Newsletter

Droit matrimonial - Newsletter octobre 2018

Editée par Bohnet F., Burgat S., Dreni I., Guillod O., Saint-Phor J.


Conférence en droit des familles - Le divorce

Jeudi 1er novembre 2018 - Université de Neuchâtel

Après l'ouverture de la journée par Nicole Baur, cheffe de l’office de la politique familiale et de l’égalité du canton de Neuchâtel (OPFE), et l'allocution de Monika Maire-Hefti, conseillère d’Etat, cheffe du Département de l’éducation et de la famille du canton de Neuchâtel, les thèmes suivants seront abordés :

  • Panorama des modifications législatives récentes en droit des familles
  • Les conséquences pratiques des récentes modifications en droit des familles
  • Présentation du Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale du canton de Genève
  • Comment l’enfant vit-il la séparation de ses parents ?
  • Présentation des actions de diverses associations
  • Le rôle de la médiation dans les conflits en droit des familles

En cliquant ici, vous trouverez le programme détaillé et la possibilité de vous inscrire en ligne.

Modification du jugement de divorce

TF 5A_788/2017 - ATF 144 III 349 (f) du 02 juillet 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; procédure; art. 317 al. 1 CPC; 278 al. 2, 286 al. 2 CC

Faits et moyens de preuves nouveaux dans la maxime inquisitoire illimitée (art. 317 al. 1 CPC). L’art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu’ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives. S’agissant des vrais nova, ils doivent être allégués immédiatement. En ce qui concerne les pseudo nova, il appartient au plaideur de démontrer qu’il a fait preuve de la diligence requise et qu’il ne pouvait les produire en première instance. Les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire sociale. La jurisprudence n’avait pas encore tranché la question de savoir si tel est le cas lorsque la maxime inquisitoire illimitée s’applique. Le TF constate que de nombreux auteurs sont favorables à une large prise en compte des nova dans les procédures matrimoniales soumises à la maxime inquisitoire illimitée et admettent les faits et moyens de preuves nouveaux en deuxième instance même si les conditions restrictives de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réalisées. D’après l’art. 296 al. 1 CPC, le juge d’appel doit rechercher lui-même les faits d’office et peut donc ordonner l’administration de tous les moyens de preuve propres et nécessaires à établir les faits pertinents pour rendre une décision conforme à l’intérêt de l’enfant. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que lorsque le procès est soumis à la maxime inquisitoire illimitée, il convient de considérer que l’application stricte de l’art. 317 al. 1 CPC n’est pas justifiée. Il y a donc lieu d’admettre que les parties peuvent dans un tel cas présenter des nova en appel même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (consid. 4.2.1).

Modification de la contribution d’entretien en cas de faits nouveaux importants et durables (art. 286 al. 2 CC) – rappel des principes. L’art. 286 al. 2 CC (par renvoi de l’art. 134 al. 2 CC) prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution due pour l’entretien de l’enfant sur demande des parents ou de l’enfant, si des faits nouveaux importants et durables surviennent, pour l’adapter aux circonstances nouvelles. Le caractère nouveau s’apprécie du fait qu’un élément n’a pas été pris en considération pour fixer la contribution d’entretien, sans tenir compte des circonstances futures. Le moment déterminant pour apprécier les faits nouveaux est la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce. La survenance d’un fait nouveau n’entraîne pas automatiquement une modification de la contribution d’entretien ; encore faut-il qu’un déséquilibre entre la charge d’entretien des deux parents apparaisse, en particulier lorsque l’un d’eux vit dans des conditions modestes. Une pesée des intérêts de l’enfant et de chacun des parents doit être effectuée (consid. 5.1).

Devoir d’assistance entre époux (art. 278 al. 2 CC) – rappel des principes. Le devoir général d’assistance entre époux selon l’art. 159 al. 3 CC, concrétisé à l’art. 278 al. 2 CC, implique que les conjoints doivent en principe s’entraider financièrement pour l’éducation des enfants issus d’une précédente union ou nés hors mariage. Ce devoir est toutefois subsidiaire (par exemple, comme dans le cas d’espèce, à l’imputation d’un revenu hypothétique) (consid. 7.1).

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Modification du jugement de divorce Entretien Procédure Publication prévue

Commentaire de l'arrêt TF 5A_788/2017 - ATF 144 III 349 (f)

François Bohnet

Avocat spécialiste FSA droit du bail, LL.M., Dr en droit, Professeur à l'Université de Neuchâtel

Maxime inquisitoire illimitée et nova en appel

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Mariage

Mariage

TF 5A_380/2018 (d) du 16 août 2018

Mariage; droit de visite; protection de l’enfant; art. 4, 273, 274a CC

Droit aux relations personnelles (art. 273 et 274a CC) – Rappel. En vertu de l’art. 273 CC, le père ou la mère qui ne détient pas l’autorité parentale ou la garde et l’enfant mineur ont réciproquement le droit d’entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Dans des circonstances exceptionnelles, le droit d’entretenir des relations personnelles peut aussi être accordé à d’autres personnes, en particulier à des membres de la parenté, à condition que ce soit dans l’intérêt de l’enfant (art. 274a CC). L’art. 274a CC vise en particulier à rendre possibles les relations personnelles entre les grands-parents et leurs petits-enfants (consid. 3.1).

Conditions de l’art. 274a CC. Le droit aux relations personnelles du tiers suppose, d’une part, des circonstances exceptionnelles et, d’autre part, la promotion de l’intérêt de l’enfant. En effet, les relations personnelles ne doivent se justifier que par l’intérêt de l’enfant, à l’exclusion de l’intérêt du tiers. De plus, il ne suffit pas que le bien-être de l’enfant ne soit pas lésé par les contacts avec le tiers, mais il est nécessaire que ces contacts aient un effet positif sur l’enfant. En particulier, le droit aux relations personnelles doit être refusé s’il existe un profond conflit entre les parents et le tiers, exposant l’enfant à un conflit de loyauté. S’agissant des grands-parents, les relations personnelles sont présumées servir l’intérêt de l’enfant, à plus forte raison lorsque l’un des deux parents est décédé. Un tel décès constitue une circonstance exceptionnelle au sens de l’art. 274a CC. Les autorités cantonales disposent d’une grande marge d’appréciation (4 CC) et le Tribunal fédéral fait preuve de retenue (consid. 3.2).

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Mesures protectrices

Mesures protectrices

TF 5A_463/2017 - ATF 144 III 442 (d) du 10 juillet 2018

Mesures protectrices; autorité parentale; audition de l’enfant; protection de l’enfant; procédure; art. 307, 310 CC; 6 CEDH

Obligation relative de tenir une audience publique dans une procédure de droit matrimonial (cf. art. 6 CEDH). L’obligation de tenir une audience publique n’est pas absolue. D’abord, les parties pourraient, explicitement ou tacitement, renoncer à une telle audience. Ensuite, des exceptions sont autorisées. Les affaires en droit de la famille dans lesquelles les membres de la famille, mais aussi des privés, se font face, entrent en principe dans la catégorie exceptionnelle de « protection de la vie privée des parties aux procès ». En revanche, s’il s’agit d’affaires de droit de la famille dans lesquelles l’Etat et une personne privée se font face (p. ex. pour une privation de la garde ou le placement d’un enfant chez un tiers), la publicité ne peut pas être exclue de manière générale au regard de la « protection de la vie privée » ; l’exclusion nécessite une motivation particulière, en fonction des circonstances d’espèce (consid. 2.2 et 2.6).

Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 310 CC). Si la mise en danger de l’enfant ne peut pas être combattue autrement, l’autorité de protection de l’enfant retire l’enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). Lorsqu’un enfant a vécu longtemps chez des parents nourriciers, l’autorité de protection de l’enfant peut interdire aux père et mère de le reprendre (art. 310 al. 3 CC) (consid. 4.1). Est également visé le cas d’espèce, dans lequel, après le décès du parent qui s’occupait de l’enfant, il faut veiller à ce que l’enfant reste dans l’environnement connu jusqu’à présent et qu’il ne retourne pas chez le parent survivant (consid. 4.2).

Mise en danger grave du développement de l’enfant au sens de l’art. 310 al. 3 CC – Critères. Le passage de l’enfant du parent nourricier au parent juridique peut mettre gravement en danger le développement de l’enfant (art. 310 al. 3 CC). Le facteur décisif est de savoir si le lien psychologique entre le parent concerné et l’enfant est intact et si sa capacité d’élever un enfant et son sens des responsabilités justifient un transfert de la garde au regard de l’intérêt de l’enfant. Il faut mettre en balance le droit du parent à une prise en charge personnelle et l’intérêt de l’enfant à une relation stable et à un soutien approprié. Sont aussi pris en compte le souhait de l’enfant concerné, son âge et la durée de la solution actuelle de prise en charge. Les causes de la mise en danger de l’enfant en cas de retour chez le parent sont sans importance. De même, il importe peu que le parent soit en faute (consid. 4.3). La volonté de l’enfant n’équivaut pas forcément au bien de l’enfant. Un enfant ne peut pas déterminer si et à quelles conditions il a des contacts avec le parent qui n’a pas l’autorité parentale ou la garde. Toutefois, sa volonté exprimée doit être prise en compte à mesure qu’il grandit et être respectée lorsqu’il est bientôt majeur et refuse des relations personnelles avec un parent (consid. 4.5.5).

Portée de l’art. 310 al. 3 CC. L’art. 310 al. 3 CC vise à empêcher qu’un enfant, placé librement chez des tiers, chez qui il a vécu longtemps et pris de fortes racines, soit inopinément retiré de son milieu d’accueil, avec des risques sérieux pour son développement physique et psychique. Les père et mère qui, malgré le placement de leur enfant chez des tiers, se sont efforcés d’aménager et d’entretenir une relation personnelle avec lui n’ont pas à craindre de se voir opposer avec succès l’art. 310 al. 3 CC à leur intention sérieuse de s’occuper un jour de l’enfant et de l’élever. Mais le parent n’a pas un droit inconditionnel à une restitution du droit de déterminer le lieu de résidence. L’enfant doit être protégé contre un changement de prise en charge qui compromettrait son bien (consid. 4.5.6).

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TF 5A_369/2018 (f) du 14 août 2018

Mesures protectrices; audition de l’enfant; garde; droit de visite; procédure; art. 99 al. 1 LTF; 317 al. 1 CPC; 176 al. 3 et 273 al. 1 CC

Admission de nova pour des faits rendus pertinents par la décision attaquée (art. 99 al. 1 LTF, 317 al. 1 CPC). Les faits et moyens de preuve nouveaux sont prohibés, à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente. Cette exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée (consid. 2.3). À partir du début des délibérations – soit dès la clôture des débats –, les parties ne peuvent en principe plus introduire de nova, même si les conditions de l’article 317 al. 1 CPC sont réunies (consid. 2.3.2). En l’espèce, les pièces invoquées par la recourante attestant que la thérapie mère-fille avait été interrompue par l’intimé, produites après la décision cantonale qui avait ordonné ladite thérapie, ne sont pas des circonstances qui rendent de tels moyens nouveaux recevables devant le Tribunal fédéral, l’exception prévue par l’article 99 al. 1 LTF n’étant pas réalisée (consid. 2.3.1 et 2.3.2).

Organisation de la vie séparée en fonction du bien de l’enfant (art. 176 al. 3 CC). Rappel des critères (consid. 4.1).

Droit aux relations personnelles (art. 273 al. 1 CC) – avis de l’enfant. La réglementation du droit de visite ne saurait dépendre seulement de la volonté de l’enfant, notamment lorsqu’un comportement défensif de celui-ci est principalement influencé par le parent gardien. Il s’agit d’un critère parmi d’autres ; admettre le contraire conduirait à mettre sur un pied d’égalité l’avis de l’enfant et son bien. Le bien de l’enfant ne se détermine pas seulement en fonction de son point de vue subjectif, mais également de manière objective, en considération de son évolution future. Pour apprécier le poids qu’il convient d’accorder à l’avis de l’enfant, son âge, sa capacité à se forger une volonté autonome ainsi que la constance de son avis sont centraux. Lorsque l’enfant adopte une attitude défensive envers le parent qui n’en a pas la garde, il faut, dans chaque cas particulier, déterminer les motivations qu’a l’enfant et si l’exercice du droit de visite risque réellement de porter atteinte à son intérêt. Néanmoins, il demeure que, si un enfant capable de discernement refuse de manière catégorique et répétée, sur le vu de ses propres expériences, d’avoir des contacts avec l’un de ses parents, il faut les refuser (consid. 5.1). Les parents doivent accorder au mineur la liberté correspondant à son degré de maturité et prendre en considération son opinion concernant l’acceptation ou le refus des relations personnelles. Le refus d’enfants âgés de 12 à près de 18 ans d’avoir des contacts personnels avec un parent devrait être respecté, surtout pour les plus âgés. Au demeurant, selon certains auteurs, des relations personnelles ordonnées judiciairement avec lesquelles l’enfant est en désaccord ont sur la durée des effets négatifs sur la relation entre l’enfant et le parent concerné (consid. 5.2).

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TF 5A_892/2017 (d) du 23 août 2018

Mesures protectrices; protection de l’enfant; procédure; art. 447, 450 CC, 76 al. 1 LTF

Qualité pour recourir contre une décision de l’autorité de protection de l’adulte (art. 450 al. 1 ch. 2 CC). Dans le cadre d’une procédure cantonale, les personnes proches d’une personne partie à une procédure peuvent recourir sur la base de l’art. 450 al. 1 ch. 2 CC. Ainsi, le proche d’une personne concernée par une mesure imposée par l’autorité de protection de l’enfant est habilité à recourir contre la décision de ladite autorité. En revanche, devant le Tribunal fédéral, la qualité pour recourir est exclusivement régie par l’art. 76 al. 1 LTF. En particulier, le recourant ne peut pas faire valoir des intérêts de tiers (consid. 4.3). En l’espèce, la mère d’une fille handicapée recourt au Tribunal fédéral contre la décision de l’autorité de protection de l’enfant pour des motifs tenant à l’audition de sa fille (violation de son droit d’être entendu, art. 447 CC) et à son placement dans un foyer. La qualité pour recourir lui est déniée parce qu’elle fait valoir les intérêts de sa fille qui sont sauvegardés par un curateur de représentation et un avocat, et non pas un intérêt propre et digne de protection (consid. 4.4).

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Divorce

Divorce

TF 5A_883/2017 (d) du 21 août 2018

Divorce; autorité parentale; garde; droit de visite; procédure; art. 273, 275 al. 3, 308 al. 2, 314 al. 1, 419, 250 al. 1 CC

L’intérêt de l’enfant comme principe de base de l’art. 273 CC. Le principe de base pour fixer les relations personnelles (art. 273 CC) est l’intérêt de l’enfant, évalué en fonction des circonstances de chaque cas. Bien que le droit de visite fasse partie des droits de la personnalité des parents, l’intérêt de l’enfant l’emporte sur les intérêts des parents. De plus, le droit de visite est non seulement un droit mutuel des parents et de l’enfant, mais aussi un devoir. Ainsi, décider si un droit de visite qui n’a pas eu lieu peut ou doit être rattrapé ne dépend pas d’une éventuelle responsabilité du parent, mais de savoir si un tel rattrapage irait dans l’intérêt de l’enfant (consid. 3.2).

Organisation des relations personnelles. Quand il existe des tensions entre les parents au sujet des relations personnelles, la réglementation du droit de visite devrait conduire à une stabilité, le but étant d’avoir une relation viable entre l’enfant et ses parents. Une certaine flexibilité permet d’éviter un exercice obligatoire des relations personnelles. L’art. 308 al. 2 CC permet d’attribuer au curateur la compétence de mettre en œuvre le droit aux relations personnelles et de préciser les modalités de chaque visite (par exemple déterminer le jour précis), mais pas celle de réglementer le droit de visite. En outre, l’intérêt de l’enfant exige des décisions rapides dans ce domaine. Par conséquent, des procédures simples et une répartition claire des compétences doivent être prévues (consid. 3.3).

Voies de recours. Si le parent est en désaccord avec une mesure prise par le curateur, il peut recourir auprès de l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (art. 314 al. 1 en relation avec l’art. 419 CC), puis auprès du tribunal compétent (art. 250 al. 1 CC) et enfin au Tribunal fédéral (art. 72 ss LTF) (consid. 3.3).

Restriction à l’autorité parentale. La restriction à l’autorité parentale découle du transfert du pouvoir de décision au curateur. Si aucun accord n’a été trouvé entre les parents et si aucune mesure n’est imposée, les relations personnelles ne peuvent être entretenues contre la volonté de la personne à qui la garde de l’enfant est confiée (art. 275 al. 3 CC). Si une mesure peu claire a été prise, interprétée différemment par les détenteurs de l’autorité parentale, la décision appartient au curateur compétent. Les parents doivent donc suivre et exécuter les décisions du curateur (consid. 3.4).

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TF 5A_665/2018 (d) du 18 septembre 2018

Divorce; autorité parentale; garde des enfants; entretien; procédure; art. 301a al. 2, 315 CC

Critères à examiner pour autoriser un changement de lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 2 CC). Le Tribunal fédéral part du principe que l’intérêt de l’enfant exige que ce dernier reste avec la personne qui s’occupe principalement et effectivement de lui et, par conséquent, qu’il déménage avec elle. Il faut tenir compte en outre de l’âge et des souhaits de l’enfant. Quand les deux parents sont considérés comme personnes de référence, il faut décider du changement du lieu de résidence selon les critères applicables à l’attribution de la garde, à savoir la capacité à élever des enfants, la possibilité réelle de s’en occuper, la stabilité des relations, la langue et la scolarité de l’enfant, ainsi que, selon l’âge de l’enfant, ses déclarations et souhaits (consid. 4.1).

Effet suspensif – principes. Le droit de déterminer le lieu de résidence est désormais une composante de l’autorité parentale (art. 301a al. 1 CC), mais il influence la garde dans deux cas : premièrement, quand une garde alternée existait, le départ d’un parent rend souvent inévitable une attribution unique de la garde ; deuxièmement, quand le parent détenant la garde exclusive change le lieu de résidence de l’enfant de manière abusive, l’attribution de la garde doit être réexaminée. L’effet suspensif doit être décidé dans ce domaine selon les intérêts en cause, en distinguant la situation où c’est le parent qui avait jusqu’alors la garde exclusive qui souhaite déménager avec l’enfant de celle où les parents exerçaient une garde alternée qui ne peut plus être exercée en raison de la distance entre les lieux de résidence des parents (consid. 4.2.1).

Effet suspensif en cas de garde exclusive par un parent. Les enfants doivent dans ce cas rester en principe, pendant la procédure, chez le parent qui détenait la garde exclusive (et qui l’exerçait effectivement) et l’effet suspensif doit être décidé dans ce but. Le pronostic sur le fond plaide en faveur de l’approbation du départ, surtout quand les enfants sont petits et qu’il n’y a aucune raison manifeste de réévaluer la garde exclusive en raison du projet de déménagement du parent la détenant (consid. 4.2.1).

Effet suspensif en cas de garde alternée des deux parents. En revanche, en cas de garde alternée, un changement immédiat du lieu de résidence de l’enfant influence fortement le jugement à rendre puisque l’intérêt de l’enfant exige de prendre en compte la situation actuelle, éventuellement modifiée par le déménagement, et non la situation initiale. L’effet suspensif doit alors être refusé ou retiré avec une grande retenue et uniquement en cas d’urgence. En effet, quand la capacité d’éducation est établie chez les deux parents et que tous deux veulent et peuvent continuer à s’occuper de l’enfant, le principe de continuité requiert que le changement de résidence, sous réserve de circonstances particulières, n’ait pas déjà lieu durant la procédure (consid. 4.2.1).

Conséquence d’un départ à l’étranger. Une retenue générale doit être observée en cas de départ à l’étranger, même avec le parent qui s’occupe principalement de l’enfant, car le départ effectif vers un Etat partie à la Convention de La Haye fait perdre aux tribunaux suisses leur compétence (consid. 4.2.2).

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TF 5A_384/2018 - ATF 144 III 481 (d) du 21 septembre 2018

Divorce; protection de l’enfant; entretien; art. 125 al. 1 et al. 2 ch. 6, 163, 276a al. 1, 285 al. 2 CC

Méthode de calcul des contributions d’entretien. La loi n’impose pas une méthode spécifique pour le calcul des contributions d’entretien, mais le mélange de méthodes individuelles n’est pas admis. Vu la réforme du droit de l’entretien au 1er janvier 2017 qui complique les calculs et vu la mobilité intercantonale croissante, le Tribunal fédéral doit déterminer une méthodologie uniforme pour toute la Suisse dans ce domaine. Il a récemment fait un premier pas (TF 5A_454/2017) en imposant la méthode dite du coût de la vie. Il clarifie ici l’exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge l’enfant et les relations entre la contribution de prise en charge et l’entretien de l’ex-conjoint (consid. 4.1).

Contribution de prise en charge de l’enfant. L’art. 285 al. 2 CC, élément central de la révision de 2017, prévoit que la contribution d’entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l’enfant par les parents et les tiers. C’est une troisième composante de l’entretien, à côté de la contribution pécuniaire et de l’entretien en nature. La contribution pécuniaire doit couvrir les coûts (directs) de prise en charge par un tiers, à savoir les frais payés au tiers pour les soins, l’éducation et la formation de l’enfant. La contribution de prise en charge couvre les coûts (indirects) encourus par un parent qui, en raison de la prise en charge personnelle de l’enfant, est empêché d’avoir une activité lucrative pour subvenir à son propre entretien.

Idem. Relations avec les autres composantes de l’entretien. Si les ressources manquent, la contribution pécuniaire passe avant la contribution de prise en charge, parce qu’elle sert directement à la satisfaction des besoins matériels de l’enfant, tandis que la contribution de prise en charge est affectée économiquement au parent qui prend soin de l’enfant et ne couvre donc qu’indirectement les besoins de l’enfant (application par analogie de l’art. 276a al. 1 CC. L’obligation d’entretien envers l’enfant mineur prime l’entretien de la famille (art. 163 CC) et l’entretien après divorce (art. 125 CC). Ainsi, les fonds disponibles doivent servir d’abord à couvrir la contribution pécuniaire à l’entretien de l’enfant, puis à sa prise en charge et enfin à l’entretien de la famille ou après le divorce (consid. 4.3).

Idem. Principe de continuité. La contribution de prise en charge n’est pas un salaire pour les soins donnés à l’enfant, mais doit garantir la présence physique du parent auprès de l’enfant. Comme il appartient aux parents, et non à l’Etat, de se répartir librement les rôles, leur choix mérite d’être protégé au-delà de leur séparation (principe de continuité), car cela correspond en principe à l’intérêt de l’enfant. Le principe de continuité doit donc aussi être appliqué, indépendamment de l’état civil, à la contribution de prise en charge (consid. 4.4 et 4.5).

Idem. Exigibilité d’une activité lucrative du parent prenant en charge les enfants. Le principe de continuité ne vaut pas pour l’éternité. Il faut donc fixer des règles sur l’exigibilité d’une activité lucrative du parent séparé prenant l’enfant en charge, en acceptant le principe d’égalité entre la prise en charge par un parent ou par un tiers et donc en tenant compte de la disponibilité de structures d’accueil de l’enfance. En cas de désaccord entre les parents, le parent prenant en charge l’enfant n’a pas un droit unilatéral de choisir la forme de prise en charge de l’enfant, qui relève de l’exercice de l’autorité parentale. La question centrale est donc de savoir dans quelle mesure et pour combien de temps l’enfant a besoin d’une prise en charge personnelle par le parent dans le cas concret (consid. 4.6 et 4.7). La scolarisation de l’enfant libère progressivement le parent d’une partie de la prise en charge de l’enfant et constitue ainsi un critère approprié pour fixer de nouveaux paliers dans l’exigibilité d’une activité lucrative. Il faut dès lors exiger en principe du parent qui s’occupe de l’enfant qu’il exerce une activité rémunérée à 50% dès la scolarité obligatoire du plus jeune enfant, à 80% dès que l’enfant le plus jeune entre à l’école secondaire et à plein temps dès qu’il atteint l’âge de 16 ans (consid. 4.7.6). Par ailleurs, le tribunal de première instance devra vérifier dans les faits si le parent qui s’occupe de l’enfant ne peut pas être déchargé autrement que par la scolarité obligatoire (par exemple : placement de l’enfant dans une crèche avant la scolarité obligatoire). On sait que dans la plupart des ménages communs, les deux parents travaillent ; il n’y a pas de raison qu’il en aille autrement dans les ménages séparés, d’autant moins qu’une telle situation entraine des coûts plus élevés (consid. 4.7.7). En résumé, il faut retenir comme lignes directrices premièrement qu’on peut exiger du parent prenant en charge un enfant qu’il prenne, reprenne ou étende son activité lucrative dès le début de la scolarité obligatoire et deuxièmement que le juge prenne en compte équitablement la décharge du parent découlant de la prise en charge volontaire de l’enfant par des tiers, avant ou à côté de l’école (consid. 4.7.8). Des dérogations à ces lignes directrices restent bien sûr possibles dans des cas particuliers (consid. 4.7.9).

Application des nouvelles lignes directrices à l’entretien entre (ex-)conjoints. Le mariage a perdu son caractère d’ « institution de prévoyance » et le taux de divorce approche 50%. On ne peut dès lors plus vraiment parler de la confiance digne de protection dans la continuation du mariage. Il faut tenir compte des changements sociaux et également du développement de la prise en charge des enfants par des tiers, à laquelle recourent la majorité des parents. Ainsi, l’entretien dû à un (ex-)conjoint doit suivre les mêmes lignes directrices que celles posées aux consid. 4.7.6 ss (consid. 4.8.2).

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Commentaire l'arrêt TF 5A_384/2018 - ATF 144 III 481 (d)

Sabrina Burgat

Professeure à l'Université de Neuchâtel

Les nouvelles lignes directrices du Tribunal fédéral en matière de contributions d’entretien en droit des familles

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TF 5A_393/2018 (d) du 21 août 2018

Divorce; protection de l’enfant; procédure; art. 315a CC

Délimitation entre la compétence de l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte et celle des tribunaux civils (art. 315a CC). L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) dispose d’une compétence décisionnelle générale en matière de protection de l’enfant. La distinction entre la compétence matérielle de l’APEA et celle des tribunaux dans les procédures de droit matrimonial n’est pas très claire. Le défaut de compétence matérielle n’est donc pas facilement perceptible, et la sanction de la nullité, en particulier pour des mesures de protection de l’enfant souvent urgentes, compromettrait considérablement la sécurité du droit. En général, les mesures de protection de l’enfant sont ordonnées par l’APEA (art. 315 al. 1 CC). Si une procédure matrimoniale est pendante et que le tribunal est chargé d’aménager la relation entre les parents et les enfants, il prend également les mesures nécessaires de protection de l’enfant (art. 315a al. 1 CC). Mais l’APEA demeure compétente pour poursuivre une procédure de protection de l’enfant introduite avant la procédure judiciaire et pour prendre les mesures immédiatement nécessaires à la protection de l’enfant lorsqu’il est probable que le juge ne pourra pas les prendre à temps (art. 315a al. 3 CC). Dans certaines circonstances, l’APEA est elle-même compétente pour modifier les mesures judiciaires. Au vu de ce qui précède, il faut reconnaître à l’APEA un pouvoir général de décision dans le domaine de la protection de l’enfant (consid. 2.2.2).

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TF 5A_95/2018 (d) du 29 août 2018

Divorce; entretien; revenu hypothétique; liquidation du régime matrimonial; procédure; art. 125 al. 1, 179 al. 1, 201 al. 1, 208 CC; 55 al. 1, 277 al. 1 CPC

Prise en compte d’un revenu hypothétique dans le calcul de la contribution d’entretien après divorce (art. 125 al. 1 CC) – Rappel. Lors de l’évaluation de la contribution d’entretien, le revenu effectivement obtenu du débiteur d’entretien constitue le point de départ. Si ce revenu ne suffit pas pour couvrir les besoins établis, on peut tenir compte d’un revenu hypothétique, pour autant que ce dernier paraisse raisonnable et réalisable. Deux conditions doivent alors être remplies cumulativement : d’une part que l’on puisse raisonnablement exiger de la partie concernée des efforts supplémentaires, d’autre part que ces efforts soient susceptibles de rapporter un revenu plus élevé. La question de savoir quelle activité est raisonnablement exigible est une question de droit. Relève en revanche du fait la question de savoir si cette activité est réellement possible et combien elle rapporterait (consid. 2.1.1).

Maxime applicable en matière de contribution d’entretien après divorce (art. 277 al. 1 CPC) – Rappel. La maxime des débats s’applique concernant les contributions d’entretien après le divorce (art. 277 al. 1 CPC). Les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s’y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) (consid. 2.2.3).

Liquidation du régime matrimonial – Réunion aux acquêts (art. 208 CC). D’après l’art. 208 CC, sont réunis aux acquêts, en valeur, d’une part, les biens qui en faisaient partie et dont l’époux a disposé par libéralités entre vifs sans le consentement de son conjoint dans les cinq années antérieures à la dissolution du régime, à l’exception des présents d’usage, et d’autre part, les aliénations de biens d’acquêts qu’un époux a faites pendant le régime dans l’intention de compromettre la participation de son conjoint (consid. 3.1). Il est de notoriété publique que les personnes qui vivent en Suisse, mais qui sont originaires d’un pays dont le niveau de vie est très bas, subviennent dans une certaine mesure aux besoins de leur famille dans leur pays d’origine. Par conséquent, l’(ex-)conjoint devait présumer que son (ex-)époux d’origine étrangère se conformait à cette pratique. Ainsi, le défaut de consentement, exprès ou tacite, du premier ne permet en principe pas de réunir aux acquêts les sommes versées dans ce cadre (consid. 3.2).

Utilisation par un époux de ses biens et droits de l’autre époux (art. 170 al. 1, 201 al. 1, 208 CC). L’art. 201 al. 1 CC permet à un conjoint de gérer son propre patrimoine sans le consentement de l’autre. Le consentement de l’autre conjoint aux libéralités usuelles au sens de l’art. 208 CC doit être présumé. Une réunion aux acquêts ne doit être faite que si l’époux avait protesté contre les libéralités faites. Pour les libéralités qui dépassent la valeur des présents d’usage ou qui sont faites dans l’intention de léser l’autre époux (art. 208 al. 1 ch. 2 CC), la contestation doit être présumée. Par ailleurs, l’art. 170 CC octroie le droit à chaque époux de demander à son conjoint qu’il le renseigne sur ses revenus, ses biens et ses dettes. L’époux qui connaît l’existence d’un prêt consenti à son conjoint et qui omet de demander des renseignements donne un consentement tacite à l’utilisation de l’argent prêté (consid. 3.3).

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TF 5A_1005/2017 (d) du 23 août 2018

Divorce; entretien; revenu hypothétique; procédure; art. 179 al. 2 CC, 276 al. 2 CPC, 105, 107 al. 2 LTF

Modification des mesures protectrices de l’union conjugale, art. 179 al. 1 CC. A la requête d’un époux, le juge ordonne les modifications commandées par les faits nouveaux et lève les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n’existent plus. Les dispositions relatives à la modification des droits et devoirs parentaux en cas de divorce sont applicables par analogie (art. 179 al. 1 CC en relation avec l’art. 276 al. 2 CPC). Cela suppose que, depuis l’arrêt ayant force de chose jugée, une modification importante et durable des circonstances se soit produite. En revanche, une demande de modification ne peut pas être fondée sur le fait que les circonstances initiales ont été mal appréciées d’un point de vue juridique ou factuel. En effet, la procédure de modification n’a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l’adapter aux circonstances nouvelles. Si la condition du changement important et durable des circonstances est remplie, le tribunal fixe le montant de la contribution d’entretien, en usant de son pouvoir d’appréciation. Pour ce faire, les autres éléments de calcul qui fondent la décision à modifier sont aussi mis à jour, sans qu’il soit nécessaire que la modification survenue dans ces autres éléments constitue également un fait nouveau (consid. 3.1.1).

Contributions d’entretien – Revenu hypothétique. Pour fixer les contributions d’entretien, le tribunal peut s’écarter de la capacité financière réelle du débirentier (ou du créancier d’aliments) et retenir un revenu hypothétique, dans la mesure où il est raisonnable et possible que le conjoint concerné puisse obtenir un revenu supérieur à son revenu effectif. Le revenu d’un conjoint comprend non seulement le revenu du travail, mais aussi le revenu tiré de sa fortune. Si un conjoint n’a pas investi sa fortune ou l’a investie à un taux de rendement insuffisant, alors que la réalisation d’un rendement adéquat serait possible, un revenu hypothétique peut lui être imputé. Il est également possible de retenir un revenu hypothétique en cas de diminution de revenu dont le débirentier n’est pas responsable, parce que le devoir légal d’entretien a pour conséquence que le débiteur doit faire tout son possible et épuiser toutes ses capacités économiques afin de générer les revenus nécessaires. Lorsque le débirentier diminue ses revenus avec l’intention délibérée de nuire, une modification de la contribution d’entretien doit être exclue alors même que la diminution de revenu est irrémédiable (consid. 3.1.2). Autrement dit, une exception à la règle selon laquelle le juge ne peut imputer un revenu hypothétique que si la personne concernée peut effectivement l’obtenir présuppose que cette personne ait réduit sa capacité économique avec l’intention de causer un préjudice (consid. 3.4.1).

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TF 5A_172/2018 (f) du 23 août 2018

Divorce; entretien; partage de la prévoyance; art. 4, 122, 125, 276a al. 1 CC; 7d al. 2 Tit. fin. CC

Mode de calcul de la contribution d’entretien de l’époux après divorce (art. 4 et 125 CC). La loi n’impose pas de mode de calcul particulier pour fixer le montant de la contribution d’entretien de l’époux et les tribunaux jouissent d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC). En cas de situation financière favorable, dans laquelle les frais supplémentaires liés à l’existence de deux ménages séparés sont couverts, il faut recourir à la méthode fondée sur les dépenses indispensables au maintien du train de vie durant la vie commune, qui implique un calcul concret. Il incombe au créancier de la contribution d’entretien de démontrer les dépenses nécessaires à son train de vie. Toutefois, il est admissible de recourir à la méthode du minimum vital élargi avec répartition de l’excédent, lorsque les époux dépensaient l’entier de leurs revenus (par exemple s’ils ne réalisaient pas d’économies ou lorsque l’époux débiteur ne démontre pas une quote-part d’épargne) ou lorsque, en raison des frais supplémentaires liés à l’existence de deux ménages séparés, la quote-part d’épargne existant jusqu’alors est entièrement absorbée par l’entretien courant. Cette méthode permet alors de tenir compte adéquatement du niveau de vie antérieur et des restrictions exigibles à celui-ci (consid. 4.2). Le mélange des méthodes de calcul est prohibé (consid. 4.3).

Primauté de l’entretien de l’enfant mineur (art. 276a al. 1 CC). Le nouvel article 276a al. 1 CC prévoit désormais non seulement que le droit à l’entretien de l’enfant mineur prévaut sur celui des autres créanciers d’entretien, mais également que cette primauté porte sur l’entretien convenable de l’enfant et plus seulement sur son minimum vital (consid. 4.3).

Droit transitoire au partage de la prévoyance (art. 7d al. 2 Tit. fin. CC). Les procès en divorce pendants devant une instance cantonale sont soumis au nouveau droit dès l’entrée en vigueur de la modification des art. 122 ss CC, soit le 1er janvier 2017. Selon l’article 122 CC (teneur au 1er janvier 2017), les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux (consid. 5.2). Le texte clair de l’article 7d al. 2 Tit. fin. CC ne souffre pas d’interprétation. Seul est déterminant pour l’application du nouveau droit le fait que la décision par laquelle le juge a ordonné le partage des prestations de sortie a été prise après le 1er janvier 2017 (consid. 5.3).



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TF 5A_64/2018 (f) du 14 août 2018

Divorce; entretien; procédure; art. 179, 285 al. 2 CC; 276 al. 2 CPC

Modification des mesures protectrices en procédure de divorce – rappel des critères liés aux faits nouveaux (art. 179 CC, 276 al. 2 CPC). Les mesures protectrices de l’union demeurent en vigueur même au-delà de l’ouverture de la procédure de divorce. Le juge des mesures provisionnelles ne peut les modifier que si des faits nouveaux sont survenus (consid. 3.1).

Contribution de prise en charge – calcul des frais de subsistance (art. 285 al. 2 CC). La contribution d’entretien en faveur de l’enfant sert aussi à garantir sa prise en charge par les parents et les tiers. Cela implique que le parent qui assure la prise en charge puisse subvenir à ses propres besoins tout en s’occupant de l’enfant et que ses frais de subsistance soient garantis, dans l’intérêt de l’enfant. Pour calculer les frais de subsistance, il faut se baser sur le minimum vital du droit de la famille. On ne peut prendre comme référence le train de vie au risque de créer un déséquilibre. Ce qui compte pour l’enfant, c’est que le parent débiteur paie pour sa prise en charge, en permettant financièrement à l’autre parent de s’occuper de lui (consid. 5.3 ; cf. analyse de l’arrêt du TF 5A_454/2017 du 17.05.2018, Newsletter de septembre 2018).

Maintien du train de vie antérieur. La pension du conjoint ne doit pas lui permettre de bénéficier d’un train de vie supérieur à celui qui était le sien durant la vie commune (consid. 7).

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TF 9C_149/2017 (f) du 10 octobre 2018

Divorce; partage prévoyance; art. 122 aCC; 2 al. 3, 22 et 26 LFLP; 8a OLP; 12 OPP2

Partage de la prévoyance professionnelle ; taux d’intérêts des avoirs à transférer (art. 122 aCC ; 2 al. 3, 22 et 26 LFLP ; 8a OLP et 12 OPP2). Lorsque, dans le cadre d’une procédure de divorce, les prestations de sortie sont partagées, le montant à transférer à l’époux bénéficiaire du partage porte intérêts depuis le moment où le divorce est prononcé jusqu’au moment du transfert effectif. Selon la jurisprudence, il convient d’appliquer le taux d’intérêts légal fixé à l’art. 12 OPP2. Si le taux réglementaire est supérieur, il convient d’appliquer ce dernier (consid. 5.1).

Dans le cas d’espèce, se pose la question du taux d’intérêts à appliquer dans l’hypothèse où, entre le moment du divorce et celui du transfert effectif, les avoirs de prévoyance sont déposés sur un compte de libre-passage auprès d’un établissement bancaire pratiquant un taux d’intérêts inférieur au taux légal (consid. 5.2, 5.2.1, 5.2.2 et 5.2.3).

Considérant que le partage de la prévoyance après divorce a pour objectif de favoriser la prévoyance de l’époux bénéficiaire du partage, celui-ci doit voir les montants qui lui reviennent rémunérés de la même manière que si le transfert était opéré au moment du divorce. Le taux d’intérêts déterminant est donc le taux légal fixé à l’art. 12 OPP2, même si les avoirs de l’époux débiteur ont été crédités d’intérêts inférieurs (consid. 5.2.4).

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TF 9C_299/2018 (i) du 25 juillet 2018

Divorce; partage prévoyance; procédure; art. 122 aCC; 7d Tit. fin. CC; 283 al. 1, 315 al. 1 et 407b al. 2 CPC

Partage de la prévoyance après divorce ; droit transitoire ; renvoi au tribunal cantonal des assurances (art. 7d Tit. fin. CC et 122 aCC). Pour un résumé des faits : un jugement de divorce est rendu en mai 2015. Un appel est déposé à l’encontre de ce jugement, sans toutefois remettre en cause le chiffre du dispositif qui traite du partage de la prévoyance professionnelle et renvoie la cause au tribunal cantonal des assurances pour qu’il détermine la quotité du partage. L’arrêt sur appel est rendu au mois d’août 2017, après quoi le dossier est transmis au tribunal cantonal des assurances, qui fixe le montant des avoirs à partager selon les règles de l’ancien droit, applicable jusqu’au 31 janvier 2016. L’époux, désavantagé par ce calcul, recourt au Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral rappelle la règle transitoire de l’art. 7d Tit. fin. CC, selon laquelle le nouveau droit s’applique aux procédures de divorce pendantes devant un tribunal civil au 31 décembre 2016, la seule circonstance déterminante étant de savoir si le jugement cantonal de première ou de deuxième instance est rendu avant ou après cette date (consid. 4.2.1).

Unité du jugement de divorce ; exceptions (art. 283 al. 1, 315 al. 1 et 407b al. 2 CPC). Par exception au principe de l’unité du jugement de divorce (cf. consid. 5.2), l’art. 407b al. 2, 2e phrase, prévoit l’entrée en force des points du dispositif du jugement de divorce qui n’ont pas été attaqués en deuxième instance (consid. 4.2.2). En l’espèce, le sort réservé au partage de la prévoyance par le jugement de première instance n’a pas été remis en cause dans le cadre de la procédure d’appel, de sorte qu’au 1er janvier 2017, aucun tribunal civil n’était saisi de cette question (consid. 5.1). Sans plus d’explications – vraisemblablement à cause d’une argumentation insuffisante du recourant à ce sujet, le Tribunal fédéral confirme que les juges cantonaux ont, à juste titre, nié le lien matériel entre le partage de la prévoyance et les modalités de l’attribution du logement commun, la liquidation du régime matrimonial et la pension alimentaire, qui aurait éventuellement permis, conformément à l’art. 407b al. 2 in fine CPC, de revenir sur le partage de la prévoyance. En conséquence, c’est à bon droit que le tribunal cantonal des assurances a déterminé les prestations de sortie à partager conformément à l’ancien droit, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016 (consid. 5.2).

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TF 5A_96/2018 (d) du 13 août 2018

Divorce; procédure; art. 279 al. 1 CPC

Modification d’une convention de divorce (art. 279 al. 1 CPC). En vertu de l’art. 279 al. 1 CPC, le tribunal ratifie la convention sur les effets du divorce après s’être assuré que les époux l’ont conclue après mûre réflexion et de leur plein gré, qu’elle est claire et complète et qu’elle n’est pas manifestement inéquitable. L’approbation de la convention peut être remise en cause pour violation de l’article 279 al. 1 CPC, selon la valeur litigieuse, par un appel ou un recours. Si une convention de divorce a déjà été signée et approuvée, l’unique moyen à disposition pour la partie qui la conteste est de demander judiciairement la non-ratification de la convention, en invoquant en particulier une modification notable des circonstances depuis la conclusion de la convention. Le juge doit alors déterminer si la convention semble manifestement inappropriée en raison du changement de circonstances allégué. Il dispose d’une large marge d’appréciation à cet égard (consid. 2.2.3). L’époux demandeur supporte le fardeau de l’allégation et de la preuve que les conditions d’approbation de la convention faisaient défaut (consid. 2.2.6).

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Modification du jugement de divorce

Modification du jugement de divorce

TF 5A_585/2018 (f) du 24 août 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; art. 277 al. 2 CC

Entretien de l’enfant majeur (art. 277 al. 2 CC). L’inexistence de relations personnelles attribuée au seul comportement de l’enfant justifie un refus de toute contribution d’entretien si l’attitude de l’enfant lui est imputable à faute, soit s’il a gravement violé ses devoirs (art. 272 CC) ou provoqué la rupture par un refus injustifié, une attitude gravement querelleuse ou une hostilité profonde. Une réserve particulière s’impose envers des parents divorcés car il faut tenir compte des vives émotions et des tensions résultant du divorce. Néanmoins, si l’enfant persiste, après être devenu majeur, dans son attitude de rejet, bien que le parent non gardien se soit comporté correctement envers lui, cette attitude inflexible lui est imputable à faute. Le juge jouit d’un large pouvoir d’appréciation (consid. 3.1).

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TF 5A_309/2018 (f) du 31 juillet 2018

Modification de jugement de divorce; entretien; procédure; art. 93 al. 1 let. a LTF; 1er et 7a Tit. fin. CC

Application par analogie de la théorie de la double pertinence pour admettre la recevabilité du recours contre une décision de mesures provisionnelles pouvant potentiellement créer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Les mesures provisionnelles relatives à une procédure en modification d’un jugement de divorce sont des décisions incidentes qui ne sont sujettes à recours immédiat que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Lorsque l’examen de l’existence d’un préjudice irréparable découlant du refus par décision de mesures provisionnelles de suspendre la contribution d’entretien de l’ex-épouse avec effet immédiat suppose de résoudre une question qui se recoupe avec le fond du litige, à savoir déterminer si le minimum vital de la famille est touché, il convient d’entrer en matière sur le recours et de trancher au fond la question de l’atteinte au minimum vital (application par analogie de la « théorie de la double pertinence ») (consid. 1.1).

Application de l’ancien droit à la procédure de modification de jugement de divorce (art. 1er et 7a Tit. Fin. CC). Selon le droit transitoire, le divorce est régi par le nouveau droit dès l’entrée en vigueur de la loi fédérale du 26 juin 1998. La nouvelle loi ne rétroagit cependant pas à l’égard des mariages valablement dissous sous l’ancien droit (art. 7a al. 1 et 2 Tit. fin. CC). C’est le principe général de non-rétroactivité posé aux articles 1er et 7a al. 3 Tit. fin. CC. La modification du jugement de divorce rendu selon l’ancien droit est ainsi régie par l’ancien droit, sous réserve toutefois des dispositions relatives aux enfants et à la procédure. Les indemnités et pensions fixées selon les articles 151 et 152 aCC ne peuvent dès lors être modifiées judiciairement que conformément à l’ancien droit, en particulier l’article 153 aCC. La date du prononcé du divorce constitue le moment déterminant. Une convention privée entre époux conclue après l’entrée en vigueur du nouveau droit, mais sans ratification judiciaire, n’emporte pas l’application du nouveau droit, dès lors que la divorce a été prononcé sous l’ancien droit (consid. 4.3.1 et 4.3.2).

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Couple non marié

Couple non marié

TF 5A_397/2018 (d) du 16 août 2018

Couple non marié; autorité parentale; garde; art. 301a CC

Changement du lieu de résidence de l’enfant (art. 301a CC). Il existe une étroite interdépendance entre l’autorisation de déménagement et l’adaptation de la règlementation relative à la garde, aux relations personnelles et à l’entretien, de sorte que ces questions ne peuvent être évaluées séparément. Le mode de prise en charge vécu jusqu’alors constitue le point de départ des réflexions. Si les enfants ont été pris en charge jusqu’alors dans la même mesure par les deux parents et que ceux-ci sont disposés à continuer à le faire, il faut s’appuyer sur d’autres critères pour déterminer la solution qui sert le mieux les intérêts de l’enfant. Si, en revanche, le parent désireux de déménager était jusqu’alors celui avec qui était établie la relation exclusive ou principale, on considère que c’est généralement dans l’intérêt des enfants que ceux-ci déménagent avec ce parent. En l’espèce, trois ans se sont écoulés depuis le départ effectif du parent avec l’enfant, si bien que la situation au moment du départ n’est plus décisive. L’intérêt de l’enfant commande que l’évaluation se réfère à la situation actuelle (consid. 4.1).

Rôle de la liberté d’établissement des parents. L’art. 301a CC ne couvre que le changement du lieu de résidence de l’enfant et pas le déménagement du parent (consid. 1.4). L’art. 301a al. 2 CC est cependant fondé sur la liberté d’établissement des parents qui ont le droit de décider librement le lieu de leur résidence. En cas de transfert du lieu de résidence de l’enfant, cela signifie qu’il n’est pas nécessaire de rechercher les motifs du départ du parent ou d’examiner quelle serait théoriquement la meilleure situation globale pour l’enfant. Il faut bien plutôt accepter le fait qu’un parent est parti et se demander, dans l’hypothèse du départ ou en fonction du départ déjà effectué, dans quel ménage l’enfant devrait vivre. En cas de logements séparés, une garde alternée peut être mise en place à condition que les logements se situent à proximité ; cette exigence est plus élevée lorsque l’enfant a déjà commencé l’école (consid. 4.2). Si un parent ne se déplace manifestement que pour éloigner l’enfant de l’autre parent, ce motif peut devenir indirectement pertinent, car il remet en cause la capacité d’éducation et justifie de réexaminer l’attribution de la garde (consid. 4.3.2).

Critères d’approbation du changement de lieu de résidence. Les mêmes critères sont applicables pour l’approbation du transfert du lieu de résidence de l’enfant que pour l’attribution de la garde, à savoir principalement la capacité d’élever des enfants, la possibilité effective de les prendre en charge, la stabilité des relations, la langue et la scolarité de l’enfant et, en fonction de son âge, les déclarations et les souhaits de l’enfant. Alors que l’environnement domiciliaire et scolaire ainsi que le cercle d’amis deviennent importants pour les enfants plus âgés, les petits enfants sont plutôt attachés à la personne. Le poids des critères de stabilité et de continuité peut ainsi varier en fonction de l’âge de l’enfant (consid. 4.3.3).

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TF 5A_922/2017 (d) du 02 août 2018

Couple non marié; droit de visite; protection de l’enfant; procédure; art. 273, 446 CC

Maximes applicables (art. 446 CC) – Rappel des principes. La maxime d’office et la maxime inquisitoire sont applicables lorsque les intérêts de l’enfant sont en jeu. Cela découle de l’art. 446 CC, applicable non seulement devant l’autorité de protection de l’adulte, mais également dans le cadre d’une procédure de recours devant le tribunal cantonal en raison de l’effet dévolutif du recours. Le Tribunal fédéral examine avec un plein pouvoir de cognition, dans le cadre de la procédure de recours d’après les art. 72 ss LTF, si les instances cantonales ont respecté ces exigences fédérales (consid. 5.1).

Droit de visite (273 CC) et bien-être de l’enfant. Bien que le droit de visite fasse partie des droits strictement personnels des parents, il sert en premier lieu l’intérêt de l’enfant. Lors de la détermination du droit de visite, il ne s’agit pas de concilier les intérêts des parents, mais d’établir un contact personnel entre un parent et son enfant, qui soit centré sur le bien-être de ce dernier (consid. 6.1). S’il existe un conflit parental, il sera indispensable de réglementer le droit de visite de manière aussi précise que possible et quelque peu rigide (consid. 6.2).

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