TF 7B_471/2023 - ATF 150 I 50 (f) du 3 janvier 2024

Couple non marié; couple; art. 8 CEDH; 10 al. 2, 13 et 36 Cst.; 84 CP; 82 al. 1 et 5 RSPC/VD; ch. 1.2 Directive interne du SPEN; règle 24 Recommandation Rec. (2006) 2 sur les règles pénitentiaires européennes

Le droit des détenu·es aux visites intimes – sur la base du droit constitutionnel (art. 10 al. 2, 13 et 36 Cst.). Rappel de principes. La garantie de la liberté personnelle et le droit au respect de la vie privée et familiale permettent aux personnes détenues d’entretenir des contacts avec les membres de leur famille, dans les limites découlant de la mesure de contrainte qui leur est imposée. Les restrictions s’appuient sur l’art. 36 Cst. et ses principes. Les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n’offrent pas de protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale (consid. 3.2.1).

Idem – sur la base du droit international (art. 8 CEDH et règle 24 Rec. (2006) 2 sur les règles pénitentiaires européennes). Rappel de jurisprudence, en particulier au sujet du devoir d’aider les détenu·es à maintenir un contact avec leurs familles proches. La notion de « famille » au sens de l’art. 8 CEDH est plus large que le lien marital ; elle s’appuie sur une cohabitation ou une certaine constance. L’existence d’une vie familiale est d’abord une question de fait dépendant de l’existence de liens personnels étroits (consid. 3.2.2). La CourEDH n’impose pas aux Etats contractants de prévoir des visites conjugales ou intimes, ceux-ci étant donc libres de les aménager ou non (consid. 3.2.8 et 3.2.2). Si de telles visites sont organisées, elles devraient être limitées aux proches des détenu·es (consid. 3.2.2).

Selon la règle 24 de la Recommandation Rec. (2006) 2 sur les règles pénitentiaires européennes, entre autres, les modalités des visites doivent permettre aux détenu·es de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible. Cette règle 24 n’a valeur que de simple directive, mais le Tribunal fédéral en tient compte dans la concrétisation des libertés fondamentales (consid. 3.2.3).

Idem – sur la base du droit fédéral (art. 84 CP). Rappel de principes et précisions. L’art. 84 CP n’offre pas une protection plus étendue que le droit conventionnel et le droit constitutionnel. Selon la jurisprudence, les détenu·es n’ont pas un droit à entretenir des contacts réguliers et convenables avec d’autres personnes que leurs proches, notion dans laquelle entrent non seulement les conjoint·es, mais également les concubin·es. Bien que la notion de « proches » ne doive pas être interprétée trop restrictivement, le Tribunal fédéral l’a pour l’instant limitée. Une limitation appropriée peut intervenir dans l’intérêt du bon fonctionnement de la prison. Le Tribunal fédéral se penche pour la première fois sur le droit aux visites intimes. Comme le cercle de personnes pouvant prétendre à des visites « ordinaires » est restreint, il en est de même en ce qui concerne les visites intimes, qui, par essence sont moins fréquentes, plus difficiles à organiser et ne peuvent pas être surveillées. Selon la doctrine, de telles rencontres ne sauraient s’étendre à des personnes telles que les travailleurs ou travailleuses du sexe, puisqu’elles visent à entretenir des relations solides et durables (consid. 3.2.5).

Idem – sur la base du droit cantonal vaudois (art. 82 RSPC/VD). Les cantons sont compétents pour régir le droit de visite des détenu·es et définir quelles sont les personnes qui entrent dans la notion de « proche ». Rappel de la notion jurisprudentielle de « concubinage ». Le Tribunal fédéral précise que le terme « couple » utilisé dans l’art. 82 al. 1 RSPC/VD vise à englober des personnes pouvant se prévaloir d’un lien affectif suffisamment étroit avec la personne détenue, indépendamment du fait qu’elles vivent sous le même toit. Selon l’art. 82 al. 5 RSPC/VD et le ch. 1.2 de la directive interne du SPEN, la relation de couple donnant droit à des visites intimes doit être antérieure à l’incarcération ou avoir duré au moins six mois au moment du dépôt de la demande, afin de s’assurer que la relation sentimentale est non seulement durable, mais a suffisamment de constance. D’après le Tribunal fédéral, ces exigences du droit cantonal vaudois sont conformes au droit supérieur, respectivement à la notion de « proche » telle que les dispositions conventionnelles, constitutionnelles et fédérales la définissent (consid. 3.2.8 et 3.2.9).

Couple non marié

Couple non marié

Couple

Couple

Publication prévue

Publication prévue

Analyse

Analyse

Analyse de l'arrêt TF 7B_471/2023 - ATF 150 I 50 (f)

Camille Montavon

28 mars 2024

Visites intimes en détention : un droit réservé aux personnes détenues pouvant justifier de relations stables et durables