Newsletter

Droit matrimonial - Newsletter été 2018

Editée par Bohnet F., Burgat S., Guillod O., Saint-Phor J., Saul M.


Jugement partiel sur le principe du divorce

TF 5A_623/2017 - ATF 144 III 298 (d) du 14 mai 2018

Divorce; procédure; art. 12 CEDH; 14 Cst.; 283 CPC

Principe de l’unité du jugement de divorce (art. 283 CPC). L’art. 283 al. 1 CPC prévoit que le tribunal règle également les effets du divorce dans la décision sur le divorce. Pour de justes motifs, les époux peuvent être renvoyés à faire trancher la liquidation de leur régime matrimonial dans une procédure séparée (art. 283 al. 2 CPC). Le partage de prétentions de prévoyance professionnelle peut également être renvoyé à une procédure séparée si des prétentions de prévoyance à l’étranger sont concernées et si une décision relative au partage de celles-ci peut être obtenue dans l’État en question (art. 283 al. 3 CPC) (consid. 5.1).

Interprétation de l’art. 283 CPC par la jurisprudence. Analyse de la genèse de l’art. 283 CPC et de l’évolution à travers le temps de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur le principe de l’unité du jugement de divorce (consid. 5.2 et 5.3 ; 6 à 6.3.3).

Décision partielle sur le principe du divorce et pesée des intérêts. Sur la base de son analyse, le Tribunal fédéral retient que le principe de l’unité du jugement de divorce de l’art. 283 CPC ne s’oppose pas à une décision partielle sur le principe du divorce. Lorsque l’une des parties, in casu l’intimée, ne s’oppose pas au divorce, mais à la décision partielle sur le principe du divorce, il faut effectuer une pesée entre les intérêts des parties (consid. 6.4 et 7).

Intérêts de l’intimée. Le devoir de renseigner de l’art. 170 CC vaut, comme effet du mariage, au-delà de l’éventuelle entrée en force du divorce jusqu’à la fin de la procédure relative aux effets accessoires. En outre, le tribunal peut également ordonner des mesures provisionnelles après la dissolution du mariage, tant que la procédure relative aux effets accessoires du divorce n’est pas close (art. 276 al. 3 CPC). Le risque de voir diminuer la motivation à mener à bien la procédure relative aux effets accessoires de l’époux qui souhaite divorcer et se remarier, une fois qu’il a obtenu la décision partielle sur le principe du divorce, doit être traité au moyen d’une conduite du procès appropriée (art. 124 CPC). La liquidation du régime matrimonial (art. 120 al. 1 CC), réservée expressément par la loi (art. 283 al. 2 CPC), est indépendante du moment où le divorce est prononcé. Les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux (art. 122 al. 1 CC). Une décision partielle sur le principe du divorce selon l’art. 114 CC n’a pas d’impact sur l’entretien après le divorce (art. 125 CC). Finalement, l’intimée ne parvient pas à démontrer qu’il y aurait un intérêt à régler simultanément le principe du divorce et les droits et devoirs des parents par rapport aux enfants (art. 133 al. 1 CC). L’autorité parentale est en principe conjointe et indépendante de l’état civil des parents (art. 296 al. 2 CC) et seul le bien de l’enfant peut commander de déroger à ce principe (art. 298 al. 1 CC) (consid. 7.1.1 à 7.1.3).

Intérêts du recourant et droit au remariage (art. 12 CEDH ; art. 14 Cst.). Le recourant demande une décision partielle sur le principe du divorce, car il souhaite se remarier. Selon la doctrine, le droit fondamental au mariage (art. 14 Cst. et 12 CEDH), qui comprend le droit au remariage, plaide en faveur d’une décision séparée sur le principe du divorce quand les faits sont clairs et que le litige sur les effets accessoires se prolonge fortement dans le temps. Cette opinion doit être suivie, car la procédure civile doit contribuer à la mise en œuvre du droit matériel et être interprétée de manière conforme au droit constitutionnel. Il n’est pas certain qu’une application stricte du principe de l’unité du jugement de divorce soit conforme à la CEDH (consid. 7.2.1).

Résultat de la pesée des intérêts. En l’espèce, le motif de divorce de l’art. 114 CC est donné et la procédure va sans doute se prolonger longtemps, si bien que le recourant sera certainement âgé de plus de 70 ans. Ainsi, son intérêt à obtenir une décision partielle sur le principe du divorce l’emporte sur l’intérêt contraire de l’intimée (consid. 7.2.2 à 7.3).

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Divorce Procédure Publication prévue

Commentaire de l'arrêt TF 5A_623/2017 - ATF 144 III 298 (d)

François Bohnet

Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel

Droit à un jugement partiel sur le principe du divorce

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Mariage

Mariage

TF 5A_121/2018 (f) du 23 mai 2018

Mariage; étranger; protection de l’enfant (déplacement illicite); DIP; enlèvement international; art. 13, 15 CLaH80

Résidence habituelle. A défaut de résidence habituelle de l’enfant dans un Etat immédiatement avant l’atteinte au droit de garde, la CLaH80 ne peut pas être appliquée. La notion de résidence habituelle, non définie dans la CLaH80, doit être déterminée de manière autonome et uniforme dans le cadre des Conventions de La Haye ; elle est basée sur une situation de pur fait : le centre effectif de la vie, les attaches et d’autres facteurs montrant que la présence n’a pas un caractère temporaire ou occasionnel, en bref une certaine intégration dans un environnement social et familial. Sont notamment déterminants la durée du séjour, les connaissances linguistiques, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire et la nationalité de l’enfant. En revanche, l’intention de demeurer dans un endroit, élément subjectif, n’est pas déterminant (consid. 3.1).

Exceptions au retour (art. 13 CLaH80). En principe, lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l’autorité saisie est tenue d’ordonner le retour immédiat du mineur (art. 1 let. a, 3 et 12 al. 1 CLaH90), à moins que l’une des exceptions prévues à l’art. 13 al. 1 CLaH80 ne soit réalisée. Ces exceptions au retour doivent être interprétées de manière restrictive, le parent ravisseur ne devant tirer aucun avantage de son comportement illégal (consid. 5.1).

La première exception s’applique lorsque le parent (ravisseur) qui s’oppose au retour établit que l’autre parent, qui avait le soin de l’enfant, n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement, ou avait consenti ou acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour (art. 13 al. 1 let. a CLaH80). La seconde exception s’applique lorsqu’il existe un risque grave que le retour expose l’enfant à un danger physique ou psychique ou, de toute autre manière, le place dans une situation intolérable (art. 13 al. 1 let. b CLaH80). Seuls les risques graves doivent être pris en considération, à l’exclusion de motifs liés aux capacités éducatives des parents, dès lors que la CLaH80 n’a pas pour but de statuer au fond sur le sort de l’enfant. A ce propos, l’art. 5 LF-EEA (loi d’application) énumère une série non exhaustive de cas dans lesquels le retour de l’enfant le placerait dans une situation intolérable, notamment lorsque le retour n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant, lorsque le parent ravisseur n’est pas en mesure de prendre soin de l’enfant dans l’Etat de résidence habituelle ou que, exceptionnellement, on ne peut manifestement pas l’exiger de lui. Le critère du retour intolérable concerne l’enfant et pas les parents, ce qui peut parfois entraîner une séparation entre l’enfant et sa personne de référence. Il en va autrement pour les nourrissons et les jeunes enfants (au moins jusqu’à l’âge de deux ans) : la séparation d’avec la mère constitue dans tous les cas une situation intolérable. En outre, lorsque le parent ravisseur crée lui-même une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, il ne peut invoquer la mise en danger à titre d’exception au retour (consid. 5.3). En l’espèce, le retour de l’enfant a été jugé raisonnablement exigible.

Attestation constatant le caractère illicite du déplacement (art. 15 CLaH80). La réquisition de produire une attestation des autorités de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant, constatant que le déplacement ou le non-retour est illicite au sens de l’art. 3 CLaH80 est une norme potestative et ne constitue pas une démarche préalable indispensable au prononcé du retour de l’enfant. Cette possibilité a simplement pour but d’aider l’autorité saisie lorsque le caractère illicite selon le droit de l’Etat de résidence habituelle de l’enfant n’est pas certain (consid. 6.2).

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TF 5A_1003/2017 (d) du 20 juin 2018

Mariage; autorité parentale; protection de l’enfant; art. 310 al. 1, 314b al. 1 CC

Protection de l’enfant – placement dans une institution fermée ou un établissement psychiatrique (art. 310 al. 1, 314b al. 1 et 426 ss CC). Lorsqu’un mineur est placé dans une institution fermée ou un établissement psychiatrique, les dispositions de la protection de l’adulte sur le placement à des fins d’assistance sont applicables par analogie (art. 314b al. 1 CC). Alors que la procédure est déterminée par les art. 426 ss CC, il faut tenir compte de la particularité de la protection de l’enfant quant aux motifs du placement. Ainsi, le placement dans une institution appropriée se justifie non seulement en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un grave état d’abandon, mais aussi quand une éducation surveillée est nécessaire, et que celle-ci ne peut pas être mise en œuvre autrement. Les conditions matérielles sont prévues à l’art. 310 al. 1 CC, même quand la décision concerne uniquement le placement et pas le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence (consid. 3.1).

Protection de l’enfant. Savoir si une mesure protectrice de l’enfant est nécessaire relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité ou du juge qui doit examiner si le bien de l’enfant est compromis et si la menace peut être écartée ou, du moins, fortement diminuée au moyen d’une éducation surveillée. Le Tribunal fédéral fait preuve de retenue lors de l’examen de telles décisions. Le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence et le placement d’un enfant dans un foyer constituent une atteinte importante au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 13 Cst., art. 8 CEDH, art. 17 Pacte ONU II) et à la liberté personnelle (art. 31 Cst., art. 5 CEDH, art. 9 Pacte ONU II), tant du point de vue de l’enfant que du parent concerné. Le principe de proportionnalité doit être respecté. Le placement doit cesser dès qu’il n’apparaît plus nécessaire, car le danger peut être écarté au moyen d’une mesure moins incisive (consid. 3.2 et 3.3).

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Mesures protectrices

Mesures protectrices

TF 5A_971/2017 (d) du 14 juin 2018

Mesures protectrices; domicile conjugal; art. 176 al. 1 ch. 2 CC

Attribution du logement conjugal (art. 176 al. 1 ch. 2 CC). L’attribution provisoire du logement à l’un des époux relève du pouvoir d’appréciation du juge, qui doit effectuer une pesée des intérêts, en principe indépendamment de la question de savoir qui est propriétaire ou locataire. Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer clairement à quel époux le logement actuel est le plus utile, il faut déterminer à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager. Lorsque les époux n’ont pas d’enfants à charge, les motifs d’ordre professionnel ou en lien avec l’état de santé ont la priorité, par exemple le fait qu’un époux exerce son activité professionnelle depuis le domicile conjugal, qu’il y exploite un commerce ou que le domicile est aménagé en fonction des besoins particuliers d’un membre de la famille infirme ou invalide. En deuxième lieu, il faut tenir compte des intérêts affectifs, comme l’étroitesse du lien avec le domicile conjugal, sa valeur d’usage temporairement plus élevée ou la possibilité pour un époux d’en assurer l’entretien personnellement. Lorsque cette pesée d’intérêts ne donne pas de solution claire, il faut prendre en considération le droit de propriété ou d’autres droits d’usage. Une plus grande importance sera accordée à ces derniers critères lorsqu’une longue suspension de la vie commune est prévisible. Ce n’est qu’exceptionnellement que des motifs financiers peuvent être décisifs, par exemple lorsque la nécessité de vendre est inéluctable ou en cas d’insuffisance financière manifeste (consid. 3.1).

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TF 5A_1018/2017 (f) du 14 juin 2018

Mesures protectrices; autorité parentale; art. 301a CC

Changement du lieu de résidence de l’enfant. L’autorité parentale inclut le droit de déterminer le lieu de résidence l’enfant (art. 301a al. 1 CC). En cas d’autorité parentale conjointe, le parent qui a la garde de l’enfant ne peut modifier le lieu de résidence de ce dernier qu’avec l’accord de l’autre parent ou sur décision du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant, lorsque le nouveau lieu de résidence se trouve à l’étranger ou quand le déménagement a des conséquences importantes sur l’exercice de l’autorité parentale par l’autre parent et pour les relations personnelles (art. 301a al. 2 let. a et b CC) (consid. 3).

L’exigence d’une autorisation ne concerne que le changement de lieu de résidence de l’enfant, non celui des parents, et ne prive pas de facto les parents de leur liberté d’établissement (art. 24 Cst.). Le juge doit dès lors se demander si le bien-être de l’enfant sera mieux préservé dans l’hypothèse d’un déménagement ou dans celle où il demeurerait auprès du parent restant sur place (consid. 3.1).

L’autorisation de déménager à l’intérieur du territoire suisse est soumise aux mêmes critères que ceux développés par la jurisprudence en lien avec le déplacement de l’enfant à l’étranger. Le modèle de prise en charge préexistant constitue le point de départ de l’analyse. Il faut ensuite recourir à d’autres critères afin de déterminer quelle solution correspond le plus à l’intérêt de l’enfant. Les circonstances du cas d’espèce sont à cet égard déterminantes, notamment l’âge de l’enfant (consid. 3.2). L’examen de l’adaptation des modalités de la prise en charge ne doit pas être dissocié de la question du déménagement. Ainsi, il convient de clarifier la prise en charge appliquée jusqu’alors, esquisser les contours du déménagement, établir les besoins de l’enfant et la prise en charge, offerte et effectivement possible, par les parents (consid. 3.3).

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TF 5A_726/2017 (d) du 23 mai 2018

Mesures protectrices; garde des enfants; entretien; procédure; art. 29 al. 3 Cst.

Indigence d’un parent détenteur de la garde. Lorsqu’il s’agit de déterminer l’indigence d’un parent détenteur de la garde en lien avec sa requête d’assistance judiciaire, seuls ses propres revenus doivent être pris en compte, sous réserve de quelques cas exceptionnels. Ainsi, il ne faut pas tenir compte des contributions d’entretien des enfants, même si elles dépassent leurs besoins élargis. Des exceptions sont toutefois possibles, lorsque les contributions d’entretien des enfants sont de loin plus élevées que d’habitude. En outre, dans le calcul du minimum vital, il ne faut pas ajouter les allocations pour enfant. (consid. 4.4.2).

Prise en compte de la contribution de prise en charge. D’un point de vue juridique, la contribution de prise en charge constitue un droit de l’enfant, mais, économiquement, elle doit revenir au parent qui a la charge de l’enfant. Ainsi, il faut ajouter aux revenus de la recourante la contribution de prise en charge prévue pour l’un de ses enfants (consid. 4.4.3).

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TF 5A_1033/2017 (d) du 21 juin 2018

Mesures protectrices; garde des enfants; procédure; art. 176 al. 3 CC

Notion de garde de fait. La garde de fait recouvre la prise en charge quotidienne de l’enfant ainsi que ses soins et son éducation courante (consid. 4).

Renouvellement d’une expertise. En présence d’enfants, les circonstances peuvent rapidement changer, de sorte qu’une expertise qui date de deux ans déjà peut être dépassée (consid. 4.3).

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TF 5A_848/2017 et 5A_849/2017 (f) du 15 mai 2018

Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 163, 176, 276, 285 CC

Calcul de la contribution à l’entretien des enfants due par le père. En l’espèce, le père des enfants supporte l’intégralité de la charge financière des enfants, dans la mesure où il assume 40% de leur coût durant les 40% du temps où il assume leur garde effective ainsi que 60% de ce même coût qu’il reverse à l’intimée sous forme de contributions dues à l’entretien des enfants. Dans la mesure où il assume seul son propre entretien, dont la totalité de sa charge de loyer, et que la moitié de ladite charge a été intégrée aux besoins effectifs des enfants qu’il couvre intégralement, une partie de sa charge de loyer a été comptabilisée à double. Le calcul corrigé conduit à des contributions d’entretien inférieures de 807 francs à celles arrêtées par la cour cantonale, ce qui conduit à un résultat arbitraire qui doit être réformé (consid. 4.3).

Rappel des principes concernant l’obligation d’entretien des époux en mesures protectrices de l’union conjugale. En cas de suspension de la vie commune (art. 175 s. CC), le juge doit prendre en considération que le but de l’art. 163 CC (l’entretien convenable de la famille) impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu’engendre la vie séparée. Il se peut donc que le juge doive modifier la convention conclue pour la vie commune, afin de l’adapter à ces faits nouveaux (consid. 5.3). Les conjoints répondent l’un envers l’autre des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage a pu avoir sur leur capacité de gain. Il n’était donc pas arbitraire de ne pas imputer de revenu hypothétique à l’épouse, qui a cessé d’exercer une activité professionnelle à la naissance des enfants, l’a reprise partiellement durant une année avant de l’interrompre à nouveau pour suivre son mari à Singapour. Cette répartition des tâches a été décidée d’un commun accord entre les époux durant la vie commune (consid. 5.4).

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TF 5A_454/2017 - ATF 144 III 377 (f) du 17 mai 2018

Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 173 al. 3, 176, 276 al. 2, 285 al. 2 CC

Point de départ des contributions d’entretien (art. 173 al. 3 CC). Lorsque les conclusions ne précisent pas la date à partir de laquelle les contributions d’entretien sont réclamées, il n’est pas arbitraire de retenir comme dies a quo le jour du dépôt de la requête (consid. 4.1).

Revenu hypothétique – rappel de principe et taux de reprise exigible du parent gardien (au regard du nouveau droit de l’entretien de l’enfant). En principe, on ne peut (pouvait ?) exiger d’un époux la (re)prise d’une activité lucrative à un taux de 50% avant que le plus jeune des enfants dont il a la garde ait atteint l’âge de 10 ans révolus, le juge devant lui laisser un délai pour s’organiser à ces fins, et de 100% avant qu’il ait atteint l’âge de 16 ans révolus. Il ne s’agit pas de règles strictes et leur application dépend des circonstances du cas concret ou des capacités financières du couple, le juge ayant un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC). Une activité lucrative apparaît exigible si elle a déjà été exercée durant la vie conjugale, si l’enfant est gardé par un tiers, de sorte que le détenteur de l’autorité parentale ou de la garde n’est pas empêché de travailler pour cette raison, ou encore si la situation financière des époux est serrée (consid. 6.1.1, 6.1.2 et 6.1.2.1).

Dans son Message (FF 2014 511 ss), le Conseil fédéral a précisé qu’il ne s’agit pas de privilégier une prise en charge par les parents par rapport à une prise en charge par des tiers, mais de faire en sorte que la première option puisse être retenue si elle est dans l’intérêt de l’enfant, indépendamment du statut des parents. Il a également préconisé un réexamen de la jurisprudence actuelle. La doctrine souligne que la jurisprudence précitée n’est plus en phase avec les réalités contemporaines et que l’on pourrait à l’avenir progressivement exiger d’un parent qui s’occupe d’enfants en bas âge qu’il travaille à temps partiel, puis à 100% dès que l’enfant le plus jeune a 10 ou 12 ans. Une partie de la doctrine préconise de se référer aux degrés scolaires : dès l’entrée du plus jeune des enfants à l’école primaire (vers 6-7 ans), une activité à un taux de 40-50% serait exigible. Selon les circonstances, un taux de 20-30% serait même envisageable dès l’entrée du plus jeune des enfants à l’école enfantine (vers 4-5 ans). Dès l’accession aux degrés supérieurs (vers 11-12 ans), ce taux pourrait être de 70 à 80% et, enfin, dès que l’enfant le plus jeune a 16 ans, un emploi à plein temps pourrait être exigé. Certains tribunaux cantonaux (notamment Fribourg) adoptent déjà une solution assez proche. D’autres décisions cantonales proposent d’adapter les tranches d’âge selon le droit des poursuites, à savoir qu’aucune activité lucrative n’est exigée du parent jusqu’à ce que le plus jeune des enfants ait atteint l’âge de 6 ans révolus, et que le taux d’activité lucrative exigible est ensuite de 35% à partir de l’âge de 6 ans révolus puis de 55% à partir de l’âge de 12 ans révolus (consid. 6.1.2.2).

Dans le cas d’espèce, on peut raisonnablement exiger de l’épouse (âgée de 31 ans, sans formation, sans emploi mais en recherche active, ayant toutefois travaillé durant la vie commune, mais avant la naissance de l’enfant en 2014, dans le domaine de la sécurité, l’enfant étant placé dans une garderie à raison de quatre après-midis par semaine) qu’elle reprenne une activité lucrative à 30%, soit à raison de 12 heures par semaine dans un domaine ne nécessitant pas de formation particulière, par exemple comme agent d’entretien dans une entreprise de nettoyage, pour un revenu mensuel brut estimé à 1'030 fr. (consid. 6.2, 6.3 et 6.4).

Contribution de prise en charge de l’enfant selon le nouveau droit (art. 276 al. 2 et 285 al. 2 CC). Depuis la réforme en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’entretien convenable de l’enfant englobe le coût lié à sa prise en charge directe, indépendamment du statut de ses parents (dans un but d’égalité de traitement entre parents mariés et parents non mariés), ce qui permet au parent qui s’occupe de l’enfant de prétendre à l’allocation d’une contribution d’entretien pour la prise en charge de l’enfant et, partant, de s’en occuper personnellement lorsque cela correspond à la répartition des tâches durant la vie commune. Aux frais directs générés par l’enfant viennent donc maintenant s’ajouter les coûts indirects de sa prise en charge (prestations en nature et dépenses qu’elles induisent) (consid. 7.1 et 7.1.1).

Après avoir effectué une analyse des différentes méthodes de calcul de la contribution de prise en charge appliquées à ce jour (méthode du coût d’opportunité ; méthode du coût de remplacement également appelée méthode du prix du marché ; méthode des frais de subsistance dite aussi du coût de la vie ; méthode forfaitaire du taux de prise en charge et méthode des pourcentages), tenu compte du Message du Conseil fédéral, de l’application faite par les tribunaux cantonaux et des courants de la doctrine, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion qu’en principe la méthode des frais de subsistance semble correspondre le mieux au but du législateur, à savoir la garantie économique que le parent – marié ou non – qui assure le prise en charge de l’enfant puisse subvenir à ses propres besoins, tout en s’occupant de l’enfant. Cette méthode, qui consiste à retenir comme critère la différence entre le salaire net perçu de l’activité lucrative et le montant total des charges du parent gardien, a pour avantage de couvrir uniquement les coûts indirects induits par le prise en charge (et pas de rémunérer le parent qui s’occupe de l’enfant), de supprimer les inégalités de traitement entre les enfants selon que leurs parents ont été mariés ou non et d’éviter de procéder à des calculs de contrôle de la contribution de prise en charge pour corriger le situation lorsqu’elle n’est pas conforme à l’équité, comme cela est le cas avec l’utilisation de la méthode du taux de prise en charge, dans laquelle il est par ailleurs très difficile en pratique de déterminer le temps dévolu à la prise en charge effective (consid. 7.1.2.1 et 7.1.2.2).

Le juge doit décider de la forme et de l’ampleur de la contribution de prise en charge, selon le bien de l’enfant. Dans l’hypothèse d’une prise en charge externe, les frais qui en découlent sont à considérer comme des coûts directs et leur calcul ne pose pas de problème. En cas de prise en charge par l’un des parents (ou les deux), ce qui l’empêche de travailler – du moins à plein temps –, la contribution de prise en charge doit permettre de garantir sa présence aux côtés de l’enfant. Elle correspond ainsi au montant qui manque à un parent pour couvrir ses propres frais de subsistance, quand bien même les deux parents travailleraient et se partageraient à égalité la prise en charge. Pour calculer les frais de subsistance, le Tribunal fédéral se réfère aux recommandations du Conseil fédéral de se baser sur le minimum vital du droit des poursuites, voire du droit de la famille dès que la situation le permet (consid. 7.1.3 et 7.1.4).

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Commentaire l'arrêt TF 5A_454/2017 - ATF 144 III 377 (f)

Céline de Weck-Immelé

Jérôme Saint-Phor

La contribution de prise en charge : de nouveaux repères ?

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TF 5A_1043/2017 (f) du 31 mai 2018

Mesures protectrices; entretien; revenu hypothétique; art. 163 et 176 al. 1 ch. 1 CC

Entretien – rappel des principes. Même lorsqu’on ne peut plus sérieusement compter sur la reprise de la vie commune, l’art. 163 CC demeure la cause de l’obligation d’entretien réciproque des époux en mesures protectrices de l’union conjugale. Pour fixer la contribution d’entretien, selon l’art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux avaient conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources. Il doit ensuite prendre en considération qu’en cas de suspension de la vie commune (art. 175 s. CC), le but de l’art. 163 CC, soit l’entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux le devoir de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu’engendre la vie séparée (consid. 3.1).

Revenu hypothétique – rappel des principes. Lorsqu’il entend tenir compte d’un revenu hypothétique, le juge doit examiner deux conditions. Il doit d’abord déterminer si l’on peut raisonnablement exiger d’une personne qu’elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé ; il s’agit d’une question de droit. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d’exercer l’activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail ; il s’agit là d’une question de fait. Le juge doit généralement accorder à la personne un délai approprié pour s’adapter à sa nouvelle situation. Selon la jurisprudence, on ne devrait en principe plus exiger d’un époux qui n’a pas exercé d’activité lucrative pendant un mariage de longue durée de se réinsérer dans la vie économique, lorsqu’il est âgé de 45 ans au moment de la séparation (la limite d’âge peut éventuellement être portée à 50 ans). Cependant, cette présomption peut être renversée en fonction d’autres éléments plaidant pour la (re)prise ou l’augmentation d’une activité lucrative (consid. 3.2).

Voir aussi sur les mêmes questions : TF 5A_906/2017 du 14 mai 2018.

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TF 5A_204/2018 (f) du 15 juin 2018

Mesures protectrices; entretien; procédure; art. 163, 176 CC; 58 al. 1 CPC

Principe de disposition pour l’entretien entre conjoints (art. 58 al. 1 CPC). Aux termes de l’art. 58 al. 1 CPC, le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse. La contribution d’entretien due par un conjoint à l’autre en mesures protectrices doit être arrêtée conformément aux art. 163 et 176 al. 1 ch. 1 CC et est soumise au principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC), aucune disposition légale ne prévoyant que le juge n’est pas lié par les conclusions (art. 58 al. 2 CPC). Le juge ne peut dès lors accorder d’office à un conjoint un entretien supérieur à celui qui a été requis car il est lié par les conclusions de cette partie. La contribution à l’entretien de l’enfant durant cette même période est prévue par l’art. 176 al. 3 CC, qui renvoie aux art. 276 ss CC, et est soumise au contraire à la maxime d’office (art. 296 al. 3 CPC), ce qui a pour conséquence que le juge n’est pas lié par les conclusions des parents. La contribution à l’entretien de la famille doit ainsi être arrêtée de manière différenciée pour le conjoint, d’une part, et chaque enfant, d’autre part (art. 176 al. 1 ch. 1 CC). Lorsque le recours porte sur la contribution d’entretien allouée au conjoint, la juridiction de recours peut réexaminer les pensions des enfants même si elles ne font pas l’objet du recours ; l’inverse n’est pas vrai (consid. 4.1).

Voir aussi sur ce point l’arrêt 5A_478/2017 du 7 juin 2018. Le principe vaut aussi en mesures provisionnelles durant la procédure de divorce, au vu de l’art. 276 al. 1 CPC (voir à ce propos l’arrêt 5A_970/2017 du 7 juin 2018, consid. 3.1).

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TF 5A_414/2018 (d) du 17 mai 2018

Mesures protectrices; procédure; art. 46, 98, 100 al. 1 LTF

Suspension du délai de recours (art. 46, 98 et 100 al. 1 LTF). Selon l’art. 46 al. 2 LTF, la règle de suspension des délais prévue à l’al. 1 ne s’applique pas aux mesures provisionnelles. En l’espèce, le recourant invoque la suspension du délai de recours, au sens de l’art. 46 al. 1 LTF, en lien avec son recours qui porte sur des mesures provisionnelles ordonnées dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale. Savoir si des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées dans un tel cas est controversé, mais la question ne nécessite pas d’être tranchée, car les mesures protectrices de l’union conjugale constituent des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Les règles concernant les vacances de Pâques ne s’appliquent donc pas, puisque la notion de mesures provisionnelles est identique aux art. 46 al. 2 et 98 LTF (consid. 3).

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TF 5A_359/2018 (f) du 15 juin 2018

Mesures protectrices; procédure; art. 80 al. 1 LP

Procédure de poursuite – titre de mainlevée définitive. Aux termes de l’art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition. Le contentieux de la mainlevée n’a pas pour but de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l’existence d’un titre exécutoire, le juge de la mainlevée ne se prononçant que sur la force probante du titre produit. Lorsque le juge est saisi d’une requête de mainlevée définitive fondée sur un jugement, il doit vérifier si la créance en poursuite résulte de cet acte ; il n’a pas à se prononcer sur son existence matérielle ou sur le bien-fondé de la décision, ni à revoir ni à interpréter le titre produit. Si le jugement invoqué est peu clair, il suffit que la créance résulte clairement des motifs, le juge de la mainlevée pouvant se fonder tant sur le dispositif que sur les considérants. Si le sens du dispositif est douteux même après l’examen des motifs, la mainlevée doit être refusée (consid. 3.1).

Dans le cas d’espèce, la mainlevée définitive a été confirmée, celle-ci étant fondée sur une décision de mesures protectrices de l’union conjugale, ratifiant une convention des parties, dont l’appel à son encontre a été rejeté et dont un arrêt cantonal a précisé la portée, de sorte que la recourante n’a pas pu convaincre de la limitation de son obligation d’entretien, les motifs des différentes décisions apparaissant assez clairs pour fonder un titre de mainlevée définitive.

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Divorce

Divorce

TF 5A_475/2018 (d) du 09 juillet 2018

Divorce; étranger; audition d’enfant; protection de l’enfant; procédure; DIP; enlèvement international; art. 13 par. 2, 16, 19 CLaH80; 5 par. 2, 7 par. 1 et 3 CLaH96

Enlèvement international d’enfants – motifs de refus au retour – opposition de l’enfant (art. 13 par. 2 CLaH80) – rappel des principes. La CLaH80 ne fixe pas d’âge à partir duquel l’opposition de l’enfant doit être prise en compte. La maturité suffisante au sens de l’art. 13 par. 2 CLaH80 est atteinte lorsque l’enfant est capable de former sa volonté de manière autonome, i.e. lorsqu’il peut discerner sa propre situation et construire sa propre opinion malgré les influences extérieures, et lorsqu’il peut comprendre le sens et la problématique de la décision de retour en suspens. Cela signifie que l’enfant doit pouvoir reconnaître qu’il est uniquement question du rétablissement du status quo ante concernant le lieu de résidence et non de la fixation de l’autorité parentale, et que les questions de fond seront examinées ensuite dans l’État d’origine. En principe, ces conditions sont remplies chez un enfant dès l’âge de onze-douze ans environ. La volonté exprimée par un enfant plus jeune ne doit pas simplement être écartée et le tribunal doit au contraire l’examiner. La formation d’une volonté n’est jamais un processus entièrement détaché de l’influence extérieure, surtout dans le cas d’un enfant plus jeune. La volonté ne doit toutefois pas reposer sur une manipulation ou un endoctrinement. En outre, l’opposition de l’enfant doit reposer sur des motifs plausibles et se faire insistante (consid. 4.2).

Système de la CLaH80 et lien avec la CLaH96. L’un des buts premiers de la CLaH80 est de ramener l’enfant dans la zone d’influence de la juridiction initiale. Cela ressort notamment du lien entre la CLaH80 et la CLaH96. En cas de changement de la résidence habituelle de l’enfant, l’art. 5 par. 2 CLaH96 prévoit un transfert de compétence. Toutefois, cette règle ne s’applique pas en cas de déplacement ou de non-retour illicite de l’enfant, et les autorités de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle demeurent compétentes (art. 7 par. 1 et 3 CLaH96 ; voir ég. art. 16 et 19 CLaH80) (consid. 4.5).

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TF 5A_481/2017 - ATF 144 III 368 (d) du 24 mai 2018

Divorce; DIP; entretien; procédure; art. 4 par. 1, 8 par. 1 CLaH73; 10 CLaH70; 29 al. 3 LDIP

Droit applicable aux obligations alimentaires (art. 4 par. 1 et 8 par. 1 CLaH73). Selon l’art. 4 par. 1 de la Convention sur la loi applicable aux obligations alimentaires (CLaH73), la loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit les obligations alimentaires qui entrent dans le champ d’application de la convention. Par dérogation, la loi appliquée au divorce régit, dans l’Etat contractant où le divorce est prononcé ou reconnu, les obligations alimentaires entre époux divorcés et la révision des décisions relatives à ces obligations (art. 8 par. 1 CLaH73). L’art. 8 par. 1 CLaH73 détermine le droit applicable lorsqu’il y a un jugement de divorce entré en force ou que le divorce a été reconnu. Ainsi, cette disposition s’applique lorsque l’entretien après le divorce est demandé dans le cadre du règlement des effets du divorce ou qu’une modification du jugement de divorce portant sur l’entretien est litigieuse. A l’inverse, pour l’obligation d’entretien entre les époux dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale (art. 175 et 176 al. 1 ch. 1 CC), la loi de la résidence habituelle du créancier d’aliments est applicable, conformément à l’art. 4 par. 1 CLaH73. De même, l’art. 4 par. 1 CLaH73 s’applique pour déterminer le droit applicable à l’obligation d’entretien fixée dans le cadre de mesures provisionnelles ordonnées pour la durée de la procédure de divorce, dans la mesure où aucun jugement de divorce n’est encore entré en force (consid. 3.2 et 3.3).

Cas des mesures provisionnelles ordonnées pour la durée de la procédure de complément du jugement de divorce (art. 8 par. 1 CLaH73). Pour déterminer le droit applicable à l’obligation d’entretien dans le cadre de mesures provisionnelles pendant la procédure de complément d’un jugement de divorce, il faut appliquer l’art. 8 par. 1 CLaH73. En effet, dans un tel cas, il existe un jugement de divorce et il est question de l’entretien après le divorce (consid. 3.4).

Reconnaissance d’un jugement de divorce (art. 10 CLaH70 ; 29 al. 3 LDIP). Le principe de l’unité du jugement de divorce ne fait pas partie de l’ordre public suisse. Ainsi, le fait qu’en l’espèce, les effets accessoires du divorce n’ont pas été réglés dans le jugement tchèque ne s’oppose pas à la reconnaissance (art. 10 Convention sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps, CLaH70). Les autres conditions de reconnaissance sont par ailleurs remplies (not. art. 1 par. 1 et 2 ch. 3 CLaH70) et aucun autre motif de refus ne peut être retenu (art. 7 ss CLaH70). En outre, lorsqu’une décision étrangère est invoquée à titre préalable, l’autorité saisie (art. 29 al. 3 LDIP) peut statuer elle-même sur la reconnaissance (consid. 3.5).

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TF 5A_503/2017(d) du 14 mai 2018

Divorce; étranger; revenu hypothétique; procédure; art. 29 al. 2 Cst.; 53 al. 1, 153 al. 1, 154, 168, 219, 232 al. 1, 296 al. 1 et 316 al. 3 CPC

Administration des preuves par l’instance d’appel (art. 29 al. 2 Cst. ; art. 53 al. 1, 153 al. 1, 154, 168, 296 al. 1, 316 al. 3 CPC). L’instance d’appel peut administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC). Dans les procédures relevant du droit de la famille dans lesquelles le tribunal établit les faits d’office en ce qui concerne les enfants (art. 296 al. 1 CPC), cela ressort déjà de l’art. 153 al. 1 CPC. Dans de telles procédures, le principe de libre choix de la preuve s’applique : en vertu de l’art. 168 al. 2 CPC, le tribunal n’est pas lié par le numerus clausus des moyens de preuve ; il doit toutefois rendre une ordonnance de preuve (art. 154 CPC) dans laquelle il désigne les moyens de preuve qu’il entend administrer d’office. Si le tribunal procède à l’administration des preuves sans avoir rendu d’ordonnance de preuve au préalable, il viole non seulement les art. 154 s. CPC mais aussi le droit d’être entendu garanti par les art. 53 al. 1 CPC et 29 al. 2 Cst. (consid. 3.2).

Droit de se prononcer sur les résultats de l’administration des preuves (art. 29 al. 2 Cst. ; art. 53 al. 1, 219, 232 al. 1, 316 al. 3 CPC). En application par analogie des art. 232 al. 1 cum 219 CPC, même lorsque l’instance d’appel renonce aux débats, elle doit, au terme de l’administration des preuves (art. 316 al. 3 CPC), donner aux parties la possibilité de se prononcer sur les résultats de l’administration des preuves (art. 53 al. 1 CPC et art. 29 al. 2 Cst.) (consid. 3.2).

Revenu hypothétique – statistiques et présomption de fait. Il est admissible de se baser sur des données statistiques pour prouver le revenu hypothétique et de retenir, à titre de présomption de fait, que le salaire correspondant peut effectivement être réalisé dans le cas d’espèce. Toutefois, ceci suppose que des postes rémunérés de la sorte soient effectivement ouverts à la partie qui s’oppose à la présomption. Lorsque cette dernière parvient à amener la contre-preuve, la présomption de fait n’opère plus et la preuve échoue (consid. 3.3).

Statistiques étrangères. La manière dont l’instance cantonale a pris en compte les statistiques de salaires allemandes concerne l’établissement des faits. A la différence des statistiques de l’Office fédéral de la statistique, les statistiques des autorités d’un Etat étranger ne peuvent pas être considérées comme des faits notoirement connus du tribunal au sens de l’art. 151 CPC, même si l’une des parties a son domicile dans l’Etat étranger en question (consid. 3.3).

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TF 5A_801/2017 (f) du 14 mai 2018

Divorce; étranger; procédure; DIP; art. 59 et 60 CPC; 163 CC

Compétence des autorités genevoises. Le tribunal examine d’office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). Dès lors, l’autorité d’appel doit prendre en considération les faits nouveaux allégués tardivement, à savoir après le début de la phase des délibérations. En l’espèce, la cour cantonale se devait donc de tenir compte de la décision rendue par les autorités françaises sur l’entretien des enfants à titre provisoire et d’en examiner préalablement la reconnaissance, puisqu’elle pouvait avoir un impact sur sa compétence, quand bien même cette décision a été rendue après la mise en délibération de la cause (consid. 3.3 et 3.4).

Provisio ad litem en faveur de l’épouse. Examen par le Tribunal fédéral des conditions et du montant (consid. 5).

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TF 5A_54/2018 (d) du 05 juillet 2018

Divorce; autorité parentale; garde des enfants; art. 296 al. 2, 298 al. 1, 301a al. 1 CC

Autorité parentale et garde (art. 296 al. 2, 298 al. 1 et 301a al. 1 CC) – rappel des principes. La loi prévoit que l’autorité parentale conjointe des père et mère constitue la règle (art. 296 al. 2 CC), ce qui vaut également en cas de divorce, l’autorité parentale exclusive constituant l’exception que seul le bien de l’enfant peut justifier (art. 298 al. 1 CC). L’autorité parentale exclusive se justifie en particulier lorsqu’il existe un conflit sérieux et durable entre les parents ou une incapacité persistante à communiquer, et que cette situation a des effets négatifs sur le bien de l’enfant. La notion de garde se limite à la garde de fait, i.e. la prise en charge quotidienne de l’enfant et l’exercice des droits et devoirs liés aux soins et à l’éducation. En cas de divorce ou de séparation des parents, la garde alternée n’est possible que si elle est compatible avec le bien de l’enfant. Tel n’est, en principe, pas le cas lorsqu’il existe un conflit manifeste et persistant entre les parents au sujet de l’enfant, que des difficultés à coopérer sont prévisibles et que l’enfant serait constamment exposé à ce conflit. L’autorité parentale conjointe et la garde alternée présupposent qu’un minimum de collaboration soit possible entre les parents (consid. 3.2).

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TF 5A_202/2017 (d) du 22 mai 2018

Divorce; entretien; art. 125 CC

Entretien (art. 125 al. 1 CC) – méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent – rappel des principes. La loi ne prescrit pas de méthode déterminée pour le calcul de l’entretien selon l’art. 125 al. 1 CC. La méthode du minimum vital avec répartition de l’excédent (méthode en deux étapes) est admise lorsque le niveau de vie à la fin de la vie commune n’est pas déterminable avec certitude, lorsqu’il est établi que les époux, lors de la vie commune, ont entièrement dépensé le revenu disponible pour l’entretien courant ou lorsque le montant qui était auparavant épargné est désormais absorbé par les coûts supplémentaires engendrés par la séparation. Ces conditions peuvent également être remplies quand les époux réalisaient un revenu au-dessus de la moyenne durant leur vie commune (consid. 5.1.2).

Mariage ayant eu un impact décisif – rappel des principes. Lorsque le mariage a eu un impact décisif sur la vie des époux, l’entretien convenable correspond au niveau de vie des époux durant leur vie commune et les époux ont en principe droit au maintien de ce niveau de vie après le divorce. Le niveau de vie atteint à la fin de la vie commune est déterminant et constitue également la limite supérieure de l’entretien convenable (consid. 5.2.1).

Entretien pour la prévoyance – rappel des principes. L’entretien convenable de l’art. 125 al. 1 CC comprend la constitution d’une prévoyance vieillesse appropriée. Dès lors, l’entretien pour la prévoyance doit être inclu dans le calcul des besoins de l’époux créancier (consid. 5.2.1).

Durée de l’entretien. L’art. 125 CC ne prévoit aucune durée maximale pour l’entretien après le divorce. Toutefois, la contribution d’entretien est en principe fixée jusqu’à ce que le débirentier ait atteint l’âge légal de la retraite. Cette pratique repose, d’une part, sur le principe selon lequel, en cas de mariage ayant eu un impact décisif, les époux ont tous deux droit à un niveau de vie comparable. D’autre part, elle repose sur le fait que les moyens disponibles diminuent en principe dès que le débirentier atteint l’âge de la retraite, avec pour conséquences que le niveau de vie durant la phase active ne peut pas être maintenu de manière illimitée et qu’il aurait également baissé si le mariage avait continué (consid. 5.5.1).

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TF 5A_834/2016 et 5A_852/2016 (d) du 13 juin 2018

Divorce; entretien; revenu hypothétique; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC

Donation d’un parent à un descendant marié. En l’espèce, l’instance cantonale a présumé (présomption de fait) que la donation d’argent liquide faite par l’un des parents à son descendant marié vise à gratifier ce dernier uniquement, et non son conjoint également. Il s’agit du résultat de l’appréciation des preuves. Le recourant ne démontre pas en quoi cette présomption serait arbitraire (consid. 3.7).

Entretien de l’enfant – dispositions transitoires (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC). Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant est entré en vigueur le 1er janvier 2017. Toutefois, le Tribunal fédéral applique l’ancien droit lorsque la décision attaquée a été prononcée avant l’entrée en vigueur de la révision (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC) (consid. 5.1.3).

Revenu hypothétique en cas d’activité indépendante – rappel des principes. Le revenu de l’activité indépendante est constitué du bénéfice net effectivement réalisé, qui correspond soit à l’augmentation de la fortune commerciale (différence entre le capital propre à la fin de l’exercice courant et à la fin de l’exercice précédent), soit au bénéfice dans le compte de profits et pertes régulièrement tenu. Pour déterminer la capacité de gain d’un indépendant en tenant compte des variations de revenu, il faut se baser sur le revenu moyen de plusieurs années, en général des trois dernières. Selon les circonstances, il est possible de ne pas tenir compte de clôtures des comptes exceptionnelles, i.e. particulièrement bonnes ou particulièrement mauvaises. Toutefois, lorsque les revenus diminuent ou augmentent de manière constante, le gain de l’année précédente est considéré comme le revenu décisif (consid. 5.1.5 et 5.1.7).

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TF 5A_217/2018 (d) du 07 juin 2018

Divorce; entretien; procédure; art. 277 al. 2 CC; 303 CPC; 98 LTF

Provisio ad litem due à l’enfant majeur dans le cadre de la demande d’aliments (art. 277 al. 2 CC ; art. 303 CPC ; art. 98 LTF). En principe, l’obligation d’entretien des parents prévue à l’art. 277 al. 2 CC comprend également les frais judiciaires. Au stade initial d’une procédure, l’enfant a droit à ce que ses parents lui versent une provisio ad litem. Selon l’art. 303 CPC, le juge peut ordonner des mesures provisionnelles pour la durée de la procédure. Parmi ces mesures (au sens de l’art. 98 LTF), on trouve notamment le fait d’ordonner au parent défendeur de verser une provisio ad litem à l’enfant dans le cadre de la demande d’aliments (consid. 1.1).

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TF 5A_135/2018 (f) du 31 mai 2018

Divorce; revenu hypothétique; procédure; art. 176 CC

Revenu hypothétique – rappels généraux. Pour fixer la contribution d’entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Celles-ci peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Pour ce faire, le juge doit examiner successivement deux conditions ; premièrement, déterminer si l’on peut raisonnablement exiger d’une personne qu’elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci eu égard à sa formation, son âge, et son état de santé (question de droit) et deuxièmement, établir si la personne a la possibilité d’exercer l’activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (question de fait). Il appartient au demeurant au débirentier de démontrer avoir tout mis en œuvre pour percevoir un revenu équivalent à celui qu’il percevait précédemment. Si le juge entend exiger la (re)prise d’une activité lucrative, il doit généralement accorder un délai approprié pour s’adapter à la nouvelle situation, en fonction des circonstances du cas particulier (consid. 3.3.1).

Voir aussi sur ce point l’arrêt 5A_11/2018 du 28 juin 2018 (f), consid. 3.3.1.

Revenu hypothétique – autonomie du juge civil face aux autorités administratives. Les critères qui permettent de retenir un revenu hypothétique sont différents en droit de la famille et en droit des assurances sociales, le juge civil n’étant en outre par lié par l’instruction menée par les autorités administratives. En droit de la famille, lorsque l’entretien d’un enfant mineur est en jeu et que l’on est en présence de situations financières modestes, le débiteur peut notamment se voir imputer un revenu basé sur une activité professionnelle qu’il n’aurait pas eu à accepter selon les règles prévalant en matière d’assurances sociales (consid. 3.3.1).

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TF 5A_626/2017 (f) du 29 juin 2018

Divorce; liquidation du régime matrimonial; entretien; art. 312 CO; 165 CC

Prêt de consommation dans le régime matrimonial de la séparation de biens (art. 312 ss CO). Le tribunal examine en l’espèce l’existence d’un contrat de prêt (art. 312 CO) entre époux soumis au régime de la séparation de biens afin de déterminer une éventuelle restitution du prêt, voire le paiement d’une indemnité équitable. L’obligation de restitution de l’emprunteur est un élément essentiel du contrat, que le juge doit déterminer en appliquant les règles d’interprétation des contrats. Dans des circonstances exceptionnelles, le seul fait de recevoir une somme d’argent peut constituer un élément suffisant pour admettre l’existence d’une obligation de restitution ; il doit cependant en résulter clairement que la remise de la somme ne peut s’expliquer raisonnablement que par la conclusion d’un prêt (consid. 3.3.1).

Indemnité équitable (art. 165 CC). Le devoir réciproque d’entretien convenable des époux (art. 163 CC) peut consister en des prestations en argent, avant tout fournies par le produit du travail, voire le rendement de la fortune. En vertu de leur devoir général d’assistance (art. 159 al. 3 CC), les conjoints peuvent parfois être contraints d’entamer leur capital dans l’intérêt du ménage, sous réserve d’une éventuelle indemnité équitable au sens de l’art. 165 al. 2 CC due lorsqu’un des époux a, en l’absence de tout contrat de prêt, contribué par ses revenus ou sa fortune à l’entretien de la famille dans une mesure notablement supérieure à ce qu’il devait (consid. 4.3.1). Pour déterminer si une indemnité est due, il convient de faire la part entre l’entretien normal (art. 163 CC) et les contributions extraordinaires (art. 165 al. 2 CC), l’accord entre les époux concernant leurs contributions respectives servant de base à cette détermination. À défaut d’accord, le juge statue en équité. La nature et l’ampleur de la contribution sont des questions de fait ; savoir si la contribution est notablement supérieure aux obligations découlant des devoirs généraux du mariage est en revanche une question de droit. L’art. 165 al. 2 CC donne droit non à la restitution des sommes versées, mais à une indemnité équitable, tenant compte surtout de la situation économique du conjoint et de celle générale de la famille (consid. 4.3.1).

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TF 5A_182/2018 (f) du 25 juin 2018

Divorce; procédure; art. 283 CPC

Principe de l’unité du jugement de divorce (art. 283 CPC). Conformément au principe de l’unité du jugement de divorce (art. 283 CPC), les autorités (de première instance ou de recours) appelées à prononcer le divorce ou à en régler ses effets ne peuvent pas mettre fin à la procédure sans avoir réglé tous les effets accessoires du divorce. Cette règle vise à assurer un règlement uniforme et cohérent de toutes les questions relatives au divorce et s’applique aussi aux créances entre conjoints qui ne résultent pas du régime matrimonial, pourvu qu’elles soient en rapport avec l’union conjugale et avec l’obligation d’assistance mutuelle qui en résulte. Elle s’étend également aux époux soumis au régime de la séparation de biens (consid. 3.2).

Compétence du juge du divorce des époux séparés de biens. Lorsque les époux sont soumis au régime de la séparation de biens, le juge du divorce reste compétent à raison de la matière pour statuer sur les conclusions d’un époux en production de pièces et en paiement d’une somme liée à une société fondée par les époux, bien que cela ne résulte pas du régime matrimonial. Il faut cependant qu’existe un rapport étroit avec l’union conjugale et avec l’obligation d’assistance mutuelle, car c’est en leur qualité d’époux que les intéressés se sont impliqués dans la société (consid. 3.1).

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Modification du jugement de divorce

Modification du jugement de divorce

TF 5A_305/2018 (d) du 15 mai 2018

Modification de jugement de divorce; autorité parentale; protection de l’enfant; procédure; art. 301a al. 1, 308, 310 al. 1 CC; 106 al. 2, 107 al. 1 let. c, 296 al. 1 CPC

Attribution de l’autorité parentale à un seul parent – rappel des critères. Le critère du bien de l’enfant l’emporte sur toutes les autres considérations, en particulier sur les souhaits des parents. Dans la mesure du possible, il faut tenir compte de l’avis de l’enfant. Il s’agit de répondre le mieux possible à ses besoins, compte tenu de son âge, ses préférences et ses nécessités en termes de prise en charge, d’attention et d’éducation parentales. En premier lieu, les critères déterminants sont les relations personnelles du parent avec l’enfant, les capacités éducatives du parent et sa disposition à avoir l’enfant sous sa propre garde. En outre, il faut tenir compte des besoins de l’enfant concernant la stabilité des relations nécessaire à un développement harmonieux d’un point de vue physique, psychique et intellectuel. Ce dernier critère revêt une importance accrue lorsque les parents ont des compétences éducatives et de prise en charge de l’enfant similaires. En cas de doute, la disposition de l’un des parents à permettre un contact entre l’enfant et l’autre parent peut être déterminante (consid. 5.2).

Placement de l’enfant et curatelle (art. 301a al. 1, 308 et 310 al. 1 CC). L’autorité parentale comprend le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 1 CC). S’il n’est pas possible d’éviter autrement que le développement de l’enfant ne soit compromis, l’autorité de protection de l’enfant retire l’enfant aux père et mère et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). En cas de placement, l’instauration d’une curatelle au sens de l’art. 308 CC constitue la règle (consid. 6.1 et 9.2).

Répartition des frais (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). En principe, lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Lorsque le litige relève du droit de la famille, le tribunal peut, mais ne doit pas, s’écarter des règles générales en matière de répartition des frais (art. 107 al. 1 let. c CPC). Le Tribunal fédéral fait aussi preuve de retenue lors de l’examen de telles décisions (consid. 10.2).

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TF 5A_98/2016 (d) du 25 juin 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 134 al. 2, 163 al. 2, 286 al. 2 CC; 285 aCC; 13cbis al. 2 Tit. fin. CC

Modification de l’entretien de l’enfant (art. 134 al. 2 et 286 al. 2 CC). Pour la modification des contributions d’entretien des enfants fixées dans le jugement de divorce, l’art. 134 al. 2 CC renvoie aux dispositions sur les effets de la filiation, à savoir à l’art. 286 al. 2 CC. La modification a pour but d’adapter le jugement à la nouvelle situation, sur la base de la comparaison entre la situation de fait au moment du divorce et au moment de la demande de modification. Il n’importe pas de savoir si les nouveaux faits étaient prévisibles : il faut examiner s’ils ont déjà été pris en compte dans la décision initiale pour la fixation de l’entretien (consid. 2.3).

Application de l’ancien droit de l’entretien de l’enfant (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC). En l’espèce, la décision attaquée a été rendue avant le 1er janvier 2017. En conséquence, le Tribunal fédéral applique l’ancien droit (art. 13cbis al. 2 Tit. fin. CC) (consid. 3.4).

Entretien de l’enfant – formes de l’entretien et principe d’égalité entre les enfants. Il n’existe pas de hiérarchie entre les formes de contribution d’entretien. Selon les circonstances, un parent peut être tenu de fournir une contribution d’entretien en argent et en nature. Le principe d’égalité entre les enfants mineurs en ce qui concerne l’entretien n’est pas absolu ; les enfants doivent être traités de manière égale compte tenu de leurs besoins objectifs, non seulement par rapport au calcul de la contribution d’entretien en argent selon l’art. 285 aCC, mais également du point de vue du rapport entre l’entretien en argent et en nature. Une répartition inégale de l’entretien en argent et en nature en fonction des besoins objectifs des enfants n’est ainsi pas exclue, mais elle doit reposer sur un motif particulier (consid. 3.4).

Entretien de l’enfant — règle des 10/16 ans. La règle des 10/16 ans a été développée initialement en lien avec l’entretien après le divorce. La jurisprudence récente retient que cette règle se base à la fois sur le bien de l’enfant et sur la confiance dans la répartition des tâches choisie par les époux (art. 163 al. 2 CC) ainsi que dans la continuation du mariage. La question de savoir si ce point de vue peut être maintenu malgré l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant peut rester ouverte, car l’ancien droit s’applique au cas d’espèce. La règle des 10/16 ans connaît deux exceptions : premièrement, l’autonomie des parents, qui prime toujours : lorsque les deux parents travaillaient pendant la vie commune, le parent qui obtient la garde ne peut pas soudainement invoquer la règle des 10/16 ans. Autrement dit, le principe de continuité vaut aussi bien quand une répartition des rôles traditionnelle a été convenue (le principe de la confiance justifiant alors le maintien de cette répartition dans les limites de la règle des 10/16 ans) que lorsque les deux parents travaillaient (consid. 3.5). La deuxième exception concerne l’enfant né d’une autre relation après la séparation. En ce qui concerne le nouvel enfant non commun, les ex-époux n’ont pas convenu librement d’une répartition des tâches protégée par le principe de la confiance. Pour que l’enfant puisse développer sa confiance profonde, il faut qu’il puisse bénéficier, pendant sa première année de vie, d’une relation stable avec la personne qui le prend en charge. Dès la deuxième année, c’est d’abord la qualité des différentes possibilités de prise en charge qui est déterminante. Une répartition inégale de l’entretien en argent et en nature, compte tenu des besoins objectifs de l’enfant, peut donc se justifier durant sa première année, si bien qu’il n’est pas possible d’exiger de la mère qu’elle exerce une activité lucrative si elle s’occupe elle-même de l’enfant. La règle ne vaut en principe plus au-delà de la première année, car il n’existe pas un droit absolu à la prise en charge personnelle (consid. 3.5).

Enfants de différents lits et moyens financiers limités. Lorsque, comme en l’espèce, il y a des enfants issus de lits différents et que les moyens financiers sont limités, il faut examiner comment la force de travail du parent débiteur peut être répartie de manière appropriée entre les enfants créanciers d’entretien afin de respecter, dans la mesure du possible, l’égalité de traitement de tous les enfants (consid. 3.5).

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TF 5A_35/2018 (d) du 31 mai 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 129 al. 1, 134 al. 2, 276 al. 2, 286 al. 2 CC; 296 al. 3 CPC

Modification de l’entretien (art. 129 al. 1 et 286 al. 2 CC). Pour qu’une contribution d’entretien en faveur de l’ex-conjoint (art. 129 al. 1 CC) ou de l’enfant (art. 286 al. 2 CC) soit modifiée, il faut que la situation de fait pertinente ait subi des changements notables et durables. Lorsque le juge fixe à nouveau la contribution d’entretien, chaque paramètre du calcul de l’entretien doit être actualisé. Même des paramètres restés inchangés doivent parfois être adaptés. Constituent un changement notable de la situation économique du débiteur notamment la survenance d’une invalidité ou d’une longue maladie, le passage à la retraite ou la perte d’emploi et de nouvelles obligations familiales issues de la naissance d’un nouvel enfant après le divorce (consid. 3.1).

Revenu hypothétique. Rappel des principes permettant de retenir un revenu hypothétique. Il est également possible de retenir un revenu hypothétique en cas de diminution de revenu dont le débiteur d’entretien n’est pas responsable. En présence d’un enfant mineur, des exigences élevées doivent être posées quant à la mise à profit de la capacité de gain du parent débirentier, en particulier lorsque les moyens financiers sont limités (consid. 3.1).

Chômage. Une période de chômage de plusieurs mois peut être considérée comme un changement durable des circonstances. Mais le fait de recevoir des indemnités de l’assurance-chômage ne s’oppose pas à l’imputation d’un revenu hypothétique (consid. 3.3).

Entretien de l’enfant – dispositions transitoires. Le tribunal applique le nouveau droit de l’entretien de l’enfant aux contributions d’entretien qui sont dues à partir du 1er janvier 2017, peu importe que le nouveau droit s’applique selon l’art. 13c ou 13cbis Tit. fin. CC (consid. 4.3).

Contribution de prise en charge de l’enfant (art. 276 al. 2 CC). L’époux créancier d’entretien et l’enfant disposent de prétentions indépendantes. L’entretien convenable de l’enfant comprend notamment les frais de sa prise en charge (art. 276 al. 2 CC). Cela ne signifie pas que la contribution de prise en charge due à l’enfant couvre toutes les conséquences économiques auxquelles les époux sont confrontés lorsqu’ils deviennent parents et choisissent une certaine répartition des tâches. Même sous le nouveau droit, il faut tenir compte de ces conséquences économiques lors de la fixation de l’entretien à l’ex-conjoint après le divorce (consid. 4.3).

Suspension de l’entretien (art. 129 al. 1, 134 al. 2 et 286 al. 2 CC). La possibilité de suspendre la contribution d’entretien pour une durée déterminée en cas de changement de circonstances n’est prévue que pour l’entretien à l’ex-conjoint (art. 129 al. 1 CC). L’art. 286 al. 2 CC qui règle la modification de l’entretien de l’enfant, y compris quand il a été fixé dans le jugement de divorce (art. 134 al. 2 CC), permet uniquement au juge de modifier ou supprimer la contribution d’entretien de l’enfant, mais pas de la suspendre (consid. 5.2).

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TF 5A_788/2017 - ATF 144 III 349 (f) du 02 juillet 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; procédure; art. 317 al. 1 CPC; 278 al. 2, 286 al. 2 CC

Faits et moyens de preuves nouveaux dans la maxime inquisitoire illimitée (art. 317 al. 1 CPC). L’art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu’ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives. S’agissant des vrais nova, ils doivent être allégués immédiatement. En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur de démontrer qu’il a fait preuve de la diligence requise et qu’il ne pouvait les produire en première instance. Les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire sociale. La jurisprudence n’avait pas encore tranché la question de savoir si tel est le cas lorsque la maxime inquisitoire illimitée s’applique. Le TF constate que de nombreux auteurs sont favorables à une large prise en compte des nova dans les procédures matrimoniales soumises à la maxime inquisitoire illimitée et admettent les faits et moyens de preuves nouveaux en deuxième instance même si les conditions restrictives de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réalisées. D’après l’art. 296 al. 1 CPC, le juge d’appel doit rechercher lui-même les faits d’office et peut donc ordonner l’administration de tous les moyens de preuve propres et nécessaires à établir les faits pertinents pour rendre une décision conforme à l’intérêt de l’enfant. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, il convient de considérer que l’application stricte de l’art. 317 al. 1 CPC n’est pas justifiée. Il y a donc lieu d’admettre que les parties peuvent dans un tel cas présenter des nova en appel même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (consid. 4.2.1).

Modification de la contribution d’entretien en cas de faits nouveaux importants et durables (art. 286 al. 2 CC) – rappel des principes. L’art. 286 al. 2 CC (par renvoi de l’art. 134 al. 2 CC) prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution due pour l’entretien de l’enfant sur demande des parents ou de l’enfant, si des faits nouveaux importants et durables surviennent, pour l’adapter aux circonstances nouvelles. Le caractère nouveau s’apprécie du fait qu’un élément n’a pas été pris en considération pour fixer la contribution d’entretien, sans tenir compte des circonstances futures. Le moment déterminant pour apprécier les faits nouveaux est la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce. La survenance d’un fait nouveau n’entraîne pas automatiquement une modification de la contribution d’entretien ; encore faut-il qu’un déséquilibre entre la charge d’entretien des deux parents apparaisse, en particulier lorsque l’un d’eux vit dans des conditions modestes. Une pesée des intérêts de l’enfant et de chacun des parents doit être effectuée (consid. 5.1).

Devoir d’assistance entre époux (art. 278 al. 2 CC) – rappel des principes. Le devoir général d’assistance entre époux selon l’art. 159 al. 3 CC, concrétisé à l’art. 278 al. 2 CC, implique que les conjoints doivent en principe s’entraider financièrement pour l’éducation des enfants issus d’une précédente union ou nés hors mariage. Ce devoir est toutefois subsidiaire (par exemple, comme dans le cas d’espèce, à l’imputation d’un revenu hypothétique) (consid. 7.1).

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Commentaire l'arrêt TF 5A_788/2017 - ATF 144 III 349 (f)

François Bohnet

Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel

Maxime inquisitoire illimitée et nova en appel

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Couple non marié

Couple non marié

TF 5A_395/2017 (d) du 10 juillet 2018

Couple non marié; autorité parentale; audition de l’enfant; garde; art. 301a CC; 12 al. 1, 4 et 5 Tit. fin. CC

Droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant – ancien vs. nouveau droit (art. 301a CC). Jusqu’au 30 juin 2014, le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant était compris dans le droit de garde. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit le 1er juillet 2014, le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant est une composante de l’autorité parentale (art. 301a al. 1 CC). Ainsi, lorsque l’autorité parentale est exercée conjointement, la modification du lieu de résidence de l’enfant par l’un des parents nécessite en principe l’accord de l’autre parent, du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant (art. 301a al. 2 CC) (consid. 3).

Dispositions transitoires (art. 12 al. 1, 4 et 5 Tit. fin. CC). L’art. 12 al. 1 Tit. fin. CC prévoit l’application immédiate du nouveau droit à une procédure pendante. Cette règle se justifie quand l’état de fait présente un caractère durable, par exemple si un déménagement planifié peut être autorisé (selon le nouvel art. 301a CC), car il s’agit là d’un état de fait qui ne s’est pas encore concrétisé. En l’espèce, le déménagement, qui, en soi, constitue un événement ponctuel, est survenu bien avant l’entrée en vigueur du nouveau droit. Comme le droit de garde appartenait exclusivement à la mère, le droit alors en vigueur autorisait cette dernière à transférer librement le lieu de résidence de l’enfant. Il n’est donc pas possible, après coup, de reprocher à la mère un comportement qui n’était pas contraire au droit à l’époque (consid. 3).

Audition d’enfants – rappel des principes. En principe, l’audition d’un enfant est possible et requise à partir de l’âge de six ans révolus. Il ne faut pas demander à des enfants plus jeunes leurs souhaits concrets concernant leur attribution, car ils ne peuvent pas encore s’exprimer en faisant abstraction d’éventuels facteurs d’influence ni formuler une volonté stable. À l’inverse, les déclarations d’enfants plus âgés au sujet du transfert du lieu de résidence et d’un éventuel changement d’attribution revêtent une importance considérable (consid. 4).

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TF 5A_497/2017 (d) du 07 juin 2018

Couple non marié; autorité parentale; droit de visite; protection de l’enfant; procédure; art. 273 al. 1, 274 al. 2, 298b al. 2 CC; 12 al. 4 Tit. fin. CC

Attribution de l’autorité parentale (art. 298b al. 2 CC ; art. 12 al. 4 Tit. fin. CC). Rappel des principes (consid. 3.2).

Relations personnelles (art. 273 al. 1 CC) – rappel des principes. Le droit aux relations personnelles (droit de visite) de l’art. 273 al. 1 CC est un droit-devoir réciproque servant en premier lieu l’intérêt de l’enfant, dont l’étendue se détermine selon les circonstances concrètes. Les décisions relatives au droit de visite relèvent du pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC) et le Tribunal fédéral fait preuve de retenue lors de son examen (consid. 4.1 et 4.3).

Limitation du droit aux relations personnelles (art. 274 al. 2 CC). Le droit aux relations personnelles (art. 273 al. 1 CC) peut être refusé ou retiré notamment lorsque les relations personnelles compromettent le bien de l’enfant (art. 274 al. 2 CC). Tel est le cas lorsque le développement harmonieux physique, psychique et moral de l’enfant est menacé par des contacts même limités avec le parent non gardien. Le principe de la proportionnalité doit être constamment respecté. En principe, le droit aux relations personnelles ne doit pas durablement être limité uniquement en raison de conflits entre les parents, en tout cas lorsque la relation entre le parent détenteur du droit de visite et l’enfant est bonne. Le retrait complet du droit aux relations personnelles à un parent ne peut intervenir qu’en dernier recours (consid. 4.2).

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TF 5A_300/2018 (d) du 28 mai 2018

Couple non marié; autorité parentale; protection de l’enfant; art. 307 al. 1, 310 al. 1 CC

Protection de l’enfant – retrait du droit de déterminer le lieu de résidence (art. 307 al. 1 et 310 al. 1 CC). Le placement constitue la mesure la plus incisive visant à prévenir une menace pour le développement de l’enfant. Dès lors, cette mesure est ordonnée à titre d’ultima ratio, même contre l’avis des parents. Les mesures de protection de l’enfant sont orientées vers l’avenir et servent exclusivement le bien de l’enfant. C’est pourquoi il n’importe pas de savoir qui est responsable de la menace pour le bien de l’enfant et quelles fautes les parents, l’école ou les autorités ont, cas échéant, commises dans le passé (consid. 7.1).

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TF 5A_701/2017 - ATF 144 I 159 (f) du 14 mai 2018

Couple non marié; autorité parentale; procédure; art. 6 par. 1 CEDH; 30 al. 1 Cst.; 47 ss CPC; 296 ss CC

Récusation – portée d’un lien d’amitié sur le réseau social Facebook. En matière de protection de l’enfant, les dispositions relatives à la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie (art. 314 al. 1 CC). Le droit fédéral ne contenant pas de règle particulière sur la récusation, il attribue aux cantons la compétence de régir ce point. Si le canton n’en dispose pas autrement, le CPC s’applique à titre de droit cantonal supplétif (consid. 4.2). La garantie d’un juge indépendant et impartial (art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH) permet, indépendamment du droit de procédure (en l’occurrence l’art. 47 CPC), de demander la récusation d’un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Il suffit que les circonstances – objectivement constatées, en dehors des impressions purement individuelles – donnent l’apparence d’une prévention et fassent redouter une activité partiale. Des liens d’amitié ou d’inimitié peuvent créer une apparence objective de partialité à condition de présenter une certaine intensité, allant au-delà du simple fait de se connaître ou de se tutoyer (consid. 4.3 et 4.4). Un « ami » sur Facebook désigne une personne qui accepte d’entrer en contact sur le réseau et ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel où l’entend la jurisprudence. Il ne suppose pas forcément un sentiment réciproque d’affection et de sympathie ou une connaissance intime qui implique une certaine proximité. En l’absence d’autres éléments, le seul fait d’être « ami » sur Facebook ne saurait donc suffire à fonder une apparence de prévention (consid. 4.5).

Autorité parentale conjointe – rappel du principe (art. 296 ss CC). L’autorité parentale conjointe est la règle depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 2014 de la réforme du Code civil relative à l’autorité parentale, indépendamment de l’état civil des parents. Il n’est qu’exceptionnellement dérogé à ce principe, lorsque l’attribution de l’autorité parentale exclusive à l’un des parents est nécessaire pour le bien de l’enfant. Une telle exception est envisageable en présence d’un conflit important et durable entre les parents ou d’une incapacité durable de ceux-ci de communiquer entre eux à propos de l’enfant, pour autant que cela exerce une influence négative sur celui-ci et que l’autorité parentale exclusive permette d’espérer une amélioration de la situation. De simples différends, tels qu’ils existent au sein de la plupart des familles, surtout en cas de divorce ou de séparation, ne constituent pas un motif d’attribution de l’autorité parentale exclusive, respectivement de maintien d’une autorité parentale exclusive préexistante (consid. 5.1).

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TF 5A_724/2017 (d) du 15 mai 2018

Couple non marié; protection de l’enfant; procédure; art. 314 al. 1, 419 CC

Recours contre les actes ou les omissions du curateur (art. 314 al. 1 et 419 CC). L’art. 419 CC s’applique également aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC). Il faut que la personne qui en appelle à l’autorité de protection de l’enfant ait un intérêt actuel ou virtuel à recourir. Il s’agit d’une condition de recevabilité. Le recourant a un intérêt actuel lorsque les actes ou les omissions du curateur peuvent encore être corrigés ou réparés. A l’inverse, le recourant a un intérêt virtuel lorsque la question soulevée pourrait se reposer en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, qu’un examen en temps utile ne serait presque jamais possible dans le cas d’espèce et qu’il est dans l’intérêt public de répondre à la question en raison de sa portée de principe (consid. 6.1).

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TF 5A_243/2018 (d) du 13 juin 2018

Couple non marié; protection de l’enfant; procédure; art. 310 al. 1, 314b al. 1, 426 al. 1, 450e al. 3 CC

Protection de l’enfant – placement dans une institution fermée ou un établissement psychiatrique (art. 310 al. 1 et 314b al. 1 CC). Contrairement à l’ancien droit, l’art. 314b al. 1 CC renvoie de manière générale aux dispositions sur le placement d’un adulte à des fins d’assistance, et pas uniquement aux dispositions de nature procédurale. Savoir si le texte doit être pris à la lettre ou s’il s’agit d’une erreur du législateur est controversé en doctrine, mais la question est sans importance. D’une part, il s’agit uniquement d’une application par analogie des dispositions sur le placement à des fins d’assistance du droit de la protection de l’adulte. D’autre part, l’art. 310 al. 1 CC inclut la nécessité de l’éducation surveillée comme motif de placement. Ainsi, en ce qui concerne les conditions matérielles, il faut se référer à l’art. 310 al. 1 CC, y compris lorsque la décision concerne uniquement le placement et ne porte pas sur le retrait de la garde parentale, car celle-ci a déjà été retirée (consid. 2.1).

Placement dans une institution pour cause de troubles psychiques – contenu du rapport d’expertise (art. 314b al. 1 et 450e al. 3 CC). Les dispositions de nature procédurale sur le placement à des fins d’assistance de l’adulte s’appliquent par analogie au placement d’un enfant au sens de l’art. 314b al. 1 CC. La règle de l’art. 450e al. 3 CC voulant que la décision relative à des troubles psychiques soit prise sur la base d’un rapport d’expertise, s’applique également. L’expert doit en particulier s’exprimer sur l’état de santé de la personne concernée, son impact sur une mise en danger de la personne elle-même ou de tiers et sur la nécessité d’un traitement ou d’une prise en charge. Dans l’affirmative, l’expertise doit se prononcer sur les dangers concrets si le traitement ou la prise en charge n’est pas mis en œuvre ; l’efficacité du traitement, ses effets secondaires et la nécessité d’un traitement ou d’une prise en charge en milieu institutionnel ; la conscience par la personne de sa maladie et du traitement ; l’existence d’une institution appropriée (consid. 2.2).

Expertise en cas de placement dans une institution pour un autre motif. Lorsque le placement est ordonné pour un motif autre que des troubles psychiques, l’art. 450e CC n’est pas applicable, si bien qu’un rapport d’expertise n’est pas nécessaire d’un point de vue formel. Néanmoins, d’un point de vue matériel, le rapport d’expertise peut s’avérer pertinent, voire nécessaire, selon les circonstances d’espèce. Lorsque le placement en institution intervient pour un autre motif, mais que l’existence de troubles psychiques ne peut pas clairement être tranchée, une expertise s’impose. Dans ce cas, l’art. 450e CC ne s’applique pas, mais des mesures médicales peuvent s’avérer nécessaires. Le juge ne dépend alors pas du rapport d’expertise, mais peut déterminer la situation médicale en faisant appel à d’autres sources, comme de simples renseignements ou l’expertise d’une ancienne procédure (consid. 2.2).

Institution appropriée (art. 310 al. 1 et 426 al. 1 CC). Le placement de l’enfant ne peut avoir lieu que dans une institution appropriée. Cela ressort expressément de l’art. 426 al. 1 CC pour les adultes. L’art. 310 al. 1 CC précise aussi que l’enfant doit être placé « de manière appropriée ». En l’absence d’institution appropriée, il faut renoncer au placement. Une institution idéale ne peut pas être exigée, mais celle-ci doit répondre aux besoins essentiels, compte tenu du but de protéger l’enfant. Les principes de proportionnalité et de subsidiarité doivent être respectés. L’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation (consid. 3.1).

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TF 5A_865/2017 (d) du 25 juin 2018

Couple non marié; entretien; art. 277 al. 2 CC

Entretien de l’enfant majeur (art. 277 al. 2 CC). Lorsque la rupture du contact avec le parent débirentier est uniquement imputable à l’enfant majeur, ce dernier perd son droit à l’entretien jusqu’à l’acquisition d’une première formation, prévu à l’art. 277 al. 2 CC (consid. 3.2).

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