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Droit matrimonial - Newsletter juin 2018

Editée par Bohnet F., Burgat S., Gay-Balmaz C., Guillod O., Müller A., Saul M., avec la participation de Dupont A.-S.


Nouveau droit du partage de la prévoyance

TF 5A_710/2017 (f) du 30 avril 2018

Divorce; liquidation du régime matrimonial; partage prévoyance; art. 122 et 205 al. 2 CC; 7d al. 2 tit. Fin. CC; 99 al. 1 LTF; 317 al. 2 CPC; 29 al. 1 Cst.

Date déterminante pour le partage de la prévoyance professionnelle (art. 7d al. 2 Tit. Fin. CC et 122 ss CC). Les procès en divorce pendants devant une instance cantonale sont soumis au nouveau droit dès l’entrée en vigueur de la révision des dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle, entrée en vigueur le 1er juin 2017. Le texte clair de l’art. 7d al. 2 Tit. fin. CC ne souffre aucune interprétation, si bien que les motifs pour lesquels la procédure a perduré au-delà de l’entrée en vigueur du nouveau droit ne sont pas pertinents quant à l’application du droit transitoire. Ainsi, en l’espèce, c’est à bon droit que le Tribunal cantonal a ordonné le partage avec effet au jour de l’introduction de la procédure en divorce. Le fait que le montant dû à la recourante ne porte pas intérêt jusqu’au jour de l’exécution du jugement n’est pas déterminant (consid. 5.1 et 5.2).

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Divorce Liquidation du régime matrimonial Partage prévoyance

Commentaire de l'arrêt TF 5A_710/2017 (f)

Anne-Sylvie Dupont

Professeure ordinaire à l'Université de Neuchâtel. Chaire de droit de la sécurité sociale. Avocate spécialiste FSA responsabilité civile et droit des assurances

Nouveau droit du partage de la prévoyance après divorce : quelques questions de droit transitoire

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Mesures protectrices

Mesures protectrices

TF 5A_888/2016 (d) du 20 avril 2018

Mesures protectrices; garde des enfants; procédure; art. 176 al. 3 CC

Garde alternée – rappel des critères. Lorsque les conditions sont remplies, la garde alternée peut être ordonnée contre la volonté de l’un des parents. En premier lieu, il convient d’examiner les compétences éducatives des parents, spécialement la capacité des parents de communiquer et de coopérer entre eux pour le bien de l’enfant. Le seul fait que l’un des parents s’oppose à la garde alternée ne permet pas de conclure que ce dernier n’est pas capable de coopérer. À l’inverse, s’oppose à la garde alternée le fait que les parents ne parviennent pas à coopérer et exposent leur enfant à leur sérieux conflit parental d’une manière manifestement incompatible avec son bien. En outre, il convient de tenir compte de la distance géographique entre les logements des parents et de la stabilité que peut apporter la continuation du modèle de prise en charge pratiqué avant la séparation. Ce dernier critère plaide en faveur de la garde alternée lorsque les parents prenaient déjà soin de l’enfant à tour de rôle avant leur séparation. Il faut également tenir compte de la possibilité des parents de prendre en charge l’enfant personnellement, de l’âge de l’enfant, de sa relation avec ses (demi-)frères et sœurs, de son intégration dans son environnement social plus large, ainsi que des souhaits de l’enfant, même s’il n’est pas encore capable de discernement. Le juge établit les faits d’office (art. 296 al. 1 CPC ; art. 446 cum 314 al. 1 CC) et détermine si des experts sont nécessaires pour interpréter et connaître la volonté réelle de l’enfant. Le bien de l’enfant constitue le critère déterminant. La garde alternée suppose, dans tous les cas, que les deux parents remplissent le critère des compétences éducatives. La pondération des autres critères dépend des circonstances concrètes du cas d’espèce (consid. 3.2.1).

Retenue du Tribunal fédéral. Le juge du fond dispose d’un large pouvoir d’appréciation concernant l’attribution de la garde et le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans son examen (consid. 3.2.2).

Diminution future du taux de travail. Lorsque les conditions sont remplies, les parents ont, tous les deux et dans la même mesure, le droit de participer à la prise en charge de l’enfant, le fait d’avoir une relation avec ses deux parents étant, en outre, bénéfique pour ce dernier. Cela vaut également lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents, actif à plein temps, souhaite participer à la prise en charge de l’enfant en diminuant son taux d’activité (consid. 3.3.2)

Degré de la preuve et preuve d’un fait futur. Dans la procédure (sommaire) de mesures protectrices de l’union conjugale, le degré de la preuve est limité à la simple vraisemblance. Par ailleurs, il n’est pas possible d’apporter la preuve stricte de faits futurs (consid. 3.3.2).

Weekends. Les weekends revêtent une importance centrale pour la vie de famille. Ainsi, en cas de garde alternée, il se justifie de fixer les moments de garde de telle sorte que les deux parents puissent, de manière comparable, passer des jours de weekend avec leur enfant. Il faut réserver les cas où une autre réglementation s’impose pour des raisons professionnelles (consid. 4.1).

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TF 5A_235/2018 (d) du 30 avril 2018

Mesures protectrices; droit de visite; procédure; art. 179 al. 1, 315 al. 1 et 315b al. 1 CC

Force formelle (mais non matérielle) de chose jugée des mesures protectrices. Les décisions de mesures protectrices de l’union conjugale n’acquièrent pas force matérielle de chose jugée, car elles peuvent être modifiées en tout temps, en cas de changement de circonstances (art. 179 al. 1 CC). Toutefois, elles acquièrent force formelle de chose jugée (consid. 2).

Compétence pour la modification d’un droit de visite fixé par le juge (art. 315 al. 1 et 315b al. 1 CC). En principe, la modification d’un droit de visite qui a été fixé par le juge entre dans la compétence générale de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant, prévue à l’art. 315 al. 1 CC. Sont réservés les trois cas dans lesquels l’art. 315b al. 1 CC prévoit la compétence du juge pour modifier les mesures judiciaires relatives à l’attribution et à la protection des enfants, à savoir dans la procédure de divorce, dans la procédure en modification d’un jugement de divorce et dans la procédure en modification des mesures protectrices de l’union conjugale (consid. 2).

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TF 5A_855/2017 (f) du 11 avril 2018

Mesures protectrices; entretien; art. 272 CC

Prise en compte du concubinage d’un ex-époux lors de la fixation d’une contribution d’entretien au stade des mesures protectrices. Lorsqu’il s’agit de fixer une contribution d’entretien en mesures protectrices ou provisoires, le concubinage de l’ex-époux débiteur de la contribution qui vit en communauté de toit et de table ayant pour but le partage des frais et dépenses doit être pris en considération dans la détermination de son minimum vital, peu importe la durée du concubinage. En règle générale, on considère que le concubin règle la moitié du loyer et que le minimum vital de l’époux vivant en concubinage est égal à la moitié du montant de base de deux adultes formant une communauté domestique durable. Il est possible de s’écarter de la répartition par moitié en ce qui concerne les frais communs (loyer, entretien de l’enfant), mais pas de la répartition par moitié du montant de base LP, car les charges de base du débiteur sont inférieures en raison de la vie commune. En l’espèce, le concubinage de l’époux étant incontesté, la cour cantonale n’a pas commis l’arbitraire en retenant un demi-montant de base LP (850.- CHF) pour couple (consid. 3.1. et 3.2).

Prise en compte de revenus non déclarés lors de la fixation d’une contribution d’entretien en mesures protectrices. La maxime inquisitoire dite sociale ou limitée s’applique aux mesures protectrices de l’union conjugale, excepté les questions relatives aux enfants soumises à la maxime inquisitoire illimitée. La maxime inquisitoire limitée ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure et il leur incombe de renseigner le juge en lui indiquant les moyens de preuve disponibles (consid. 4.3 et 4.4).

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TF 5A_90/2018 (f) du 30 avril 2018

Mesures protectrices; entretien; art. 176 al. 1 ch. 1 CC; 272 CPC; 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH

Méthode de calcul applicable à la contribution d’entretien entre époux en situation matérielle favorable, mais sans épargne (art. 176 al. 1 ch. 1 CC). Si le juge choisit d’appliquer la méthode du minimum vital en présence d’une situation financière favorable, respectivement si l’application de la méthode concrète est contestée, le juge doit s’interroger sur l’existence ou non d’une épargne. C’est ce qu’a fait la juge déléguée en l’espèce. Les griefs du recourant à ce sujet n’ont pas à être analysés, dès lors qu’il ne les a pas formulés lors des instances précédentes. En effet, la maxime inquisitoire sociale ne dispense pas les parties, surtout si elles sont assistées d’un conseil, de présenter l’état de fait déterminant (consid. 5.1 et 5.3).

Etablissement arbitraire des faits (non-collaboration à la procédure). Dès lors que l’analyse de l’ensemble des écritures de l’époux a démontré une attitude contradictoire et peu cohérente, tendant à l’incertitude et peu transparente en procédure, la Juge déléguée a à bon droit considéré que le recourant refusait de collaborer et en a tenu compte dans le cadre de sa liberté d’appréciation (consid. 6.1, 6.2 et 6.3).

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Divorce

Divorce

TF 5A_709/2017 (f) du 03 avril 2018

Divorce; entretien; revenu hypothétique; art. 125 CC

Détermination de la contribution d’entretien en situation financière aisée. Lorsque l’union conjugale a durablement marqué la situation de l’époux bénéficiaire (lebensprägende Ehe) et que les ressources financières des parties le leur permettent, le standard de vie choisi par les époux durant la vie commune doit en principe être maintenu ; il s’agit alors de la limite supérieure de l’entretien convenable. En l’espèce, les mesures provisionnelles réglant les modalités financières pendant la séparation des parties avaient été fixées de façon à assurer le train de vie mené durant la vie commune, à savoir CHF 16'000.- (consid. 3.2 et 3.4).

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TF 5A_18/2018 (f) du 16 mars 2018

Divorce; entretien; liquidation du régime matrimonial; partage prévoyance; procédure; art. 29 al. 1 Cst.; 227, 229, 230, 277 al. 2 et 317 CPC

Modification d’une demande en procédure sommaire de deuxième instance (art. 317 al. 1 lit. b et al. 2 lit. b CPC). L’appel est destiné à permettre la rectification des erreurs du jugement de première instance, non la réparation des carences des parties. Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont donc admissibles en appel qu’à condition qu’ils soient invoqués ou produits sans retard et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance malgré la diligence de la partie qui s’en prévaut. Concernant les pseudo nova, il incombe à la partie qui les invoque de démontrer qu’elle a fait preuve de la diligence requise. Par exception, il peut y avoir modification des conclusions en appel si cette dernière est en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse y a consenti et si elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux. En l’espèce et de jurisprudence constante, les erreurs du conseil sont opposables à la partie, qui n’a ainsi pas agi avec toute la diligence requise. De plus, les erreurs du conseil ne sont pas susceptibles de constituer des faits nouveaux, et ne sauraient donc justifier une modification au sens de l’art. 317 al. 2 lit. b CPC (consid. 4.1 et 4.3.2.1 et 4.3.2.2).

Etablissement des faits en procédure de divorce (art. 277 CPC). La maxime des débats s’applique à la procédure concernant le régime matrimonial et les contributions d’entretien après le divorce (art. 277 al. 1 CPC). Le tribunal est tenu de demander aux parties la production de nouvelles pièces qui manquent au dossier et sont nécessaires à prouver les faits allégués : autrement dit, le tribunal doit corriger les offres de preuves insuffisantes (art. 277 al. 2 CPC). En revanche, le tribunal n’a pas l’obligation de faire procéder à une amélioration lorsqu’une partie n’a pas suffisamment formulé un allégué de fait concernant les conséquences patrimoniales du divorce. De plus, les maximes d’office et inquisitoire ne s’imposent qu’au premier juge concernant les questions touchant à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC). En l’espèce, la recourante n’a pas formulé ses conclusions en temps utile et succombe de ce fait. A noter que le Tribunal fédéral laisse en obiter dictum ouverte la question de savoir si l’art. 277 al. 2 CPC est applicable en seconde instance (consid. 5 et 6).

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Couple non marié

Couple non marié

TF 5A_672/2017 (f) du 20 avril 2018

Couple non marié; entretien; revenu hypothétique; art. 106 al. 2 LTF

Imputation d’un revenu hypothétique. Lorsque le juge entend tenir compte d’un revenu hypothétique, il doit examiner deux conditions. Premièrement, il doit établir si l’on peut raisonnablement exiger de cette personne qu’elle exerce une activité lucrative : c’est une question de droit. Deuxièmement, il doit déterminer si cette personne a la possibilité effective d’exercer l’activité ainsi déterminée : c’est une question de fait. En l’espèce, la question de savoir si l’on peut exiger de la mère d’un enfant de quatre ans qu’elle exerce une activité lucrative à un taux supérieur à 30% ressortit au droit ; c’est donc en vain que le recourant invoque la constatation inexacte des faits (consid. 7.1 et 7.2).

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