 2.5).

For de l’art. 26 CPC. Rappel des principes relatifs à l’interprétation de la loi (consid. 3.1.1). Exposé des règles et principes généraux en matière de for (art. 30 al. 2 Cst. ; art. 10 al. 1 CPC) et justification des exceptions (consid. 3.1.2). L’autorité législative a tenu compte des intérêts de l’enfant en prévoyant, d’une part, l’application de la procédure simplifiée aux actions indépendantes (art. 295 CPC) et d’autre part, l’application de la maxime inquisitoire illimitée et de la maxime d’office (art. 296 al. 1 et 3 CPC), qui ont notamment une fonction protectrice (consid. 3.1.3). Le for alternatif et impératif de l’art. 26 CPC vise uniquement à protéger l’enfant, en tant que partie faible. Partant, l’art. 26 CPC n’est ouvert qu’à l’enfant lorsque ce dernier ou cette dernière est la partie demanderesse. Lorsque l’action est introduite par le père ou la mère, il ou elle ne peut pas s’en prévaloir. La majorité de la doctrine parvient à la même conclusion (consid. 3.1.4).

For de l’action en constatation. La loi ne prévoit pas de for particulier pour l’action en constatation. Passage en revue des avis doctrinaux en la matière. Rappel du « principe de l’image miroir » (« Spiegelbildprinzip ») dégagé par la jurisprudence et une partie de la doctrine pour l’action en constatation négative (dans le contexte de situations internationales), qui doit toutefois souffrir d’une exception lorsque l’autorité législative a tenu compte du besoin de protection particulier d’une partie (consid. 3.1.5). En résumé, le père ou la mère qui veut faire constater qu’il n’a plus d’obligation d’entretien envers son enfant ne peut pas invoquer l’art. 26 CPC. Il ou elle ne peut agir qu’au for ordinaire du domicile de la partie défenderesse de l’art. 10 CPC (consid. 3.1.6).

Protection procédurale de l’enfant majeur·e. Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si l’art. 26 CPC s’applique uniquement aux procédures concernant l’entretien d’un·e enfant mineur·e ou également à celles relatives à l’entretien d’un·e enfant majeur·e. Toutefois, dans son Message du 26 février 2020 relatif à la modification du CPC (FF 2020 2607), le Conseil fédéral estime que la procédure simplifiée (art. 295 CPC) devrait s’appliquer à toutes les procédures relatives aux enfants et expressément à l’action en entretien des enfants, indépendamment de leur majorité. De même, il estime que la maxime inquisitoire et la maxime d’office devraient s’appliquer indépendamment de la majorité de l’enfant. Ainsi, le Conseil fédéral, suivi par le Conseil des Etats, exprime clairement que l’enfant majeur·e requiert la même protection que l’enfant mineur·e dans la procédure qui l’oppose à ses père et mère (consid. 3.2).

Couple non marié

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Entretien

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Procédure

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