Newsletter

Droit matrimonial - Newsletter février 2015

Editée par Amey L., Bohnet F., Burgat S., Guillod O. et Piffaretti M.


Liquidation du régime matrimonial

TF 5A_621/2013 - ATF 141 III 53 (f) du 20 novembre 2014

Divorce ; entretien, liquidation du régime matrimonial ; immeuble en copropriété ; art. 125, 206 CC

Détermination des ressources d’un indépendant. Le bonus fait partie du salaire, lorsqu’il s’agit d’une rémunération régulière. Lorsque les revenus sont fluctuants (comme ceux d’un indépendant), il convient de tenir compte, en général, du revenu net moyen réalisé durant plusieurs années : plus les fluctuations de revenus sont importantes et les données incertaines, plus la période de comparaison doit être longue (consid. 3.3.1).

Méthode de calcul de l’entretien du conjoint en cas de divorce. Quand le mariage a concrètement influencé la situation financière de l’épouse, celle-ci a droit au maintien de son train de vie antérieur. Si les époux démontrent ne pas avoir fait d’économies durant la vie commune, on peut appliquer la méthode du minimum vital élargi, avec répartition de l’excédent (consid. 4.1).

Méthode de calcul de l’entretien pour un enfant mineur. Quand les parents ont une situation matérielle très aisée (revenus mensuels d’environ CHF 19’000.-), il convient de se baser sur les besoins d’entretien statistiques moyens retenus dans les « Recommandations pour la fixation des contributions d’entretien des enfants » éditées par l’Office de la jeunesse du canton de Zurich (consid. 4.2.1).

Liquidation du régime matrimonial en cas d’immeuble acquis en copropriété. La part de copropriété d’un immeuble inscrite au registre foncier au nom d’un époux est présumée appartenir à celui-ci. Au moment de son acquisition, elle entre dans le régime matrimonial, soit dans une des masses de cet époux. Le conjoint qui a contribué à son acquisition dispose d’une éventuelle créance et sa participation à la plus-value conjoncturelle enregistrée par cette part de copropriété est réglée par l’art. 206 CC. Contrairement à ce qu’a implicitement admis l’ATF 138 III 150, il n’y a pas lieu de présumer que les époux ont voulu exclure la participation à la plus-value de l’époux qui a financé l’acquisition, ni qu’ils ont voulu répartir la dette hypothécaire (dont ils sont tous deux débiteurs envers la banque) autrement que par moitié (consid. 5.4.3, 5.4.4 et 5.4.5).

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Divorce Entretien Liquidation du régime matrimonial Publication prévue

Commentaire de l'arrêt TF 5A_621/2013 - ATF 141 III 53 (f)

Sabrina Burgat

Professeure à l'Université de Neuchâtel

Liquidation du régime matrimonial : quand la répartition de la plus-value = PV HYP * 73.51% ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_621/2013

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Mesures protectrices

Mesures protectrices

TF 5A_386/2014 et 5A_434/2014 (f) du 01 décembre 2014

Mesures protectrices ; domicile conjugal ; entretien ; procédure ; art. 176 al. 1 ch. 2 CC ; 58 CPC

Critères d’attribution du domicile conjugal. Le juge amené à attribuer provisoirement le logement conjugal doit examiner, en premier lieu, à quel époux le domicile conjugal est le plus utile. Si ce premier critère de l’utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l’immeuble et l’attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d’autres droits d’usage sur celui-ci (consid. 3.1).

Contribution d’entretien en faveur de l’épouse. Lorsque le ménage est fortuné, il n’est pas insoutenable de prendre en compte des dépenses de luxe pour fixer la contribution d’entretien, à moins qu’elles soient si insolites qu’on ne puisse raisonnablement les faire entrer dans la notion d’entretien. En mesures protectrices de l’union conjugale, il n’est pas arbitraire d’inclure dans la contribution d’entretien de l’épouse un montant mensuel de CHF 3'000.- pour lui permettre de rendre visite à ses enfants aux États-Unis et d’effectuer des voyages d’agrément (consid. 4.3).

Contribution d’entretien en faveur des enfants. Il faut se baser sur les frais effectifs de l’enfant pour fixer la contribution d’entretien qui lui est due quand la situation financière des parents est largement supérieure à celle servant de base aux valeurs indicatives retenues dans les tabelles zurichoises (consid. 4.5).

Maxime de disposition. La fixation de l’entretien entre conjoints en mesures protectrices est régie par la maxime de disposition (art. 58 CPC). La reformatio in pejus est donc interdite : la contribution allouée à l’épouse pour une période déterminée ne peut être modifiée, en instance de recours, au détriment du mari qui a seul recouru sur ce point (consid. 6.2).

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TF 5A_463/2014 (d) du 08 décembre 2014

Mesures protectrices ; entretien ; revenu hypothétique ; procédure ; art. 125 al. 1 CC ; 99 al. 2 LTF

Nouvelles conclusions. Toute conclusion nouvelle devant le Tribunal fédéral est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF ; ATF 135 I 119, consid. 2) (consid. 4).

Imputation d’un revenu hypothétique. Le seul fait que l’épouse fasse valoir des créances de salaire d’un rapport de travail aujourd’hui résilié ne signifie pas qu’il est possible et raisonnablement exigible qu’elle exerce par la suite une autre activité lucrative (consid. 8.1). La possibilité de réaliser un revenu et son caractère exigible (Zumutbarkeit) sont deux conditions cumulatives à l’imputation d’un revenu hypothétique (ATF 137 III 118, consid. 2.3) (consid. 8.2).

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TF 5A_608/2014 (f) du 16 décembre 2014

Mesures protectrices ; entretien ; revenu hypothétique ; art. 176 CC et 272 CPC

Estimation du revenu du débirentier. Seules les charges effectives, dont le débirentier s’acquitte réellement, doivent être prises en compte dans le cadre de la fixation de ses revenus. Si le recourant ne démontre pas le paiement effectif d’intérêts hypothécaires, l’autorité cantonale ne verse pas dans l’arbitraire en refusant de prendre en compte cette charge (consid. 4.1).

Maxime inquisitoire sociale. En mesures protectrices de l’union conjugale, la maxime inquisitoire dite sociale ou limitée s’applique (art. 272 CC). Elle n’oblige pas le juge à rechercher lui-même l’état de fait pertinent. Il incombe aux parties de collaborer activement à la procédure, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles. II n’appartient pas au tribunal de conseiller les parties du point de vue procédural (consid. 4.2.1).

Revenu hypothétique. Lors de la fixation d’un éventuel revenu hypothétique, le juge doit d’une part déterminer si l’on peut raisonnablement exiger de l’époux concerné qu’il exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, compte tenu notamment de sa formation, de son âge et de son état de santé (question de droit). D’autre part, il doit examiner si la personne a la possibilité effective d’exercer l’activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées et du marché du travail (question de fait). En l’espèce, un revenu hypothétique de CHF 500.- a été admis (consid. 5.1.2 et 5.2).

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TF 5A_580/2014 (d) du 16 décembre 2014

Mesures protectrices ; procédure ; art. 29 al. 3 Cst. ; 93 al. 1 let. a LTF

Dépens dans une décision incidente. Le prononcé accessoire sur les frais et dépens, contenu dans une décision incidente, n’est pas susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF (consid. 2).

Assistance judiciaire gratuite. Lorsqu’il n’a pas encore été statué sur l’avance de frais et la demande d’assistance judiciaire dans la procédure principale, les frais d’avocat émanant d’une procédure en protection de l’union conjugale doivent être pris en considération, dans le cadre d’une procédure de recours, lors de l’analyse de l’état d’indigence du requérant (consid. 4.2).

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Divorce

Divorce

TF 5F_22/2014 (f) du 12 janvier 2015

Divorce ; garde ; protection de l’enfant ; procédure ; art. 3 al. 1 let. a, 13 al. 1 let. a et b CLaH80 ; 123 al. 1 LTF

Procédure de révision. La révision, au sens de l’art. 123 al. 1 LTF, suppose un rapport de causalité entre le crime ou le délit commis et le dispositif de l’arrêt dont la révision est requise. L’infraction doit avoir exercé une influence effective, directe ou indirecte, sur l’arrêt en cause, au préjudice du requérant (consid. 2.1). Un tel rapport de causalité fait défaut en l’espèce : l’engagement, non respecté par le père, de renoncer à l’exécution de l’ordonnance du 14 mars 2014 rendue par le Juge aux affaires familiales, n’a en définitive exercé aucune influence effective sur le dispositif de l’arrêt querellé au préjudice de la requérante. Il est donc sans pertinence que les fausses déclarations en justice du père puissent aboutir à sa condamnation pénale (consid. 2.2).

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TF 5A_424/2014 (f) du 15 décembre 2014

Divorce ; entretien ; art. 125 al. 2 CC

Détermination du revenu d’un indépendant. Le revenu d’un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. Pour obtenir un résultat fiable, en cas de revenus fluctuants, le juge tiendra compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières). Plus les fluctuations de revenus sont importantes et les données fournies par l’intéressé incertaines, plus la période de comparaison doit être longue. Selon les circonstances, on peut faire abstraction des bilans présentant des situations comptables exceptionnelles, à savoir des résultats particulièrement bons ou spécialement mauvais (consid. 2.1 et 2.2).

Fixation de l’entretien en cas de mariage de longue durée. Dans le cas d’un mariage qui   comme en l’espèce   a duré dix ans ou plus et a durablement marqué de son empreinte la situation économique du conjoint ayant besoin d’une contribution d’entretien, ce dernier a droit dans l’idéal au maintien du standard de vie qui prévalait pendant le mariage ou, si les ressources du débiteur d’aliments sont insuffisantes, au même train de vie que celui-ci (consid. 3.1).

Durée de l’entretien. En pratique, l’obligation d’entretien est fixée jusqu’au jour où le débiteur de l’entretien atteint l’âge de la retraite. Il n’est toutefois pas exclu d’allouer une rente sans limitation de durée, en particulier lorsque l’amélioration de la situation financière du créancier n’est pas envisageable et que les moyens du débiteur le permettent (consid. 4. 1 et 4.2).

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TF 5A_711/2014 (f) du 08 janvier 2015

Divorce ; entretien ; liquidation du régime matrimonial ; art. 2 al. 2, 8, 285 al. 1 CC

Appréciation des preuves. L’autorité qui détermine le revenu effectif d’un conjoint en appréciant les indices concrets à sa disposition résout une question de fait qui ressortit à l’appréciation des preuves et non à l’art. 8 CC (consid. 3.1.4).

Abus de droit en lien avec la liquidation du régime matrimonial ? Il n’appartient pas au Tribunal fédéral de juger si l’acquisition par l’ex-épouse de la part de copropriété du recourant dans une vente aux enchères forcées ayant eu lieu avant l’audience de jugement de divorce est constitutive d’un abus de droit, au sens de l’art. 2 al. 2 CC. Il sied cependant de relever que si la part de copropriété du recourant avait été vendue à une tierce personne, le résultat du règlement des dettes entre époux, que le recourant conteste, eût été similaire (consid. 4.4).

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TF 5A_437/2014 (d) du 10 décembre 2014

Divorce ; liquidation du régime matrimonial ; procédure ; art. 95 ss LTF

Etablissement arbitraire des faits. Les faits établis par l’autorité précédente lient en principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d’influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) (consid. 1).

Interprétation des conclusions en matière de régime matrimonial. Le rejet d’une demande en rectification du procès-verbal ne donne pas à son contenu autorité de chose jugée. Ainsi, l’autorité de recours peut interpréter ce contenu conformément au principe de la bonne foi (consid. 2.2.2).

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Couple non marié

Couple non marié

TF 5A_684/2014 (d) du 03 décembre 2014

Protection de l’enfant ; autorité parentale ; droit de visite ; art. 297, 274a CC

Attribution de l’autorité parentale après le décès du titulaire exclusif. L’autorité parentale ne saurait être attribuée à la personne qui prétend avoir été mariée au titulaire de l’autorité parentale au moment de son décès mais qui n’a pas de lien juridique de filiation avec l’enfant. Un lien biologique est sans pertinence à cet égard (consid. 2.1 et 2.2.1).

Droit de visite. Dans des circonstances exceptionnelles, le droit d’entretenir des relations personnelles peut être accordé à des tiers (art. 274a CC), dans l’intérêt de l’enfant. L’existence d’un lien de filiation biologique et des démarches en vue d’établir un lien de filiation juridique peuvent justifier d’accorder un droit de visite (consid. 3.1).

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TF 5A_665/2014 (d) du 23 décembre 2014

Protection de l’enfant ; placement ; procédure ; art. 9 Cst. ; 314b CC

Qualification juridique d’une mesure de placement d’un mineur en internat scolaire. Sous l’ancien droit, la notion d’établissement (art. 314b aCC) était comprise dans un sens très large, englobant toute institution qui restreint sensiblement la liberté de mouvement du mineur pour des raisons liées à sa prise en charge ou à sa surveillance (consid. 2.3.2). La notion a été remplacée en 2013 par celle, apparemment plus stricte, d’« institution fermée » et d’« établissement psychiatrique » (art. 314b CC), qui n’engloberait pas un placement en internat scolaire. La qualification du placement est toutefois laissée ouverte (consid. 2.3.3).

Indication erronée du délai de recours, bonne foi. En vertu du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), une partie ne doit subir aucun préjudice en raison d’une indication inexacte des voies de droit, à moins qu’elle ait dû s’apercevoir de l’erreur en prêtant l’attention commandée par les circonstances. Seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi, à savoir quand la partie ou son avocat pouvait se rendre compte de l’erreur en lisant simplement la loi applicable (consid. 2.3.4). En l’espèce, la qualification juridique du placement en internat scolaire (placement à des fins d’assistance, impliquant un délai de recours de 10 jours, ou mesure de protection de l’enfant, délai de 30 jours) ne saurait être trouvée à la simple lecture de la loi, si bien que la partie recourante peut invoquer sa bonne foi (consid. 2.3.4).

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